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samedi 22 octobre 2022

Il manque une dent !



Faux de Marseille, dit de Nice

  J'avais envie depuis longtemps de lui consacrer un article à celui-ci. C'est vrai qu'il est assez célèbre depuis son identification par Fernand Serrane en 1923 (L'écho de la timbrologie du mois de mars), et pas vraiment rare à l'état neuf, mais il me plait beaucoup. Les auteurs mentionnent son apparition sur le courrier en avril 1922 (Louis Barrier puis Storch et Françon).

Il avait envahi le sud-est de la France durant plusieurs mois avant d'être reconnu : c'est un des faux pour tromper la Poste qui a le mieux atteint son but ! Plusieurs millions (8) auraient été écoulés dans les bureaux de tabac, avec ou sans leur complaisance pour ne pas dire complicité, on ne sait pas trop. Une trentaine de débitants à Marseille et à Nice furent perquisitionnés. La valeur de 25 c. représentait alors le tarif de la lettre simple pour l'intérieur.

Les faussaires ont pu être identifiés et arrêtés. Tout ceci a bien agité le milieu philatélique et la presse de l'époque.

Voici ce qu'en dit Jean-François Brun (sur Youtube)

  Mais un correspondant m'a fait passer 2 articles de presse de mai 1923 relatant l'arrestation d'un pêcheur habitant rue Robert, tout près du Vieux Port à Marseille, nommé Henri Scala ou Escala, qui était en possession de 4000 faux timbres, mais les recherches se poursuivaient encore pour en trouver la fabrique...

*****

  Un peu de nostalgie. S'il me plait tant, ce faux, c'est que notre rencontre remonte à mon enfance, lorsque je trouvais du plaisir le dimanche matin à aller farfouiller dans les classeurs du marché aux timbres de Marseille. Il a changé plusieurs fois d'emplacement, et a quasiment disparu ces dernières années faute de participants. Je n'y vais plus depuis longtemps. 

Mais à l'époque, on pouvait y faire des chopins, et je ne m'en suis pas privé. 

C'est ainsi qu'un dimanche, je tombe sur quelques exemplaires du 25 c. bleu que je reconnais immédiatement comme étant des faux. Le vendeur l'ignorait et les proposait à un franc pièce, pensant qu'il s'agissait de timbres authentiques, très courants donc. Ne voulant pas trop attirer son attention en les scrutant à la loupe, j'ai acheté les 2 ou 3 qu'il avait ce jour-là, en prétextant que je m'intéressais à ce timbre en particulier pour ma collection. "Mais, j'en ai plein d'autres à la maison !" me dit-il alors. Nous nous sommes donnés rendez-vous le dimanche suivant, et j'ai réussi à lui prendre tout son lot, en arrivant même à négocier une ristourne ! Sans qu'il ne se doute de rien. Une belle affaire et un bon souvenir. 

Je les ai toujours :


On le trouve assez facilement isolé, mais en bloc il est rare !

Comment l'identifier ?
 
  Il faut tout d'abord savoir que le timbre qui a été copié est au type IA, celui des feuilles à plat de l'époque, imprimées depuis 1907 (et des rares roulettes) : la forme du 2 est reconnaissable, bien différente de celle des timbres des carnets qui n'existaient que depuis 2 ans.

On ne voit d'ailleurs jamais ce faux avec un bord de feuille. Il parait qu'il était vendu (ou plus exactement recélé) en blocs (de 25 je crois) qui en étaient dépourvus. 
Ceci aurait dû alerter les buralistes honnêtes...

  Serrane en a lui-même acheté sur Nice, et a été alerté par la dentelure anormale, visible à l'œil nu, puis avec sa loupe, il a décrit plusieurs critères permettant son identification. 

Je vous ai signalé ici ceux qui sont pour moi les plus remarquables, et les plus fiables :

La dent en moins est indiscutable.
Le trait du pouce droit qui descend est net.
La plante des pieds trop blanche se voit bien.
Les hachures différentes du coude gauche un peu moins.
Mais reconnaissez qu'il est assez bien réussi !

 Compte-tenu des millions (ou milliards ?) de 25 c. bleu authentiques qui ont été lâchés dans la nature, même avec ces critères bien tête, la chance que vous tombiez demain sur un de ces faux passé inaperçu est assez mince puisque les philatélistes se sont chargés du boulot depuis un siècle. 
D'où ma satisfaction d'adolescent !

