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mardi 24 mars 2020

Lancement d'une nouvelle sorte de collection, fort originale !


  Un ami collectionneur ayant lu mon article du 23.12.2019, a eu la gentillesse de me faire parvenir l'image d'un nouveau membre de la petite famille du 137, que j'ai le plaisir de vous montrer aujourd'hui :


Ce qui porte donc à 4 le nombre de ces tachés verts !

*****

  Et comme il s'intéresse lui aussi à toutes ces petites merveilles que recèle notre chère Semeuse, il m'a également montré un défaut similaire, survenu pour la Semeuse maigre à 35 c. violet YT 136, pour laquelle les variétés sont bien moins courantes :


Lui aussi a eu la chance de lui trouver une petite sœur, oblitérée sur lettre, ce qui est encore plus attendrissant :


On voit que le petit morceau de papier responsable
a ici légèrement bougé de place !

Et en fouillant dans mes archives, il s'est avéré que j'avais l'image d'un troisième larron :


*****

Du coup, c'est décidé, je lance une nouvelle sorte de collection 
en espérant qu'elle vous plaise, et qu'elle devienne à la mode :
Celle qui consiste à réunir plusieurs exemplaires de la même variété, survenue au même endroit,
 mais pas sur la même feuille !

De quoi se constituer sans gros budget un ensemble exceptionnel !

*****

  L'exemple qui suit vous montre que l'impression rotative peut parfois nous fournir elle aussi de jolis exemples :




Ce mercredi 19 février 1936, c'est le piquage qui a déconné à plein tube 
sur la presse numéro 10, qui utilisait le cylindre AN + AO. 

Et ces 3 jolis coins datés de AN, imprimés et perforés à quelques secondes d'intervalle (par la même machine et dans la foulée je vous le rappelle) affichent un décalage de dentelure légèrement différent : ce qu'on appelle un piquage à cheval, qui est de plus en plus marqué.

En fouillant dans mes archives, on voit (même en noir et blanc) que AO a été pareillement touché (sur ce coin daté AO, les parallélogrammes de droite ne portent aucun point blanc) :


Et ceci est bien normal, puisqu'un tour de ce cylindre 
imprimait à la suite une feuille AN et une feuille AO.

  Mais là encore mon ami, toujours le même, a trouvé des petits cousins éloignés à ces coins datés : il s'agit de l'autre coin de feuille, celui situé en bas à gauche, avec le numéro :

         
3 autres feuilles les séparent : 90572 - 71 - 70 

Peut-être sont-ils issus d'une des feuilles dont je vous ai montré les coins datés plus haut, mais à présent q'un marchand les a découpés, il est à jamais impossible de le savoir !...

  En tout cas, cela démontre que les ouvriers de l'atelier avaient bien besoin des fameux congés payés qui leur seront attribués quelques mois plus tard.

Et peut-être même qu'ils en rêvaient déjà un peu trop ce jour-là !...



lundi 9 mars 2020

Interrogation sur le point

  Le site Wikipedia, toujours lui, nous apprend que l'origine elle-même de ce symbole assez original de notre écriture reste mystérieuse. Parmi les différentes hypothèses, celle qui me séduit le plus fait référence à un animal que j'adore : le chat (vu de dos) ! 

"Il représenterait les émotions d'un chat : 
queue interrogative au dessus de l'anus"


  J'avoue que depuis que j'ai appris ça, je ne regarde plus mes chats de la même façon ! Mais cela ne m'empêche pas pour autant de me poser des questions...
Il en est une qui me taraude au sujet de l'impression de mes timbres préférés, à laquelle personne n'a su à ce jour apporter de réponse, et je tenais à vous en faire part ici.

  Cela concerne les feuilles de certains timbres durant la période ou l'atelier maîtrisait pourtant bien la typographie à plat.

Nous avons déjà parlé ici du grand intérêt des inscriptions figurant dans la marge du bas qui renseignent sur la presse utilisée, son conducteur, et donnent la date - jour et mois - de l'impression. 
Le millésime situé lui au niveau du pont nous donne l'année, même si c'est parfois à nous de deviner la décennie.

