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dimanche 25 décembre 2022

Le feu au c...ourrier

 

  A l'époque où la Semeuse affranchissait la quasi totalité des cartes postales et lettres postées dans notre pays, de nombreux obstacles pouvaient en empêcher la distribution, malgré tous les efforts de l'administration qui était d'une efficacité remarquable. Au premier rang desquels figurent les accidents, par définition imprévisibles, parfois dramatiques ou même devenus historiques, et la première guerre mondiale fut bien entendu à l'origine de nombre d'entre eux.

Les moyens courants utilisés pour le transport du courrier sur de longues distances se résumaient à l'époque aux trains et aux bateaux, bien que les débuts de l'aviation nous aient fournis quelques belles aventures déjà racontées ici, mais qui étaient des exceptions.

  Même lorsque les trains déraillaient, le courrier n'était presque jamais endommagé ou perdu, mais simplement retardé, alors que lorsqu'un navire coulait, vous imaginez bien que le résultat pouvait être désastreux.


  L'Histoire avec un grand H a retenu le naufrage du Titanic en 1912 qui a choqué toute une génération, et je sais que du courrier a pu être extrait de son épave pratiquement un siècle plus tard à 3800 mètres de profondeur ! Mais dans quel état !... Plus le moindre timbre à ma connaissance, et aucune Semeuse ! Ce qui n'a pas empêché une lettre de se vendre 140 000 euros :

(une affaire !)

  Des petits malins ont essayé de profiter de la notoriété du Titanic pour vendre une petite fortune quelques lettres sur lesquelles un tampon au nom du tristement célèbre paquebot avait été apposé ! Affranchies avec des Semeuses, elles sont parties de France et bien arrivées, elles, en Amérique, car embarquées à bord d'un autre transatlantique, parti avant le drame. Elles étaient peut-être bien prévues pour voyager sur le Titanic qui a eu du retard, ce qui justifierait le tampon en question. 
Le doute est permis... 
En voici une :
(du coup, je vous la laisse volontiers)


  D'autres navires ont été victimes d'avaries diverses pouvant retarder le courrier qu'ils transportaient, mais il est assez rare que le courrier lui-même ait été endommagé : on devait en prendre le plus grand soin à mon avis. 
Les philatélistes (dont je suis) apprécient beaucoup les lettres ayant malgré tout souffert lors d'un incendie ou d'un naufrage, il y a plus d'un siècle.

  En général, la presse écrite relatait ces accidents avec moult détails dans les jours suivant car ils étaient souvent sensationnels et faisaient parfois des victimes, hélas ! Ces évènements ont donc fait depuis, entrer un peu la philatélie dans l'Histoire car ces lettres en sont les derniers témoins.

*****

  C'est ainsi que mon attention fut attirée il y a de nombreuses années par une jolie lettre, en bon état, affranchie avec ma Semeuse préférée, le 25 c. bleu YT n°140. Postée à destination de la Suède en 1916, en pleine première guerre mondiale, elle y était bien parvenue, mais un mystérieux cachet y avait été apposé :

Et je ne l'avais jamais vu, ce cachet !

J'avais péniblement réussi à déchiffrer cette langue inconnue de moi, suffisamment pour comprendre qu'un incendie avait eu lieu à bord du "Newton" dans le port anglais de Sunderland. 

La lettre partie de Paris le 9 février y avait donc fait escale le 14, où elle avait échappé aux flammes pour parvenir jusqu'à sa destination : Göteborg le 24. Pas de réelle catastrophe donc. Pas de trace de flammes ni d'immersion sur l'enveloppe, mais simplement des traces d'humidité sur les bords.

Elle était jolie, mais pas franchement donnée !...

Surtout que mes recherches à l'époque sans internet ne m'avaient pas permis d'en apprendre d'avantage sur cet accident survenu hors de France. Nulle trace dans ma documentation !
J'y avais donc renoncé, mais elle avait marqué ma mémoire.

 Mon ami Philippe l'a ensuite montrée sur son site semeuses.com mais il maîtrise lui aussi assez mal le suédois...

  Depuis, je ne l'avais jamais oubliée cette lettre. Elle me faisait toujours envie !

Grâce à internet et à cet outil magique qu'est Google, j'ai réussi à trouver quelques plis ayant vécu les mêmes mésaventures. Et portant le même cachet.
Ils semblent être assez rares, pas faciles à dénicher (pour un non suédois en tout cas).

