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vendredi 31 janvier 2025

Il n'y a pas de mouton à 5 pattes !

 


  Même si cette pauvre bête tendrait à prouver le contraire, je pense qu'en philatélie l'expression reste absolument valable. Et si un jour vous trouvez une pièce tout à fait insolite, jamais vue, spectaculaire, étonnante, et qu'on vous la propose pour une bouchée de pain, méfiez-vous ! Il y a de fortes chances que l'on tente de vous escroquer, ou que vous vous soyez trompé. Circonstance favorisante si vous êtes persuadé d'être plus malin que les autres.

   Je me souviens que mon père avait cru faire un jour une excellente affaire auprès d'un marchand d'art qui lui proposait des antiquités orientales magnifiques, avec des bijoux en or massif notamment, des pièces de musée qui inspiraient la confiance et émerveillaient l'enfant que j'étais. Plus modestement, le paternel gogo se laissa tenter par quelques poteries grecques très décoratives, en parfait état et d'un prix fort attractif, que le vendeur (qui s'est avéré être un escroc) a fini par lui céder au terme d'âpres négociations...

  Ce n'est que quelques mois plus tard que la supercherie a été découverte : tout était bidon et de fabrication moderne ! Sauf peut-être l'or qui nous avait éblouis, et que le vendeur avait bien entendu remporté. Plainte fut déposée, les poteries saisies, de gros fragments prélevés pour analyse, puis elles nous furent finalement rendues. 

Et elles décorent toujours 50 ans plus tard les étagères familiales en mémoire de ce "mouton à 5 pattes" que mon père avait cru dénicher, avec bien en évidence les gros trous laissés par les spécialistes qui les ont expertisées. Pour ne pas oublier ! L'escroc ne sera jamais poursuivi et a certainement continué ses malfaisances.


  La génétique étant ce qu'elle est, j'avoue m'être fait avoir moi aussi à quelques reprises en achetant des timbres, mais cette expression est toujours restée dans ma tête et je me méfie beaucoup. Certains qui croient tout savoir devraient se montrer plus prudents...

 Voici un exemple retrouvé dans une vieille revue par ailleurs excellente, que je ne citerai pas :


Cette fois-ci tout est authentique (et assez rare d'ailleurs) mais  c'est l'analyse qui en est faite qui est totalement bidon. Peut-être que la personne en question a cru à une affaire, à une trouvaille extraordinaire, et qu'elle a acquis cette épreuve à fort prix, convaincue d'être face à une rareté exceptionnelle ? Mais ce mouton-là n'avait en réalité que 4 pattes !

   1) Le cachet est authentique, et la date correspond bien à cette période mouvementée durant laquelle l'administration essayait en toute hâte d'imprimer un nouveau timbre pour "fêter" l'abaissement du tarif de la lettre de 15 à 10 centimes. Et c'est bien la Semeuse avec sol YT 134 qui fut choisie et émise le 13 avril :
(vous pouvez lire le texte en cliquant sur l'image)

Ce 134 avec sol sera imprimé à ma connaissance jusqu'au 12 juillet :

Alors que le 135 maigre commencera a être imprimé justement la veille = le 11, mais je n'ai que le 12 en photo :


   2) L'épreuve est authentique également, mais il ne s'agit en aucun cas du 10 c. maigre YT 135 : ceux qui me lisent depuis longtemps auront reconnu la Semeuse avec sol sans le sol qui avait illustré avec son fameux téton un de mes tout premiers articles en décembre 2008, que vous pouvez retrouver en suivant ce lien : revoir le téton

Et c'est justement ce téton effacé à la demande du ministre 


que l'on voit dépasser sur l'épreuve dont il est question aujourd'hui, 
et que l'on ne retrouve jamais sur la Semeuse maigre.

   Du coup, il est absolument logique que cette épreuve soit datée du 10 avril 1906. Ce n'est pas du tout une trouvaille exceptionnelle. 

Et d'ailleurs, comment l'auteur a t'il pu croire que la poste aurait apposé son cachet sur une épreuve restée sans aucune suite plus de 3 mois ?

Il a tout simplement été ébloui par ce cachet à date, ce qui l'a empêché de reconnaître le bon timbre (qui est d'ailleurs resté non émis, assez méconnu). Il a cru y voir une Semeuse maigre et c'est à sa décharge que l'on doit bien admettre que la ressemblance est grande. Il s'est réjoui de pouvoir ainsi contredire tous ceux qui affirmaient depuis des décennies que cette maigre datait de juillet. Il négligeait tout le tirage de la Semeuse avec sol qui a précédé. Et il se trompait. Evidemment !


