Pour cette rentrée 2025, j'ai choisi de vous montrer 2 découvertes qui ont comme point commun de ne pas concerner à proprement parler les timbres, mais plutôt ce qui les entoure, tout en étant en rapport direct avec les techniques de fabrication de l'époque, qui ne cessent de me passionner.
L'une date de 1906 avec l'impression à plat, et l'autre de 1937 avec les presses rotatives.
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On sait que c'est à la décision d'abaisser le tarif de la lettre de 15 à 10 centimes que l'on doit l'apparition de la Semeuse avec sol YT n°134, et qu'elle a été imprimée un peu dans l'urgence afin d'être disponible pour le 16 avril 1906, jour officiel dudit changement.
On sait aussi que les députés et sénateurs ont eu le privilège de disposer du nouveau timbre quelques jours auparavant, car l'on trouve assez facilement des cartes ou des lettres oblitérées du 13 avril. Et même un exemplaire "ministériel" du 10 avril !
Ce qui prouve sans le moindre doute possible que l'impression de la nouvelle figurine tant attendue était déjà en cours à cette date. Et même un peu avant.
En effet, le premier tirage de ce timbre, auquel on attribue le "
type I", est tout à fait exceptionnel car il a été réalisé à l'aide d'un seul
galvano de 50 et non d'une planche complète de 150. Nous en avions détaillé les particularités il y a plus de 10 ans :
Vous aurez compris qu'il ne nous est pas possible de connaître la date de ce premier tirage puisque les feuilles ainsi reconstituées et mises en vente n'en comportaient pas, évidemment :
(1 feuille = 3 panneaux de 50 raboutés)
Mais revenons à nos marges.
En les regardant plus attentivement, on remarque au niveau du trait rouge du bas, à son extrémité droite, une petite encoche, bien anodine :
J'avoue que n'y avais pas porté plus d'attention que ça, jusqu'à ce que je m'aperçoive qu'on la retrouve au même endroit, sur
toutes les feuilles du deuxième tirage du 134, celui dit au "
type II".
Celles-ci n'ont pu être imprimées qu'une fois la planche de 150 fabriquée (avec trois millésimes 6 et date en bas). Toujours sur la presse 13 d'ailleurs.
(la date la plus précoce que je connaisse)
Ceci est donc la preuve, pour ce timbre en tout cas, que les barres métalliques permettant d'imprimer ces traits horizontaux entre les panneaux étaient fixées sur la planche, et n'étaient donc pas solidaires du galvano de 50 comme nous le pensions jusque-là !
L'analyse future de multiples feuilles et panneaux en fonction des dates et des presses utilisées nous permettra peut-être d'en apprendre davantage, et surtout de savoir s'il s'agit d'une exception pour ce timbre, ou si cela est vrai pour d'autres tirages à plat.
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En ce qui concerne l'impression rotative, avec les
presses Chambon, la caractéristique principale est la présence de la date en bas à droite des feuilles, d'où découle la collection des
coins datés qui est une de mes favorites comme vous le savez. Une numérotation des feuilles y est associée, à l'opposé : en bas à gauche. Ainsi que la plupart du temps le numéro de la presse, imprimé au niveau du pont séparant les 2 panneaux verticaux de 50.
Un rouleau de papier gommé était entrainé dans la presse qui réalise à l'aide de cylindres distincts l'impression des timbres, puis celle des précieuses indications que sont la date, la numérotation et le
numéro de presse. Immédiatement après, la même machine effectuait la perforation puis la découpe en feuilles de 100.
Sur cet exemple, nous avons juxtaposé 2 feuilles qui se suivent comme en témoignent leurs numéros, résultat de l'impression d'un tour de cylindre : 2 x 10 rangées de 10 = 200 timbres + 2 rangées sans timbres mais de la même hauteur que les autres, avec les parallélogrammes permettant de les identifier :
Un cylindre destiné à l'impression de ces feuilles de 100 avait donc une circonférence égale à 22 fois la hauteur d'un timbre (mesuré avec ses marges), soit un diamètre d'environ 168 mm
Le
massicot effectuait sa découpe très précisément au niveau de ces 2 rangées sans timbre : non pas exactement en leur milieu, mais volontairement à un niveau légèrement décalé assurant une marge inférieure nettement plus haute, de telle sorte que l'on puisse y lire la date et la numérotation. La découpe passant
toujours en-dessous de ces indications. Ceci se vérifie sur tous les coins datés, même si parfois le bas de la date est un peu amputé par la découpe.
Presque toutes les feuilles rotatives ont forcément une marge du haut bien plus étroite que celle du bas (l'aviez-vous remarqué ?)