  Il existe d'autres "marques" volontairement imprimées au niveau des marges et moins connues, destinées à centrer la feuille sur la machine à perforer : il s'agit (en bas, sous le 146ème timbre) d'une fine croix de repère dont les ouvriers se servaient pour bien épingler la feuille au bon endroit :


Et d'un point situé à l'autre extrémité de la feuille (en haut, au-dessus du 6ème timbre) :


On peut imaginer que l'ouvrier tendait entre ses doigts la feuille dans sa longueur, pour venir l'épingler sur ces deux repères.
Mais, même en zoomant sur cette image d'époque de la machine en question, on ne peut que deviner le système de fixation qui devait immobiliser la feuille ainsi épinglée :


  D'ailleurs, si on y regarde de plus près, on voit que même lorsque l'ouvrier n'épinglait pas à la perfection la feuille (en réalité il passait 5 feuilles à la fois), cela n'empêchait pas la perforation de se faire convenablement, donnant des timbres "bien centrés" :


(on voit ici que l'épinglage s'est fait un petit millimètre trop bas)

C'est donc qu'il devait y avoir moyen de faire des réglages, une fixation et un centrage plus précis des feuilles sur la machine, afin d'obtenir le meilleur résultat possible au niveau dentelure. L'épinglage n'étant qu'un préalable.

   Je connais au moins cet exemple de 1906 et 1907 pour le YT 135, où figure un trait dans la marge du haut, en plein milieu, qui semble avoir joué le même rôle de repère, alors qu'il y avait aussi le point habituel :

    
(une curiosité de plus)


  En ce qui concerne les rares feuilles pour carnets, on trouve un point au milieu, plus au moins gros et plus ou moins carré :



  Mais la raison de mon article du jour, la voici : il s'agit d'un excellent article du Dr Rouques, paru dans Le Monde des Philatélistes en février-mars 1980, qui attire notre attention sur un mystérieux point de couleur que l'on trouve sur certaines feuilles. Et pas sur d'autres !

Il y passe en revue beaucoup de timbres imprimés à plat datant des années 1917 à 1933, pour lesquels il a observé ce point, ou au contraire noté son absence.

  En ce qui concerne le type Semeuse qui seul m'intéresse, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas souvent présent, ce point ! On ne le rencontre que sur certaines feuilles, pour certaines valeurs, et pas toujours au cours d'une même année.

Ça vous intrigue,non ? 
Je vous sent trépigner d'impatience !
Je vous entend taper du pied.

Alors, le voici, ou plutôt les voici :


La photo n'est pas de bonne qualité, mais on les distingue 
au nombre de 3 sur cette feuille pour roulettes du 15 février 1918,
au niveau du pont des lignes 1 - 15 - 18.


C'est d'ailleurs le seul exemple que je connaisse avec 3 points.
La plupart du temps, il n'y en a que 2.

*****

Le voici bien mieux visible sur cette excellente image, à la ligne 1 :


Mais cette feuille du 26 février 1917, toujours pour roulettes, 
ne comporte pas celui de la ligne 15, et n'en a donc que 2 !
Pourquoi donc ?


Il faut dire que ces feuilles pour roulettes du 15 c. Semeuse lignée sont très rares, ce qui peut expliquer que leurs détails soient longtemps passés inaperçus...

D'autant plus que l'immense majorité du tirage de ce timbre
est sous la forme de feuilles-vente sans aucun point, 
y compris celles porteuses des mêmes millésimes !

*****
Pour rester sur ce YT 130, mais en feuilles-vente normales,
je n'ai retrouvé de point à la ligne 1 qu'en 1920 et 1921

       

(vu aussi avec pré-oblitération en 1921)

Je l'ai également vu à la ligne 17 de ces deux feuilles surchargées :

        

(respectivement du 18 janvier et du 23 mars 1921)

Cette ligne 17 correspond bien à la ligne 15 des feuilles pour roulettes
du fait des deux lignes sans timbre de ces dernières.

Je ne l'ai en revanche jamais rencontré à la ligne 18, celle du bas, 
à la différence des feuilles pour roulettes.

*****

La Semeuse YT 137 est également concernée, en 1920, à la ligne 1 :


Même lorsque le millésime manque :


Et à la ligne 17 :


 (feuille du 28 octobre 1920, sans millésime)

Mais jamais vu sur une feuille d'une autre année !

*****

Pour la Semeuse YT 140 aussi, mais je n'ai vu que la ligne 1 :


(papier non G.C.)

*****

Et pour finir, j'ai eu la bonne surprise de voir que ma feuille de la Semeuse YT 158 
du 28 janvier 1921 était elle aussi touchée, lignes 1 et 17 :

          

(et toujours pas de 3ème point)

Mais, il existe aussi des feuilles de 1921, sans aucun point !



Avouez que, vu comme ça, rien ne semble logique, 
et qu'il paraît difficile de trouver une explication rationnelle !

  Le Dr Rouques avait bien émis avec Pierre de Lizeray une hypothèse dans son article, mais il ne l'avait finalement pas retenue.
Moi, elle me plaisait bien pourtant...

Le galvano du haut de la feuille aurait été identifié par son point en haut, ligne 1.
Le galvano du bas par son point en bas, ligne 17 (ou 15 pour les roulettes).
Et le galvano du milieu par son absence de point.

Ce qui paraissait pour le moins logique, et aurait permis de s'y retrouver aisément si l'on était amené à démonter une planche pour des raisons techniques.

Mais il est vrai que celui de la ligne 18 n'y trouve pas sa raison d'être...

Et encore un mystère de plus qui reste à éclaircir


dimanche 1 mars 2020

Rouge Croix

1914
Triste année : la France entre en guerre début août. 


"Conscient des pertes à venir, et des besoins financiers pour aider et soutenir les œuvres de bienfaisance, le gouvernement français envisage l’émission de son premier timbres-poste à surtaxe, moyen rapide et peu coûteux de faire appel à la générosité nationale".

Fallait bien les payer ces jolis uniformes, que certains ont comparé à de véritables cibles pour les tireurs allemands, à cause de leurs couleurs trop voyantes !...



  Le 11 août paraît le décret lui donnant naissance, signé par le Président Poincaré. Il fallait faire vite, et pour que les bureaux de poste soient très rapidement approvisionnés (ce fut le cas en une semaine, dès le 18 août !), on se contenta dans un premier temps de surcharger un stock de 4000 feuilles (ou peut-être d'avantage ?) de la Semeuse à 10 centimes rouge, avec millésime 4, ce qui donna le célèbre YT 146 :

On peut dire qu'il eut moins de succès auprès du public 
que des philatélistes, mais il reste le tout premier.

Puis, en pleine bataille de la Marne, le temps de créer un nouveau poinçon très particulier, avec son cartouche blanc faisant mieux ressortir la surtaxe, le timbre définitif pourra être livré à la vente dès le 10 septembre : c'est le fameux YT 147 :

Avec sa valeur faciale et POSTES refoulés vers le haut, 
le public lui fera un meilleur accueil, comme les philatélistes.

Sa commercialisation a eu droit à une promotion qui va s'avérer efficace, avec de belles affiches :


Et de jolies pancartes :



  Son tirage fut nettement supérieur, jusqu'en 1916, et vendu initialement sous la forme de feuilles de 150 timbres (ci-dessous le tiers inférieur d'une feuille) portant les millésimes 4, 5 et 6 :


(celle-ci a été imprimée le 25.08.1914 sur la presse 12)


Puis sous la forme de carnets de 20 timbres à 10 c. vendus 3 francs, vers mars 1915 :



(Circulaire du 10 février 1915)

  Bien entendu, les philatélistes s'y sont intéressé, et comme toujours avec leurs loupes, ils ont remarqué de petites différences entre les timbres issus des feuilles et ceux issus des carnets qui furent dénommés au type II. Leur teinte est par ailleurs plus rouge orangée, et leur format un peu plus grand que les précédents.

(Dictionnaire de Pierre Marion)

Ces différences sont en réalité assez inconstantes, et il est souvent bien difficile de trancher entre les deux types en voyant un timbre isolé. Certains remettent même en question cette notion de types, et pensent plutôt à une retouche, ou à une différence de mise en train. J'ai l'impression cependant qu'il y a bien eu deux galvanos différents car la largeur du pont n’est pas la même, mais ça se joue à un poil de... poilu !

  Pour des raisons assez obscures, figurez-vous que ce timbre a été utilisé en 1915 au MAROC, revêtu d'une surcharge bilingue (en plus de sa surtaxe) :


Si vous pouviez m'en dire plus à ce sujet, ce serait bienvenu !


