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samedi 28 décembre 2019

La loi des séries



  Lorsqu'il fut décidé en 1922 de faire figurer en France de la publicité sur les couvertures des carnets de timbres-poste, le succès fut immédiat auprès du public qui a trouvé ça sympa, et des annonceurs qui ont ainsi disposé d'un support innovant afin de faire connaître leurs produits au plus grand nombre.

  L'administration avait signé l'année précédente un contrat, et nous l'avons déjà vu ici, avec un imprimeur privé, Carlos Courmont, qui a su profiter de l'exclusivité.
Il a eu la bonne idée de numéroter les couvertures qu'il fabriquait sous formes de séries, et de respecter scrupuleusement une numérotation chronologique : de la série 1 (après quelques essais) à la série 264 pour ce qui concerne le type Semeuse.

On peut constater sur ces couvertures intérieures
le nombre croissant de carnets vendus :

série 1

 série 4

 série 23

De 15 à 40 millions au cours de la première année !

Une même série pouvait contenir plusieurs couvertures distinctes : à lui la charge de répartir à sa guise les textes et illustrations des firmes avec qui il s'engageait. Les tarifs dépendaient de l'importance de la publicité, et de sa situation à l'extérieur ou à l'intérieur du carnet.

On pense que le plus souvent une série correspondait à un million de carnets, mais j'ai des doutes au vu de la rareté de certaines...
*****


  La Semeuse 25 c. bleu YT n°140 au type II est celle qui a essuyé tous les premiers plâtres : les premières couvertures publicitaires, puis les premiers carnets au "grand format", puis les premières pubs ! Tous imprimés en typographie à plat, une feuille donnant 6 carnets.

  * Le premier carnet concerné est le 140 C5 au petit format, avec les séries 1 à 27 (les séries 5, 11 et 26 étant attribuées à d'autres Semeuses : 5 c. orange et 10 c. vert). Hélas leur format ne permet jamais d'y voir la moindre date d'impression, de 1922.

Le format des carnets est ensuite passé en 1923 de 110 x 60 mm à 115 x 72 mm pour laisser un peu plus d'espace publicitaire sur leurs 4 petites pages (et, c'est vrai aussi, pour simplifier leur fabrication).

  * Apparaît donc le 140 C6 au grand format avec les séries 29 à 42 (la série 28 étant encore pour le 10 c. vert Semeuse et Pasteur). Dates d'impression connues du 20 avril au 10 août 1923.

Ce n'est que fin 1923 que les bords des timbres de ces carnets ont été à leur tour recouverts de messages publicitaires (les fameuses pubs), sans rapport en général avec les publicités figurant sur les couvertures.

  * Viennent enfin les 140 C7 à C19 avec pubs diverses, imprimés de décembre 1923 à mai 1925, avec les séries 43 à 89 (les séries 44 et 49 étant pour le 10 c. vert Semeuse et Pasteur).


   Pourquoi, à votre avis, ne vous parle-je pratiquement que de cette fameuse Semeuse YT n°140 ?
- parce qu'à cette époque, c'est le timbre le plus courant, le plus utilisé, sa valeur correspondant aux principaux tarifs,
- parce que c'est celle qui a eu droit aux plus jolis carnets, aux plus rares,
- parce que c'est mon timbre préféré,
- et parce que la collection de ses carnets est celle qui nous fait littéralement rêver : impossible à réunir complète en tout cas !


  Imaginez donc : à ce jour, on connait 73 couvertures pour le 140 C5 + 43 couvertures pour le 140 C6 + 157 couvertures pour ceux avec pubs (j'ai pu en oublier quelques unes au passage, mais je ne le pense pas). Et comme plusieurs carnets ont été placés dans la même couverture parfois, cela fait vraiment  un sacré nombre de compositions différentes, autour de 400 !
Sans parler de celles qui restent à découvrir, peut-être ?...
Rien qu'en 2019, deux nouvelles ont été dénichées.

*****

  Et pourquoi ai-je donc décidé de m'arrêter là aujourd'hui, alors que la Semeuse a rempli encore bien des carnets jusqu'en 1932 ?