  Mais s'il en a été écoulé des millions de ce faux, on doit bien en trouver ayant affranchi frauduleusement le courrier, me direz-vous ! 
Et bien, on n'en voit pas tant que ça, figurez-vous.
Et c'est là que ça se complique...

On peut trouver des lettres simples pour l'intérieur, souvent postées à Marseille, et qui ont régulièrement circulé, le faux n'ayant pas été reconnu comme tel : elles sont rares et presque toujours datées de 1922, avant que Serrane ne signale à l'administration sa découverte.

Celle-ci avec une des premières dates connues : le 10 mai


Ensuite, une fois La Poste alertée, après mars 1923 donc, le faux n'est normalement pas oblitéré et la lettre se retrouve taxée, comme celle-ci :


Sur Carte Postale, ce faux est bien plus rare en raison de leur tarif, ici pour la Belgique :


Et celle-ci est encore plus exceptionnelle, car accompagnée de l'avis de contravention de l'administration française :

Et même du Procès Verbal établi en Belgique après enquête auprès de la destinataire qui a été convoquée et interrogée : on ne plaisantait pas ! 

Sur lettre recommandée, je n'en connais qu'une : celle-ci qui est une merveille, avec une paire !


Voici, ce que j'ai eu la chance de pouvoir réunir pour ma collection sur ce faux en quelques décennies, même si j'ai quelques doutes sur l'authenticité de la lettre taxée...


  Car c'est là tout le problème : l'affaire a fait tellement de bruit sur la côte d'azur et dans le milieu philatélique, que certains mal intentionnés ont pu se procurer assez facilement des exemplaires neufs, et ne se sont pas gênés pour fabriquer de toute pièce des fausses lettres, avec de faux cachets. Pour tromper les philatélistes cette fois-ci. Elles sont d'ailleurs bien plus faciles à trouver que les authentiques courriers : ATTENTION !
L'avis d'un expert est indispensable, et vous verrez plus bas que même leur signature est à vérifier !

Voici quelques exemples de fausses lettres :

Elles sont toutes oblitérées de Nice, fin 1922.
Ecrites, on dirait bien, de la même main !
La signature de R. Calves est ici à mon avis plus que douteuse !


On connait même ces deux là, signées par Serrane lui même, avec comme par hasard l'adresse d'un expéditeur philatéliste... Il a très bien pu les fabriquer. Oblitérations d'août 1922 :



Celle-ci qui semble authentique a été postée à Paris, ce qui n'est pas courant :



En 1923, on en trouve bien plus souvent, c'est normal, et elles sont logiquement taxées :










Mais pas forcément toutes authentiques... 
Méfiance !

Celle-ci, authentifiée au dos par un cachet de la Police, qui l'a ouverte  :



Quelques vraies lettres pour l'Italie sont connues, affranchies avec des paires, et taxées là-bas :


(On voit au dos que l'administration l'a ouverte pour son enquête)


Ces deux dernières sont particulièrement séduisantes avec leurs PV italiens :

(NB : je l'adopterais volontiers !)


Celle-ci, arrivée en Italie sans avoir été taxée en septembre 1922 :



Et pour terminer en beauté, une pour la Belgique, du 30 avril 1922 (première date connue) qui est passée elle aussi "comme une lettre à la poste" :



Bien entendu, je suis très intéressé par vos commentaires ou vos informations complémentaires, et par les images d'autres courriers pareillement affranchis que vous auriez l'amabilité de me communiquer.

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dimanche 2 octobre 2022

Petite trouvaille

 

  Pour ceux qui ne le savent pas encore, je m'intéresse de très près et depuis longtemps aux dates d'impression de notre Semeuse : c'est souvent une source de renseignements et de découvertes assez intéressants !

Concernant les feuilles imprimées en typographie rotative à partir de 1922, dont nous venons de fêter le centenaire, c'est le cas le plus simple car cette date figure toujours en bas à droite des feuilles de 100 : on appelle ça un coin daté, et on les collectionne avec un bloc de 4 timbres. Non seulement parce que c'est plus esthétique, mais aussi car c'est l'étude des parallélogrammes situés dans la marge inférieure à ce niveau-là qui permet de les classer.

Et c'est plus économique que de les collectionner en feuilles entières !...