La plupart d'entre eux sont partis d'Angleterre et arrivés en Suède. Ils ont souvent été bien endommagés et ouverts par la Censure :


Celle-ci a même perdu son timbre :

Celui-ci a été consolidé à la va vite :

Cet autre a été léché par les flammes :


Celui-ci un peu moins :



Celui-là à peine détérioré :

Cette lettre également est arrivée presque intacte plus au Nord à Trollhattan :

Celle-ci, en parfait état, tout au Sud à Malmö :

Celle-ci était partie de Dundee en Ecosse :

Celle-ci de Cardiff au Pays de Galles :



Cette autre expédiée semble t'il du Canada, a perdu tous ses timbres :

Quel trajet étonnant pour celle-ci, postée à Managua au Nicaragua !

Ou bien cette carte postale partie du Caire en Egypte :

Et cette dernière, la seule à ma connaissance qui ait transporté des Semeuses, jusqu'à Sodertalje près de Stockholm :
WANTED ! )

  J'ai aussi découvert qu'un cachet était apposé en français, langue officielle internationale de l'U.P.U., sur les lettres destinées à un autre pays que la Suède :


De Londres pour Viborg en Finlande via Helsinki:

De Boston U.S.A. pour la Finlande :

De la France vers la Russie :

*****

Des heures de fouilles du web m'ont permis de trouver cette unique photo du cargo vapeur Newton :

https://digitaltmuseum.se/021015772691/foto-visande-lastangfartyget-newton-av-uddevalla

Mais en revanche, pas moyen de trouver beaucoup de détails sur son trajet ni sur cet incendie !

Peut-être que l'un d'entre vous pourra m'en apprendre plus ?
Quel était son trajet ? 
Où a t'il embarqué ces courriers de France, d'Egypte, des U.S.A., du Canada ou du Nicaragua ?
La survenue du feu est-elle en rapport avec la guerre ?
A t'il navigué jusqu'à Stockholm ? ou bien le courrier a t'il traversé la Suède en train ?


  Le seul ouvrage philatélique qui en parle et que j'ai trouvé est "Maritime Disaster Mail" par Hoggarth & Gwynn (ouvrage introuvable !)

Il y est écrit :
- que le S.S. Newton est un navire suédois de 541 tonnes construit en 1890 par P. Larssons au chantier naval de Thorskog, mesurant 50 mètres et appartenant à J.N. Sanne. 
- qu'il est arrivé le 23 février 1916 à Uddevalla son port d'attache, au Nord de Göteborg, avec du charbon et 470 sacs de courrier ! 
- que d'après les assurances Lloyd's un feu est survenu au sein du courrier durant le voyage et qu'une partie de celui-ci a été endommagée par le feu et l'eau. Le feu ayant probablement été éteint par l'équipage puisque son départ de Sunderland n'a pas été retardé.

Il y est même fait mention de 20 à 35 lettres connues !


  Du coup, je la regarde d'un autre œil, cette fameuse lettre que je vous montre ici :


D'autant plus que le Père Noël a eu la gentillesses de me l'offrir !


Elle était depuis toutes ces années dans une très belle collection de courriers exceptionnels affranchis avec cette Semeuse 25 c. bleu qui me plait tant, récemment dispersée.


A ce jour, elle se promène entre Paris et Marseille, confiée aux bons soins de notre Poste nationale qui fait ce qu'elle peut, mais qui n'arrive vraiment pas à la cheville de celles de 1916 !

Heureusement pour moi, elle voyage en train ou en avion...


jeudi 15 décembre 2022

Onze ans plus tard !

 

 Je vous avais montré en juin 2011 deux photo-carte-lettres adressées au Brésil par un riche touriste de passage à Paris en 1911 :

http://semeuse.blogspot.com/2011/06/une-semeuse-tres-tres-discrete.html

Depuis, je continue d'en chercher de semblables car je les trouve fort sympathiques, et il s'avère qu'elles sont devenues rares ! Les familles qui les recevaient devaient en effet conserver précieusement la photo, mais pas forcément la carte-lettre qui nous intéresse tant.

