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mardi 1 mai 2018

Faux timbre - Vraie enquête internationale !


  Au printemps 1923, tout le sud-est de la France est en émoi : depuis quelques temps, une grande quantité de faux timbres à 25 centimes a été mise en circulation, et notre Semeuse préférée défraye la chronique !

Faux de Marseille, dit de Nice

  La poste est en alerte rouge.
Elle a mis longtemps à s'en apercevoir, mais après plusieurs mois d'escroquerie, le faux est à présent repéré sur beaucoup de courriers qu'elle voit passer, et qu'elle inspecte plus attentivement.
Presque tous sont originaires de la région de Nice ou de Marseille, et les postiers du coin doivent faire face à un surcroît de travail énorme.
Fini pour eux, l'apéro au soleil !

  Chaque courrier affranchi avec un faux, et reconnu comme tel, donnait lieu à un procès-verbal, et j'imagine que les expéditeurs devaient être un peu inquiétés : on ne plaisante pas avec ça...
Lorsqu'on arrivait à les identifier, et à les retrouver bien entendu.

  Pratiquement un siècle plus tard, tous ces courriers sont recherchés !
Témoins d'une époque formidable...

Certains ont circulé "comme une lettre à la poste" surtout en 1922, surtout avant que le faux ne soit reconnu. Le timbre est alors normalement oblitéré.




Cette lettre, unique à mon avis, a même été recommandée !!!
Comme quoi, en octobre 1922, le faux passait encore inaperçu même aux bureaux de la poste.
Une merveille :


 Les autres courriers ont été taxés et/ou saisis par la poste à l'époque, et ont fini par se retrouver sur le marché philatélique, puis dans les albums des collectionneurs.
Pas d'oblitération des timbres dans ce cas-là.

La plupart sont des lettres pour la France, puisque le tarif était de 25 c.


Mais on en voit aussi, plus rarement, sur des lettres pour l'étranger, dont le tarif était de 50 c.


Souvent y figure la mention manuscrite en rouge "Timbre poste contrefait", et/ou un numéro en noir.

**************
  La carte que je vous présente ici, a le triple intérêt :
- d'être une carte postale, ce qui est bien moins courant qu'une lettre du fait du tarif des CP,
- d'être adressée vers l'étranger,
- et d'être accompagnée de son procès-verbal, ce qui est exceptionnel !


Voici son histoire :

  Marie et Rachel, deux touristes belges en vadrouille sur la Riviera avec leur famille, ont cru bien faire en achetant des timbres dans un bureau de tabac niçois.
Et en affranchissant scrupuleusement, au bon tarif, la jolie CP destinée à une amie à elles, devenue veuve, et restée dans le froid et la brume de Bruxelles...
On croirait même les entendre :
"Elle va être verte de rage la Pauline, quand elle va savoir qu'on se dore la pilule à Nice, pendant qu'elle se les gèle à la maison !"

  Ce sont en effet des buralistes plus ou moins honnêtes du sud-est qui ont ainsi débité, ou plutôt recelé, des milliers de faux timbres achetés à des particuliers, des faussaires.
C'est ce qu'on apprendra à la fin de 1923, lorsque des perquisitions furent menées après enquête policière.

  Enquête qui a peut-être bien débuté par l'interrogatoire de notre veuve belge, croyez-le ou non !...

Le bureau niçois qui reçoit notre CP le 17 mars 1923, s'aperçoit que le timbre à 25 c. est un faux.
Les 4 lettres taxées montrées ci-dessus sont toutes également datées de la mi mars, ce qui prouve que les postiers des Alpes Maritimes étaient plus qu'en alerte...

Voici le formulaire établi le 19 mars par le bureau Nice - quartier de la gare :

On y retrouve le numéro 414 - D figurant sur notre carte

  Comme cela y est précisé en bas, un des trois exemplaires en a été réglementairement transmis aux autorités belges, avec la carte en question.

  Les postiers de Schaerbeek ont pris la peine, une semaine plus tard, de convoquer et d'entendre dans leurs bureaux la veuve en question.
Incroyable, non ?

  Et celle-ci n'a alors pas eu d'autre choix que de dénoncer sa copine Marie comme étant l'expéditrice de la carte ! Voici le procès-verbal de son audition :


Vous l'entendez la veuve ?
"Ça lui apprendra une fois, à la Marie, de me narguer avec ses cartes postales ensoleillées. J'ai autre chose à faire moi, une fois. Je bosse pendant qu'elle se promène sur la Côte d'Azur, et en plus, elle est tellement radine qu'elle achète des faux timbres, une fois !"

Et pas deux ! La carte a été "retenue provisoirement" par la poste belge, qui l'a ensuite transmise à ses collègues de France.

 Possible aussi que l’hôtel Beau Rivage ait vu débarquer les enquêteurs de la poste ou de la police, afin d'interroger la Marie, afin de savoir où elle s'était procuré ce faux timbre.
A moins que les belges n'aient attendu son retour au pays pour le faire ?

Peut-être est-ce donc notre Marie qui a permis d'identifier le revendeur, et ensuite d'interpeller les faussaires ? L'histoire ne le dit pas...

Mais c'est un beau roman, une belle histoire...


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