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lundi 28 octobre 2019

Lettre Océan



  A l'époque où circulait notre Semeuse, pour les personnes et pour le courrier, traverser les mers et les océans représentait une réelle expédition. Avec ses dangers, ses coûts et ses délais. 
On prenait son temps. On réfléchissait avant de se lancer dans l'aventure !
L'aviation n'avait pas encore rétréci notre planète comme de nos jours.
On voyageait peu, lentement, et rarement très loin.

  C'est pour cette raison que je collectionne les courriers pour les destinations les plus lointaines : ils sont toujours peu communs, et témoignent d'une belle époque aujourd'hui révolue, où les navires et les trains se passaient le relais afin que les lettres traversent la planète.
On est cependant surpris de constater que le courrier circulait malgré tout assez vite, et peut-être même plus vite qu'aujourd'hui, surtout pour rejoindre les régions les plus reculées du monde !

  Pour raccourcir la durée de certains trajets, on a même fait décoller de petits avions à partir de gros paquebots, pour arriver au port quelques jours plus tôt que le bateau. Et les philatélistes étaient déjà sur le coup... Vous voyez à quoi je pense ?
... --- ...

  Je voulais vous présenter aujourd'hui, un type très particulier de courriers, absolument pas "philatéliques" ceux-là, transmis de bateau à bateau par la T.S.F., puis normalement par la poste : moitié télégramme, et moitié lettre.
Là encore, il s'agissait de porter un message au plus vite.

Voici, ce qu'en disait la compagnie responsable :


(1923)

  Il avait été décidé en 1913, après la traumatisante catastrophe du Titanic survenue en avril 1912, que tous les grands paquebots et navires de croisière devaient être équipés d'une station de télégraphie sans fil à bord. 
Le fameux S.O.S.  =  ...---... et son acronyme "Save Our Souls" a paraît-il été utilisé pour la première fois à cette dramatique occasion.



Mais ces appareils n'étaient pas encore assez puissants pour émettre sur de très longues distances, par exemple d'un côté à l'autre de l'Atlantique. En revanche, lorsque deux navires se croisaient, la communication était facile.

  Du coup, les passagers ou membres d'équipage d'un navire n°1 pouvaient utiliser ce moyen moderne pour "écrire" à un correspondant résidant dans le pays vers lequel se dirigeait un navire n°2. Ce dernier postait ensuite le "télégramme", une fois parvenu à bon port.


Ceci évitait l'obligation d'attendre l'arrivée à destination du bateau n°1 pour pouvoir poster le courrier : le gain de temps était important.


  Pour des raisons de sécurité, lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, ces « Lettre Océan » ont été interdites.


  A Paris, la Compagnie Radio Maritime a été créée en 1919, et c'est dans les années 1920-1930 qu'elles ont le plus circulé.


 
La nôtre date de décembre 1924. Elle est bien affranchie au tarif de la lettre recommandée pour l'intérieur, de 85 centimes, et est bien parvenue à son destinataire à Bordeaux.





  Mais c'est en la dépliant que l'on peut mieux comprendre son trajet : 



  Le 23 décembre à 16 heures, Pierre navigue sur le "Général de Négrier", un trois-mâts de 2200 tonneaux faisant route de la côte occidentale de l'Afrique en direction de Gand, où il arrivera le 5 janvier 1925. Et Pierre est démuni de tout...


  Il décide d'envoyer son S.O.S. à Monsieur Michel qui habite Bordeaux, pour se faire envoyer vêtements et chaussures par le biais de la compagnie maritime à Nantes, sans oublier de lui souhaiter une bonne année ! 


  L'histoire ne raconte pas tout de ses mésaventures. Chaque mot étant compté, au-delà de 20 mots réglementaires. Il fallait être concis !
Mais que diable lui était-il donc arrivé en Afrique à Pierre ? 
Une attaque de la part d'indigènes ? Qui sait ?... Il le racontera plus tard.

Heureusement, son voilier va passer à proximité d'un vapeur transatlantique.



  Pour gagner du temps, il profite donc de la T.S.F. : son message est immédiatement transmis au navire "Chicago" qui fait, lui, la traversée de l'Atlantique Nord entre New York et Bordeaux, où il arrivera le 29 décembre.

  C'est ce jour-là, que notre "Lettre Océan" a été postée et oblitérée au bureau de la Bourse, pour ensuite être acheminée vers la rue Villedieu, distante d'environ 1500 mètres.
Et Monsieur Michel va ainsi pouvoir secourir au plus vite son ami Pierre...

Au passage, la Compagnie Radio Maritime a apposé au dos son cachet le même jour :


On trouve assez rarement ce type de courrier. 
Faites-moi signe si vous en croisez, ou si vous en connaissez avec notre Semeuse !
Leur histoire me plaît bien.

L'obligation de recommandation a été supprimée en 1926.
Il a existé plusieurs modèles légèrement différents.


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