J'en avais trouvé une mais elle n'avait pas été postée :

http://semeuse.blogspot.com/2020/05/de-la-suite-dans-les-idees.html

  

  Mais voici à présent la troisième que j'ai eu le plaisir de découvrir ces jours-ci :

Elle date de la même année, mais  n'a circulé qu'en France, de Paris à Cherbourg, et est donc affranchie avec une Semeuse rouge à 10 c. cette fois-ci.

L'expéditeur (ou le destinataire) y a glissé un trèfle à quatre feuilles, en guise de porte bonheur, devenu plus que centenaire.


  A mon avis, elle était placée dans une enveloppe "à trou" ce qui explique que son oblitération ne soit que partielle, comme le prouve le montage suivant :

Peut-être était-elle transparente puisque l'adresse figure sur la carte ?


  J'espère à présent en trouver une autre complète, avec son enveloppe...

La soif de LOR !


samedi 22 octobre 2022

Il manque une dent !



Faux de Marseille, dit de Nice

  J'avais envie depuis longtemps de lui consacrer un article à celui-ci. C'est vrai qu'il est assez célèbre depuis son identification par Fernand Serrane en 1923 (L'écho de la timbrologie du mois de mars), et pas vraiment rare à l'état neuf, mais il me plait beaucoup. Les auteurs mentionnent son apparition sur le courrier en avril 1922 (Louis Barrier puis Storch et Françon).

Il avait envahi le sud-est de la France durant plusieurs mois avant d'être reconnu : c'est un des faux pour tromper la Poste qui a le mieux atteint son but ! Plusieurs millions (8) auraient été écoulés dans les bureaux de tabac, avec ou sans leur complaisance pour ne pas dire complicité, on ne sait pas trop. Une trentaine de débitants à Marseille et à Nice furent perquisitionnés. La valeur de 25 c. représentait alors le tarif de la lettre simple pour l'intérieur.

Les faussaires ont pu être identifiés et arrêtés. Tout ceci a bien agité le milieu philatélique et la presse de l'époque.

Voici ce qu'en dit Jean-François Brun (sur Youtube)

  Mais un correspondant m'a fait passer 2 articles de presse de mai 1923 relatant l'arrestation d'un pêcheur habitant rue Robert, tout près du Vieux Port à Marseille, nommé Henri Scala ou Escala, qui était en possession de 4000 faux timbres, mais les recherches se poursuivaient encore pour en trouver la fabrique...

*****

  Un peu de nostalgie. S'il me plait tant, ce faux, c'est que notre rencontre remonte à mon enfance, lorsque je trouvais du plaisir le dimanche matin à aller farfouiller dans les classeurs du marché aux timbres de Marseille. Il a changé plusieurs fois d'emplacement, et a quasiment disparu ces dernières années faute de participants. Je n'y vais plus depuis longtemps. 

Mais à l'époque, on pouvait y faire des chopins, et je ne m'en suis pas privé. 

C'est ainsi qu'un dimanche, je tombe sur quelques exemplaires du 25 c. bleu que je reconnais immédiatement comme étant des faux. Le vendeur l'ignorait et les proposait à un franc pièce, pensant qu'il s'agissait de timbres authentiques, très courants donc. Ne voulant pas trop attirer son attention en les scrutant à la loupe, j'ai acheté les 2 ou 3 qu'il avait ce jour-là, en prétextant que je m'intéressais à ce timbre en particulier pour ma collection. "Mais, j'en ai plein d'autres à la maison !" me dit-il alors. Nous nous sommes donnés rendez-vous le dimanche suivant, et j'ai réussi à lui prendre tout son lot, en arrivant même à négocier une ristourne ! Sans qu'il ne se doute de rien. Une belle affaire et un bon souvenir. 

Je les ai toujours :


On le trouve assez facilement isolé, mais en bloc il est rare !

Comment l'identifier ?
 
  Il faut tout d'abord savoir que le timbre qui a été copié est au type IA, celui des feuilles à plat de l'époque, imprimées depuis 1907 (et des rares roulettes) : la forme du 2 est reconnaissable, bien différente de celle des timbres des carnets qui n'existaient que depuis 2 ans.

On ne voit d'ailleurs jamais ce faux avec un bord de feuille. Il parait qu'il était vendu (ou plus exactement recélé) en blocs (de 25 je crois) qui en étaient dépourvus. 
Ceci aurait dû alerter les buralistes honnêtes...

