Rechercher dans ce blog

Nombre total de pages vues

dimanche 1 mars 2020

Rouge Croix

1914
Triste année : la France entre en guerre début août. 


"Conscient des pertes à venir, et des besoins financiers pour aider et soutenir les œuvres de bienfaisance, le gouvernement français envisage l’émission de son premier timbres-poste à surtaxe, moyen rapide et peu coûteux de faire appel à la générosité nationale".

Fallait bien les payer ces jolis uniformes, que certains ont comparé à de véritables cibles pour les tireurs allemands, à cause de leurs couleurs trop voyantes !...



  Le 11 août paraît le décret lui donnant naissance, signé par le Président Poincaré. Il fallait faire vite, et pour que les bureaux de poste soient très rapidement approvisionnés (ce fut le cas en une semaine, dès le 18 août !), on se contenta dans un premier temps de surcharger un stock de 4000 feuilles (ou peut-être d'avantage ?) de la Semeuse à 10 centimes rouge, avec millésime 4, ce qui donna le célèbre YT 146 :

On peut dire qu'il eut moins de succès auprès du public 
que des philatélistes, mais il reste le tout premier.

Puis, en pleine bataille de la Marne, le temps de créer un nouveau poinçon très particulier, avec son cartouche blanc faisant mieux ressortir la surtaxe, le timbre définitif pourra être livré à la vente dès le 10 septembre : c'est le fameux YT 147 :

Avec sa valeur faciale et POSTES refoulés vers le haut, 
le public lui fera un meilleur accueil, comme les philatélistes.

Sa commercialisation a eu droit à une promotion qui va s'avérer efficace, avec de belles affiches :


Et de jolies pancartes :



  Son tirage fut nettement supérieur, jusqu'en 1916, et vendu initialement sous la forme de feuilles de 150 timbres (ci-dessous le tiers inférieur d'une feuille) portant les millésimes 4, 5 et 6 :


(celle-ci a été imprimée le 25.08.1914 sur la presse 12)


Puis sous la forme de carnets de 20 timbres à 10 c. vendus 3 francs, vers mars 1915 :



(Circulaire du 10 février 1915)

  Bien entendu, les philatélistes s'y sont intéressé, et comme toujours avec leurs loupes, ils ont remarqué de petites différences entre les timbres issus des feuilles et ceux issus des carnets qui furent dénommés au type II. Leur teinte est par ailleurs plus rouge orangée, et leur format un peu plus grand que les précédents.

(Dictionnaire de Pierre Marion)

Ces différences sont en réalité assez inconstantes, et il est souvent bien difficile de trancher entre les deux types en voyant un timbre isolé. Certains remettent même en question cette notion de types, et pensent plutôt à une retouche, ou à une différence de mise en train. J'ai l'impression cependant qu'il y a bien eu deux galvanos différents car la largeur du pont n’est pas la même, mais ça se joue à un poil de... poilu !

  Pour des raisons assez obscures, figurez-vous que ce timbre a été utilisé en 1915 au MAROC, revêtu d'une surcharge bilingue (en plus de sa surtaxe) :


Si vous pouviez m'en dire plus à ce sujet, ce serait bienvenu !


Mais vous allez me dire qu'il n'y a rien de bien nouveau dans tout ce qui précède, ni de bien rare !
Patientez encore un peu, et vous allez voir...

  On connait une épreuve non dentelée de ce timbre :

Enfin... on connait... 
Disons plutôt que j'ai vu celle-ci se vendre il y a longtemps,
mais pas une autre depuis !

Et, comme pour toutes les Semeuses, de jolies variétés existent, sauf que sur ce timbre elles sont vraiment exceptionnelles :

Piquage à cheval magnifique :

Avec timbres du haut non dentelés sur un côté.

Vraisemblablement une seule feuille touchée, 
avec donc 4 autres paires verticales semblables existantes.


Impression Recto-Verso, partielle mais jolie :

Hélas inutilement défigurée par un tagueur de chez Calves !
Là encore les voisins existent peut-être quelque part,
sauf s'ils ont été collés sur du courrier...


Spectaculaire piquage en diagonale :

Le coin supérieur droit de la feuille était replié au moment 
du passage dans la machine à perforer.
Peut-être unique ?

  Vous vous doutez bien que j'ai enchéri sur chacune de ces variétés lorsqu'elles se sont présentées dans diverses ventes. Et vous avez raison.
Mais, malchance ou sous-estimation, je n'en ai eu aucune !
Zobi ! Walou ! Toutes ratées !

Alors, ces derniers jours, lorsque la suivante s'est présentée, j'étais bien décidé à me l'offrir...

Remarquable impression "tête-bêche" :


Mais comment est-ce possible ?
Il s'agit du bord droit d'une demi-feuille de gauche.
La feuille d'impression comportait bien 300 timbres, mais ceux-ci étaient imprimés avec la technique dite "en aile de moulin" : les premiers 150 dans un sens, puis on retournait la feuille pour imprimer les 150 autres, puis on séparait les deux demi-feuilles.
Ceci, tout simplement parce qu'on ne devait disposer en ces temps de guerre que d'une planche de 150, par souci d'économie, et non d'une de 300.

Pour ce timbre, la découpe entre les 2 demi-feuilles n'a pas été réalisée correctement, emportant quelques millimètres de la demi-feuille de droite.
Du coup, 150 timbres imprimés sont partis à la poubelle : pas terrible pour les économies...

Mais absolument terrible pour nous philatélistes !

Nous avions déjà décrit cette technique au sujet d'une autre Semeuse YT 134 imprimée en 1906 (ce sera plus clair en cliquant sur le lien suivant) :

  La différence, c'est que pour la Semeuse avec sol, on ne pouvait absolument pas rencontrer de "tête-bêche" comme ici, puisqu'il n'y avait qu'un seul galvano n'imprimant que 50 timbres, sans aucun voisin à l'envers !

Ce qui fait que cette Semeuse Rouge Croix est LA SEULE Semeuse que l'on puisse rencontrer ainsi, avec une telle impression "tête-bêche".
D'où mon intérêt, et l'article de ce soir.

  Cela m'a permis de réviser un peu mes classiques, car j'avoue que j'avais oublié que cette technique avait été utilisée pour une autre Semeuse que celle avec sol. J'ai dû me replonger dans mes bouquins.
Storch et Françon nous l'avaient pourtant bien montré dans leur ouvrage des années 80 :

 Ici le bas de la même feuille, certainement la seule qui existe, 
avec la variété mieux visible du fait de la découpe un peu en biais.
Au maximum, 12 autres timbres à l'envers peuvent exister.

Mais la malédiction a pris la suite de ma malchance !
Une nouvelle fois je n'ai pas réussi à emporter les enchères, et cette variété m'a échappé de justesse elle aussi, comme ses copines.
J'avais décidé de l'échanger contre 5 billets de 100 euros, mais ça n'a pas suffi !

Je ne la reverrai probablement pas de sitôt, mais je l'aurai un jour, c'est promis !

*****

  Je rajoute a posteriori deux autres très jolies variétés qu'un ami a bien voulu me communiquer :


 Un manque d'impression sur la gauche


Et un double piquage sur celui du Maroc !

*****

Pour plus de détails, vous pouvez vous reporter 
à l'excellent article de Laurent Albaret 
dans L’ÉCHO DE LA TIMBROLOGIE de mai 2010.



Aucun commentaire: