Cette
question concernant le 10 c. rouge des petits carnets au type II me tarabuste
depuis des années !
Dans un
bulletin A.C.C.P. des années 90, j’étais tout fier de montrer la date du 20
mars (alors non répertoriée) et je concluais comme mes illustres prédécesseurs
que l’année d’impression était 1914.
Ces
derniers n’avaient recensé que les 30 et 31 mars, ainsi que le 1er
avril. En se basant sur le calendrier de ces années d’avant-guerre, et en
éliminant celles où l’un de ces jours tombait un dimanche, l’année 1914 avait
fini par s’imposer logiquement.
Depuis,
on a vu surgir un autre bloc daté du 7 mars, qui porte à ce jour la date la
plus précoce, également possible en 1914.
Le
souci, c’est que personne n’a jamais vu la date du 31 mars, et cela change tout !
En 1956, Teisssier la mentionne en se référant à une feuille montrée par Georges Monteaux, et photographiée dans son ouvrage. Mais il se trompe !
La feuille en question est du 30. Certes le zéro est mal venu à l’impression, mais il n’y a pas de doute. Il a tout bonnement cru voir un 31 là où il y a un 30 ! Reconnaissez que le doute est permis :
Pierre de Lizeray en 1970 va relayer l’info
du 31. Et c’est justement ce 31 mars qui tombe un dimanche en 1912, d’où
l’abandon de cette année-là comme possibilité. Tous les auteurs vont le suivre…
Etant donné que l’année 1913 est éliminée
sans aucun doute possible par l’existence du 30 mars, que 1914 est la dernière
année possible avant que la guerre n’éclate mettant fin aux projets de
l’administration, et que cette dernière avait débuté des essais préparatifs
pour ces petits carnets en 1911 – 1912, c’est en toute logique que 1914 fut
retenue comme date d’impression de ces feuilles.
MAIS si comme moi vous supprimez de la
liste des dates connues ce 31 mars que personne n’a jamais vraiment vu, l’année
1912 redevient tout à fait possible, pour ne pas dire assez fortement
probable !
On sait depuis que cette étonnante Semeuse à 10 c. rouge est la première à avoir bénéficié de ce fameux papier X, mais également de plusieurs autres innovations :
- - le type II du timbre, reconnaissable surtout à son gros point bien
détaché sous le Q de REPUBLIQUE, ayant nécessité la création d’un nouveau
poinçon, conservé depuis au musée
- - l’impression sur ce papier déjà gommé (auparavant, les feuilles
étaient gommées après leur impression), reconnaissable à sa gomme qui s’étend
sur la totalité des marges (contrairement aux précédentes)
- - le
format si particulier (resté unique) de ces demi-feuilles de 144 timbres, avec
forcément fabrication de galvanos bien différents de ceux qui étaient réalisés
jusque-là
- - la
perforation de ces feuilles qui, par conséquence, devra être adaptée à ce
nouveau format
- - et pour finir un tout petit carnet de 30 timbres facile à ranger dans la poche ou le porte-monnaie, et plus simple à utiliser puisque sans aucune marge à découper.
Arthur Maury, toujours bien informé, s’en
réjouissait déjà en septembre 1913 :
De Lizeray citait Demoulin (de l’atelier) qui « croyait bien se souvenir » de 1913, avant de penser au dimanche.
L’Echo de la timbrologie du 15 mars 1914 annonce également la parution à venir de carnets mixtes, et donne même la date prévue pour la mise en adjudication de la publicité, le 2 avril, à laquelle personne ne se présenta !
Maury affirme fin 1918 qu’ils ont été confectionnés à titre d’essai en juillet 1914.
Mais est-ce suffisant
pour affirmer que les feuilles ont été imprimées à ce moment-là, et non pas
deux ans plus tôt, en même temps que les premiers essais ?
Qu’en pensez-vous ?
En quelle année ont-ils été imprimés ces
timbres : 1912 ou 1914 ?
Pourquoi pas en même temps que les premiers essais de 1912,
à réception du beau papier X ?
Qui va peut-être finir par trancher en faveur de 1914,
en nous montrant un joli 3103 ?
Hélas, la guerre est venue couper court à ce
si moderne et révolutionnaire changement envisagé ! D’autres essais au
même petit format ont malgré tout été réalisés en 1916, contenant des
intercalaires avec des recommandations postales pour les militaires. Eux aussi sont
restés sans lendemain, malgré leur mise en vente annoncée en avril 1916 par
Maury.
Ce sont
donc les bons vieux modèles de carnets qui vont continuer à être émis durant
tout le conflit, avec leurs tristes couvertures dites postales, leur format si
peu pratique, sans aucune publicité, et même un vilain papier fragile de
mauvaise qualité, dit de Grande Consommation…
A la
fin de 1918, période difficile, c’est certainement dans un but d’économie que les
carnets de 30 timbres seront mis en vente, tels que nous les connaissons :
Les
feuilles entières restantes, non utilisées puisque l’administration avait
décidé de ne pas donner suite à ses essais, furent même vendues et débitées aux
guichets par la suite. Il a simplement suffi de leur adjoindre un feuillet de
six timbres collé au bas, pour ne pas perturber la comptabilité qui se faisait
depuis des lustres par feuilles de 150 !