  Serrane en a lui-même acheté sur Nice, et a été alerté par la dentelure anormale, visible à l'œil nu, puis avec sa loupe, il a décrit plusieurs critères permettant son identification. 

Je vous ai signalé ici ceux qui sont pour moi les plus remarquables, et les plus fiables :

La dent en moins est indiscutable.
Le trait du pouce droit qui descend est net.
La plante des pieds trop blanche se voit bien.
Les hachures différentes du coude gauche un peu moins.
Mais reconnaissez qu'il est assez bien réussi !

 Compte-tenu des millions (ou milliards ?) de 25 c. bleu authentiques qui ont été lâchés dans la nature, même avec ces critères bien tête, la chance que vous tombiez demain sur un de ces faux passé inaperçu est assez mince puisque les philatélistes se sont chargés du boulot depuis un siècle. 
D'où ma satisfaction d'adolescent !

  Mais s'il en a été écoulé des millions de ce faux, on doit bien en trouver ayant affranchi frauduleusement le courrier, me direz-vous ! 
Et bien, on n'en voit pas tant que ça, figurez-vous.
Et c'est là que ça se complique...

On peut trouver des lettres simples pour l'intérieur, souvent postées à Marseille, et qui ont régulièrement circulé, le faux n'ayant pas été reconnu comme tel : elles sont rares et presque toujours datées de 1922, avant que Serrane ne signale à l'administration sa découverte.

Celle-ci avec une des premières dates connues : le 10 mai


Ensuite, une fois La Poste alertée, après mars 1923 donc, le faux n'est normalement pas oblitéré et la lettre se retrouve taxée, comme celle-ci :


Sur Carte Postale, ce faux est bien plus rare en raison de leur tarif, ici pour la Belgique :


Et celle-ci est encore plus exceptionnelle, car accompagnée de l'avis de contravention de l'administration française :

Et même du Procès Verbal établi en Belgique après enquête auprès de la destinataire qui a été convoquée et interrogée : on ne plaisantait pas ! 

Sur lettre recommandée, je n'en connais qu'une : celle-ci qui est une merveille, avec une paire !


Voici, ce que j'ai eu la chance de pouvoir réunir pour ma collection sur ce faux en quelques décennies, même si j'ai quelques doutes sur l'authenticité de la lettre taxée...


  Car c'est là tout le problème : l'affaire a fait tellement de bruit sur la côte d'azur et dans le milieu philatélique, que certains mal intentionnés ont pu se procurer assez facilement des exemplaires neufs, et ne se sont pas gênés pour fabriquer de toute pièce des fausses lettres, avec de faux cachets. Pour tromper les philatélistes cette fois-ci. Elles sont d'ailleurs bien plus faciles à trouver que les authentiques courriers : ATTENTION !
L'avis d'un expert est indispensable, et vous verrez plus bas que même leur signature est à vérifier !

Voici quelques exemples de fausses lettres :

Elles sont toutes oblitérées de Nice, fin 1922.
Ecrites, on dirait bien, de la même main !
La signature de R. Calves est ici à mon avis plus que douteuse !


On connait même ces deux là, signées par Serrane lui même, avec comme par hasard l'adresse d'un expéditeur philatéliste... Il a très bien pu les fabriquer. Oblitérations d'août 1922 :



Celle-ci qui semble authentique a été postée à Paris, ce qui n'est pas courant :



En 1923, on en trouve bien plus souvent, c'est normal, et elles sont logiquement taxées :










Mais pas forcément toutes authentiques... 
Méfiance !

Celle-ci, authentifiée au dos par un cachet de la Police, qui l'a ouverte  :



Quelques vraies lettres pour l'Italie sont connues, affranchies avec des paires, et taxées là-bas :


(On voit au dos que l'administration l'a ouverte pour son enquête)


Ces deux dernières sont particulièrement séduisantes avec leurs PV italiens :

(NB : je l'adopterais volontiers !)


Celle-ci, arrivée en Italie sans avoir été taxée en septembre 1922 :



Et pour terminer en beauté, une pour la Belgique, du 30 avril 1922 (première date connue) qui est passée elle aussi "comme une lettre à la poste" :



Bien entendu, je suis très intéressé par vos commentaires ou vos informations complémentaires, et par les images d'autres courriers pareillement affranchis que vous auriez l'amabilité de me communiquer.

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