  L'avantage de certaines valeurs comme celle-ci, c'est qu'elles sont très courantes, très abordables, et qu'elles ne coûtaient déjà pas grand chose à l'époque, ce qui fait qu'elles n'ont jamais été découpées depuis, à la différence de beaucoup d'autres valeurs au type Semeuse qui ont été bien plus souvent vendues au détail, aux clients et aux collectionneurs.

 Rappel : un tour de cylindre imprimait 2 feuilles comme celle-ci, avec 2 coins datés différents, et 2 numéros dans l'autre coin inférieur, à gauche : un pair et un impair.

  Les feuilles portaient la plupart du temps au niveau de l'intervalle central un chiffre qui correspond au numéro de la presse utilisée (ici la numéro 9).
Vous aurez compris qu'en collectionnant les coins datés en blocs de 4, on perdait forcément cette information, qui a son importance pour la bonne compréhension des tirages.

  Ces derniers duraient quelques jours, quelques semaines ou quelques mois. Parfois en continu, parfois en plusieurs parties. Et il arrivait que l'on change de presse entre 2 tirages ou entre 2 parties. 
Parfois d'un jour à l'autre, telle presse pouvait se mettre à imprimer un autre timbre, ou une autre valeur. Et même parfois en cours de journée.

Comme les cylindres finissaient par s'user, on les remplaçait par des neufs. A chaque fois, on modifiait l'aspect des parallélogrammes, et c''est ainsi qu'ils ont été identifiés, grâce au travail extraordinaire qu'a su réaliser et publier le Baron De Vinck, poursuivi par la SOCOCODAMI.


Chaque cylindre était constitué de 4 galvanos de 50, et on a donné des lettres de l'alphabet aux deux qui comportaient les coins datés : cylindre A+B par exemple, ou C+D etc...

  C'est ainsi que pour ce 2 c. vert, en juillet 1936, le cylindre H+K a tourné sur la presse 5 :

(ici le galvano H)

  Comme la presse n'est pas encore connue pour tous les tirages de toutes les Semeuse, je jette toujours un œil lorsque je vois passer une feuille entière, ce qui me permet parfois de compléter nos connaissances en la matière. Il nous arrive même encore de découvrir des nouveaux premiers ou derniers jours de tirage.

  Cette feuille du même tirage H+K a été mise en vente récemment :




Et c'est bien la presse numéro 6 que l'on y voit, alors que ce devrait être la 5 :

De plus, ce 6 est frappé une rangée plus bas !

Le souci, c'est que la presse 6, à cette période de juillet 1936, imprimait une autre Semeuse : le 25 c. brun-jaune ! Il s'agit donc d'une erreur. Un mauvais numéro de presse.


  En regardant le coin daté, on voit qu'il s'agit cette fois-ci du galvano K : le cylindre imprimait donc ce jour-là une feuille H avec le bon numéro 5 et une feuille K avec le mauvais numéro 6. 
Et ceci pendant quelques jours, probablement même pendant tout ce tirage du 16 au 27 juillet. 
A moins que l'erreur n'ait été corrigée en cours de tirage, ce que l'examen d'autres feuilles pourra peut-être nous révéler un jour...


  Je n'ai pas souvenir d'avoir déjà rencontré ce type d'erreur pour une autre Semeuse, mais vous pensez bien que cela est possible, ce qui fait que tout ce qui est répertorié doit toujours être confirmé par une observation attentive. On a tout à fait pu attribuer une mauvaise presse à un tirage en voyant une feuille porteuse d'une semblable erreur, passée inaperçue !


  Vous voyez que l'on en apprend tous les jours, et que même sur un timbre très courant et assez peu intéressant pour les spécialistes, on peut toujours trouver quelque chose à se mettre sous la dent !


Voici par exemple, pour ce même 2 c. vert, une erreur de date trouvée récemment, et restée inconnue depuis des décennies :

(le tirage de ce cylindre a eu lieu en septembre 1934)

Et quelques raretés qui ne m'appartiennent pas, avec ce timbre dans des utilisations originales :


2 cécogrammes (avec inscriptions en Braille pour les aveugles)


Là, c'est plus facile à lire :


Et cette vilaine paire, dont personne ne voudrait, qui présente pourtant une variété exceptionnelle, le timbre du haut étant non dentelé, tenant à normal :

(collection Nicolas Chrétien : Merci)

Un accident rarissime en typographie rotative.
Une rangée horizontale de 10 timbres n'a pas reçu la perforation !
Les 9 autres restent à trouver...
( WANTED )