Voici une image pour ne pas vous tromper :


(le téton disparaît et le point dans la ceinture apparait : caractéristique de la série maigre)

Ladite Semeuse maigre, sans son téton, a eu droit à ses épreuves elle aussi, mais certainement quelques semaines plus tard que celle avec téton :

(sur beau papier ou sur papier pelure)

Un galvano de 50 fut normalement fabriqué, dont voici une épreuve :


Et celle-ci, unique, montre 3 valeurs faciales à 15, 20 et 25 c. jamais émises :



Elle plut suffisamment au ministre pour être émise en juillet 1906 :

(oblitération du premier jour : authentique ou pas ?)

Mais pas assez puisqu'elle fut assez vite remplacée en 1907.

Elle sera d'ailleurs très très peu utilisée en 1906 puisqu'il fallait auparavant écouler les importants stocks de la Semeuse lignée et de la Semeuse avec sol.


*****


   J'en profite pour rectifier une erreur, souvent répétée, et qui a son importance dans l'histoire de notre Semeuse. Elle concerne précisément cette période de transition entre Semeuse lignée et Semeuse maigre.

On connait (et vous avez certainement déjà vu) de multiples essais ou épreuves collectives de diverses couleurs montrant différentes compositions du fond du timbre plus ou moins ligné, et qui avaient été datées de cette année 1906 par de nombreux auteurs (dont les admirables et regrettés J. Storch et R. Françon), ce qui paraissait somme toute très logique. 

En voici quelques exemples : 




Pourquoi donc de tels essais de couleurs 
si l'on ne prévoyait qu'un timbre rouge à 10 centimes ?


  Et bien c'est tout simplement parce qu'ils ne datent pas du tout de 1906, mais bel et bien des préliminaires à notre Semeuse destinée à prendre son envol en 1903 !

On aurait pu s'en douter car :

-  c'était bien toute une série que l'on envisageait alors, avec les 3 principales valeurs faciales à 10, 15 et 25 c. prévues en rouge, vert et bleu.

-  le dessin des valeurs faciales, avec leurs chiffres bâtons, est bien le même que celui de la 1ère série émise.

Et la preuve en est que l'illustre Arthur Maury décrivait et nous montrait déjà ces essais dans son non moins célèbre "Collectionneur des timbres-poste" n°273 en date du 1er juillet 1903 : il suffisait tout simplement de relire cette bible !

(les deux auteurs cités avaient d'ailleurs rectifié le tir et reconnu leur erreur dans la presse philatélique, peu de temps après la sortie de leur remarquable ouvrage)


mardi 28 janvier 2025

Et c 'est Nicolas qui a gagné...

 

...gagné toute ma considération pour avoir trouvé cette paire avec millésime !


Sur laquelle on peut voir que la brindille s'est légèrement déplacée sur la droite par rapport à l'autre exemplaire.



jeudi 23 janvier 2025

Le jeu continue !

 


  En mars , j'avais lancé l'idée de trouver des variétés amusantes qui se soient reproduites sur plusieurs feuilles au même endroit, et si possible identifier la case où elles se sont produites.

 Je relance en vitesse le jeu aujourd'hui avec cette "tache" retrouvée sur une Semeuse verte à  centimes YT 137 au type I  :

Une sacrée graine !

Je viens de la retrouver à la dernière ligne d'un panneau :


La largeur de la marge inférieure pourrait faire penser à un carnet : qui sait ?

Mais peut-être que l'un d'entre vous a un autre exemplaire similaire et pourra nous en dire plus ?


******


  Par ailleurs, à la case 16 d'une feuille de 1907 (ou de 1917) on peut trouver cette originale brindille :

Et elle a toutes les chances d'être restée à cet endroit précis quelques minutes, et donc de pouvoir se retrouver sur d'autres feuilles, à droite du millésime : à vos albums !


samedi 18 janvier 2025

La preuve !

 

   Même si cela revient un peu à enfoncer une porte ouverte, j'aime bien avoir sous les yeux la preuve de ce que tout le monde considère comme acquis.

Dans mon métier c'est même conseillé : avoir constaté les effets d'un médicament sur un patient porteur de telle maladie, c'est tout de même mieux que d'en avoir seulement lu la notice !

   Les techniques d'impression des timbres au début du XXème siècle me passionnent toujours autant, même si quelques subtilités m'échappent encore, et je me suis replongé récemment dans la lecture de l'introduction de l'excellent ouvrage de Louis Barrier consacré aux Semeuses. Je vous le conseille car on y apprend bien des choses.