Tout simplement parce que le père Noël a eu la gentillesse d'apporter celui-ci jusqu'à mes petits souliers, bien qu'il ne paye pas trop de mine, comme l'on dit :


Il s'agit ici de la version A de la série 89 
(il en existe 2 autres : 89 B et 89 C avec des couvertures différentes)

  Ce carnet EVIAN est le plus commun, c'est sûr, de tous ceux de ce timbre, mais cela n'empêche pas certains autres d'être de vraies raretés, la différence tenant à leur couverture : on voit souvent les mêmes, assez courantes, et certaines presque jamais. Il en existe de superbes, polychromes.
Comme celle-ci par exemple, de la série 65, qui fait envie :


  On rencontre assez fréquemment les publicités pour la bretelle GUYOT ou les assurances L'AIGLE, qui ne sont pas les plus séduisantes : monochromes et sans images.
Et les pages intérieures ne sont guère mieux :


  Alors pourquoi m'intéresser à ce carnet d'apparence si commune ?

  Grace à la chronologie de Mr Courmont, et bien aidés par la visibilité d'une date d'impression au bas de certains carnets, nous avons pu dater l'émission de celui-ci vers mai 1925.

Et cela a son importance car il s'agit de la dernière série de ce timbre. On a vu en effet des carnets des séries 87 et 88 imprimés début mai, et la 89 est logiquement venue juste après.


  Par ailleurs, le musée de la Poste conserve dans ses archives 2 bons à tirer prévus pour ce YT 140 qui sont justement datés de mai 1925, et qui n'ont jamais donné de carnet pour le 25 c. bleu mais pour le 30 c. rose YT n°191 qui a pris sa suite.
Les carnets de ce dernier n'ayant existé qu'avec les séries 88, 89 et 90.

  Et pourquoi ce serait la dernière série de ce timbre, me direz-vous ?

Tout simplement parce qu'à la base, le timbre est fait pour affranchir le courrier, et pas pour exciter quelques hurluberlus amateurs de carnets un siècle plus tard !

 Le tarif le plus utilisé, celui de la lettre simple pour l'intérieur allait changer le 15 juillet 1925.
La Poste a estimé avoir un stock suffisant de timbres à 25 c. en feuilles ou en carnet, pour arrêter d'imprimer ces carnets du 140 au mois de mai, un peu avant ce nouveau tarif qui sera de 30 c.
Elle devait être bien informée !... De source sûre !

On sait également, grâce aux coins datés des feuilles de 100, que leur impression s’arrête elle aussi, le 20 mai, ce qui est logique, et qui correspond bien.

*****


  Dans un premier temps, c'est le timbre rose YT n°191 qui sera imprimé en carnets, du 8 au 16 juillet, puis le bleu YT n°192 dès le lendemain 17 juillet, d'après les dates que nous avons vues.
Il fallait bien se préparer une semaine à l'avance pour faire face à la demande accrue prévisible de timbres à nouvelle valeur faciale de 30 c.


Ensuite il a fallu que la couleur des timbres des nouveaux carnets, initialement rose pour des raisons mystérieuses, corresponde finalement au tarif de la lettre simple, en remplacement du 25 c. = le bleu.


  Autre preuve : pour les premiers carnets de timbres à 30 c. qu'ils soient imprimés en rose ou ensuite en bleu, les couvertures des séries 88 et 89 sont celles qui avaient été imprimées pour le 140, sur lesquelles a été apposée une surcharge rouge modifiant la valeur :


Il a fallu épuiser le stock de ces couvertures prévues pour le 25 c. et devenues inutilisables puisque l'on n'imprimera plus de timbres à 25 c..
Rien ne doit se perdre ! Pas le moindre gaspillage !

YT 191 ou 192 88 A surchargée

YT 191 ou 192 89 A surchargée


  De plus, tous les carnets de timbres à 30 c. qui existent avec ces couvertures 88 ou 89 surchargées en rouge sont vraiment très courants : on en voit partout, encore de nos jours !
Preuve que leur tirage a été important. Au détriment des mêmes carnets du 25 c.

C'est pourquoi, il est logique de penser que les carnets du YT 140 avec couvertures de ces séries 88 et 89 (non surchargées évidemment) doivent être assez peu nombreux, pour ne pas dire rares.
C'est mon avis en tout cas ! Et je le partage.

Merci Papa Noël !



 En revanche, l'histoire ne nous dit pas pourquoi Courmont a créé à la même période cette bien curieuse série 89 "petit B", toujours pour le carnet EVIAN du 140, qui n'est pas courante non plus :


 C'est bien la première fois qu'une lettre est ainsi accolée au numéro de la série !

(zoom)

Peut-être pour écouler, à l'inverse,
quelques feuilles de carnets EVIAN restantes,
pour lesquelles on n'avait pas pensé à conserver
la moindre couverture non surchargée ?


Est-ce que l'un d'entre vous aurait une meilleure idée ?



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