Mais vous allez me dire qu'il n'y a rien de bien nouveau dans tout ce qui précède, ni de bien rare !
Patientez encore un peu, et vous allez voir...

  On connait une épreuve non dentelée de ce timbre :

Enfin... on connait... 
Disons plutôt que j'ai vu celle-ci se vendre il y a longtemps,
mais pas une autre depuis !

Et, comme pour toutes les Semeuses, de jolies variétés existent, sauf que sur ce timbre elles sont vraiment exceptionnelles :

Piquage à cheval magnifique :

Avec timbres du haut non dentelés sur un côté.

Vraisemblablement une seule feuille touchée, 
avec donc 4 autres paires verticales semblables existantes.


Impression Recto-Verso, partielle mais jolie :

Hélas inutilement défigurée par un tagueur de chez Calves !
Là encore les voisins existent peut-être quelque part,
sauf s'ils ont été collés sur du courrier...


Spectaculaire piquage en diagonale :

Le coin supérieur droit de la feuille était replié au moment 
du passage dans la machine à perforer.
Peut-être unique ?

  Vous vous doutez bien que j'ai enchéri sur chacune de ces variétés lorsqu'elles se sont présentées dans diverses ventes. Et vous avez raison.
Mais, malchance ou sous-estimation, je n'en ai eu aucune !
Zobi ! Walou ! Toutes ratées !

Alors, ces derniers jours, lorsque la suivante s'est présentée, j'étais bien décidé à me l'offrir...

Remarquable impression "tête-bêche" :


Mais comment est-ce possible ?
Il s'agit du bord droit d'une demi-feuille de gauche.
La feuille d'impression comportait bien 300 timbres, mais ceux-ci étaient imprimés avec la technique dite "en aile de moulin" : les premiers 150 dans un sens, puis on retournait la feuille pour imprimer les 150 autres, puis on séparait les deux demi-feuilles.
Ceci, tout simplement parce qu'on ne devait disposer en ces temps de guerre que d'une planche de 150, par souci d'économie, et non d'une de 300.

Pour ce timbre, la découpe entre les 2 demi-feuilles n'a pas été réalisée correctement, emportant quelques millimètres de la demi-feuille de droite.
Du coup, 150 timbres imprimés sont partis à la poubelle : pas terrible pour les économies...

Mais absolument terrible pour nous philatélistes !

Nous avions déjà décrit cette technique au sujet d'une autre Semeuse YT 134 imprimée en 1906 (ce sera plus clair en cliquant sur le lien suivant) :

  La différence, c'est que pour la Semeuse avec sol, on ne pouvait absolument pas rencontrer de "tête-bêche" comme ici, puisqu'il n'y avait qu'un seul galvano n'imprimant que 50 timbres, sans aucun voisin à l'envers !

Ce qui fait que cette Semeuse Rouge Croix est LA SEULE Semeuse que l'on puisse rencontrer ainsi, avec une telle impression "tête-bêche".
D'où mon intérêt, et l'article de ce soir.

  Cela m'a permis de réviser un peu mes classiques, car j'avoue que j'avais oublié que cette technique avait été utilisée pour une autre Semeuse que celle avec sol. J'ai dû me replonger dans mes bouquins.
Storch et Françon nous l'avaient pourtant bien montré dans leur ouvrage des années 80 :

 Ici le bas de la même feuille, certainement la seule qui existe, 
avec la variété mieux visible du fait de la découpe un peu en biais.
Au maximum, 12 autres timbres à l'envers peuvent exister.

Mais la malédiction a pris la suite de ma malchance !
Une nouvelle fois je n'ai pas réussi à emporter les enchères, et cette variété m'a échappé de justesse elle aussi, comme ses copines.
J'avais décidé de l'échanger contre 5 billets de 100 euros, mais ça n'a pas suffi !

Je ne la reverrai probablement pas de sitôt, mais je l'aurai un jour, c'est promis !

*****

  Je rajoute a posteriori deux autres très jolies variétés qu'un ami a bien voulu me communiquer :


 Un manque d'impression sur la gauche


Et un double piquage sur celui du Maroc !

*****

Pour plus de détails, vous pouvez vous reporter 
à l'excellent article de Laurent Albaret 
dans L’ÉCHO DE LA TIMBROLOGIE de mai 2010.