Pour faire bref, les feuilles étaient imprimées, puis gommées, puis coupées en deux, et finalement perforées. On sait à peu près comment se déroulait l'impression. On a des images de l'extraordinaire machine à gommer. Et on sait que la machine à perforer le faisait ligne par ligne, du haut vers le bas de la feuille. 

Arthur Maury dans son Histoire des timbres-poste français, nous avait appris que cette dernière étape se faisait en perforant plusieurs feuilles à la fois : cinq exactement.


La flèche rouge vous montre le mouvement vertical du peigne qui perforait les (demi) feuilles de 150 timbres, et ce rangée par rangée : 18 coups de peigne sont nécessaires, alors que les feuilles se déplacent sous le peigne d'une rangée à chaque coup.


Ces (demi) feuilles de 150 timbres étaient piquées manuellement sur la machine en question en se servant des points et de la croix de repère visibles dans les marges, pour que la perforation soit correcte : on imagine bien que cela demandait une certaine précision de la part de l'ouvrier responsable, ainsi que toute son attention.

Le fait que 5 feuilles soient ainsi empilées (à la main et assez vite) avant d'être perforées explique la possible survenue d'accidents parfois spectaculaires : par exemple lorsqu'une des feuilles se repliait malencontreusement avant d'être recouverte par une autre, et que l'ouvrier ne s'en apercevait pas. Ou bien lorsqu'une des feuilles n'était pas aussi bien positionnée que les autres.

Les piles de 5, une fois perforées, étaient alors elles-mêmes empilées avant de passer au contrôle.


   Voici quelques exemples des conséquences de cette technique et de ses accidents :

C'est bien entendu souvent un coin de la feuille qui se repliait :




Parfois, un simple décalage horizontal lors du positionnement :




Mais parfois, c'est la machine elle-même qui dysfonctionnait alors que l'ouvrier avait correctement fait son boulot. Il pouvait arriver que la première rangée ne soit pas perforée et ses timbres non dentelés sur 3 côtés, alors que les autres l'étaient parfaitement :



Et, à l'inverse, c'est parfois la dernière rangée qui ne l'était pas, laissant une marge inférieure totalement dépourvue de perforation, et des timbres perforés sur 3 côtés seulement :



  C'est précisément ce dernier cas qui m'a inspiré ce petit article, car j'ai retrouvé par hasard en faisant du rangement dans mes archives les images de ces 2 fragments :


Ils datent du 21 octobre 1910, jour où la Semeuse à 5 c. vert était imprimée sur la presse 25, et sont issus de deux (demi) feuilles passées ensemble dans la machine à perforer (dans une liasse de 5 donc), alors qu'un dysfonctionnement est survenu et que la dernière rangée n'a pas été perforée convenablement.

C'est donc bien la preuve que plusieurs feuilles passaient ensemble sous la perforation.

Il ne nous reste plus qu'à trouver les 3 autres bas de feuille issus de la même liasse.

Ils doivent bien exister quelque part car je ne doute pas que les collectionneurs les ont précieusement conservés, et qu'ils auront l'amabilité de nous les montrer !


dimanche 5 janvier 2025

Et un coin daté centenaire pour fêter mes 60 ans !


  Eh oui ! ce sont bien 6 décennies qui ce sont écoulées depuis le 5 janvier 1965, jour de ma naissance, dont plus de 5 consacrées à ma passion pour cette sacrée Semeuse !

C'est mon grand-père maternel qui m'avait initié et encouragé à poursuivre sa collection. Celle-ci était en grande partie consacrée aux coins-datés, et même si c'est un peu passé de mode, cela m'intéresse toujours autant. Je suis assez fier d'avoir pu quasiment doubler la quantité de coins datés qu'il possédait, mais il me reste du travail pour encore quelques décennies !

Dès que j'en vois un qui me manque, j'ai du mal à résister à son attrait !

C'est devenu presque une drogue !

  Comme je vous l'ai déjà fait comprendre, c'est en s'intéressant aux techniques de fabrication que l'on peut au mieux apprécier les timbres, et les variétés qu'ils peuvent présenter. 

Qui dit coins datés dit rotatives : ces machines qui imprimaient, dataient, numérotaient, perforaient et débitaient les feuilles de 100 timbres avec leurs fameux deux coins datés par tour de cylindre.

Du coup, il est théoriquement impossible qu'une feuille imprimée en rotatif puisse échapper à la perforation. Du moins tant que la presse fonctionne correctement.