Sauf lorsque les indications en question se retrouvent plus près des timbres (plus haut donc) permettant de régler le massicot pour une découpe au milieu de la rangée sans timbre, donnant donc des marges égales, mais c'est assez rarement le cas. En voici un exemple :
Et sauf exceptionnellement, lorsque l'on observe l'inverse, avec une marge du haut plus large que celle du bas, et des indications très (trop) proches des timbres :
Le mécanisme assurant l'avancement du papier dans la machine était précis et fiable puisque c'est lui qui était responsable de la perforation avec un peigne, d'une rangée horizontale à la fois. Chaque avancement était compté, afin que le massicot fasse toujours sa découpe entre 2 feuilles : c'est à dire une fois tous les onze avancements de la hauteur d'un timbre.
A cette règle, et collectionnant les coins datés depuis plus de 50 ans, je ne connaissais qu'une seule exception sur plusieurs dizaines de milliers de coins datés rencontrés : un bloc du
40 c. outremer YT n°237, daté du
25 novembre 1931, et témoin de l'absence "miraculeuse" de découpe entre 2 feuilles :
Une pièce unique extraordinaire !
Je n'ai jamais vu aucun des 8 autres timbres de ce bas de feuille. Quel collectionneur aura jugé bon de conserver cette curieuse marge ? S'il existe, qu'il me contacte : à bon entendeur, salut !
Et bien, figurez-vous que je viens tout juste de trouver une deuxième exception à cette règle !
Il s'agit cette fois-ci non pas d'une absence de découpe entre 2 feuilles, mais d'un très étonnant et non moins spectaculaire décalage de cette découpe : au-dessus des fameuses indications !
Deux pièces uniques et extraordinaires !
Les positions du dateur et du numéroteur étant fixes, c'est obligatoirement la découpe qui a été décalée, ou plus exactement l'avancement du papier sous le massicot qui ne s'est pas déroulé convenablement.
Je ne pensais même pas que cette "variété" puisse exister : c'est incroyable !
En revanche, même si les 6 autres timbres de ce haut de feuille sont eux sans grand intérêt, il est fort dommage que la feuille ait été hélas découpée.
D'autant plus qu'il y a de fortes chances pour que sa marge du bas ait été de taille normale et porteuse d'un autre numéro 56188 ou 56190, et d'une seconde fois la date, ce qui me laisse rêveur !
Ce qui est certain, c'est que la feuille située immédiatement au-dessus de celle-ci s'est obligatoirement retrouvée avec une toute petite marge du bas, et donc dépourvue de toute indication, ce qui est tout aussi intéressant pour un collectionneur averti ! Car je ne pense pas que cette mauvaise découpe soit survenue plus d'une fois ce jour-là.
MERCI de me le signaler si vous croisez de telles marges !
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Un petit coup d'œil dans mes albums permet de voir que cet accident de parcours est survenu le deuxième jour du tirage, et une petite imperfection du 7 de 37 permet d'identifier le galvano B de A+B :
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Pour en finir avec les marges, je tenais à vous montrer cet exemple de carnets imprimés eux aussi par les mêmes presses rotatives. Les cylindres étaient un peu plus gros, et comportaient plus de marges.
Un tour de cylindre imprimait 8 carnets de 20 = 160 timbres ainsi que la date et la numérotation sur deux des 8 rangées sans timbre.

Un cylindre destiné à l'impression de ces carnets de 20 avait donc une circonférence égale à 24 fois la hauteur d'un timbre (mesuré avec ses marges), soit un diamètre d'environ 183 mm
Puisqu'il n'était pas question de fabriquer des feuilles mais des carnets, les découpes étaient plus nombreuses, et un seul carnet sur 4 se retrouvait ainsi daté et numéroté.
Il faut croire que l'atelier de fabrication n'attachait pas la même importance à ces indications pour les carnets, sinon il les aurait fait figurer sur tous. Les coups de massicot et la hauteur des marges s'avèrent bien plus aléatoires que pour les feuilles. Les indications peuvent donc se retrouver indifféremment soit en haut soit en bas du carnet.
Soit à cheval comme sur cet exemple, amusant également :
Pas facile de les réunir ces deux-là, séparés depuis 87 ans !
Le timbre YT n°360 est le même, mais au type III, différent de celui des feuilles au type IIA. Vous avez pu en admirer les 2 poinçons il y a quelques semaines.
Les techniques d'impression bien différentes dans leurs formes ont nécessité la fabrication de 2 cylindres distincts, et ont imposé le recours à 2 poinçons, qui ont donné 2 types pour les philatélistes.
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