  L'existence de timbres rotatifs non dentelés témoigne cependant de la (très rare) survenue de quelques dysfonctionnements. L'accident pouvait toucher tout ou bien seulement une partie d'une feuille. Celle-ci était alors vite repérée par les contrôles, et normalement destinée aux rebuts : elle était foutue, absolument impossible techniquement de la denteler dans un second temps !

  Certains fragments se sont cependant faufilés au travers des mailles du filet, et pour le plus grand plaisir des philatélistes. 

Concernant le type Semeuse, pour vous donner une idée de leur rareté, on ne connaissait jusqu'à récemment en tout et pour tout que 2 coins datés non dentelés, que je vous ai d'ailleurs montrés ici : un pour le 20 c. brun YT 139 et un pour le 75 c. lilas YT 202. 

Et il existe une feuille entière du 10 c. vert YT 159 au type I B dont les 10 timbres du bas sont dépourvus de dentelure, tenant au reste normalement dentelé. Je vous l'ai également montrée, mais hélas, le vendeur n'est vraiment pas raisonnable. Qui sait si elle pourra un jour rejoindre les 2 autres ?

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  Une autre Semeuse et pas des moindres : le 25 c. bleu YT 140 au type III B existe non dentelée. Cela, je le sais depuis une bonne trentaine d'année car un correspondant amateur m'en avait communiqué une photo, que voici :



Et comme cet exemplaire (que je n'ai jamais revu depuis) était situé en bas de feuille, je me prenais à rêver depuis à la possible existence d'un coin daté que je pourrais bien croiser un de ces jours. Une chimère en quelque sorte !

Sa trace est devenue encore plus tangible lorsque j'ai eu le plaisir de trouver cette vilaine paire numérotée, initialement située à l'angle inférieur gauche d'une feuille, avec ses parallélogrammes assez similaires à ceux du timbre précédent :



Pour moi, les deux sont issus de la même feuille, et les gros défauts que porte la paire doivent être les témoins de l'accident mécanique survenu ce jour-là, à l'origine de l'absence de dentelure.

  J'en ai souvent rêvé de ce coin daté bleu non dentelé, mais je ne l'ai jamais trouvé !

Soyez sympa, si vous avez la preuve de son existence, dites le moi S.V.P.

Il me manque tant !

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  Providence ou pas, voici sur quoi je tombe dans une récente vente, juste avant Noël :


Et quelle date ! 

Imprimé le 5 janvier 1925, il y a cent ans tout juste aujourd'hui !

Un cent ans d'âge pour mon anniversaire.

J'étais obligé de me l'offrir pour mes 60 ans : impossible de le laisser s'échapper.

Désormais je l'attends, sa place est prête.

Jamais 2 sans 3 !

Vous aurez remarqué l'aspect nettement différent de ses parallélogrammes, ce qui me fait dire qu'il ne provient pas de la même feuille que les 2 précédents exemples, dont on n'a toujours pas vu le coin daté.

Continuons donc de rêver !



samedi 4 janvier 2025

Un puzzle pour Noël


  Je connaissais cette jolie variété que l'on peut voir sur le site semeuses.com, où elle m'avait séduit par son originalité, et par la présence du coin daté (un de mes péchés mignons !).

 

  Je me demandais, comme vous, pour quelle étrange raison la bobine de papier introduite ce jour-là dans la presse rotative avait été ainsi constituée avec ces deux épaisseurs, comme un raboutage bizarre qui se serait défait lors de la découpe de la feuille, juste après son impression : peut-être était-ce pour réparer une déchirure longitudinale de la bobine ? 

Nul ne saurait le dire, mais ce qui est sûr, c'est que c'est curieux, spectaculaire, et pas courant. 

Le plus étonnant étant la chance d'avoir conservé ensemble les 2 morceaux !


  On connait de telles impressions partielles dues à l'interposition d'un fragment de papier, mais cela touche la plupart du temps des timbres imprimés en typographie à plat, et le fragment n'accompagne généralement plus la feuille fautée : il a disparu, ce qui est moins amusant avouez-le, surtout lorsque l'on aime bien les puzzles.


En rotatif, c'est très exceptionnel, et je vous remontre ce bloc du 30 c. bleu au cas où quelqu'un saurait par chance ou a bien pu passer le fragment perdu :




  J'avais également dans mes archives l'image de cette bande du même timbre au même type IIIB des feuilles rotatives de 100, mais elle avait hélas perdu son fragment interposé elle aussi :



  Enfin, j'ai pu mettre la main sur celle-ci dans une récente vente présentant un très bel ensemble de variétés, que le père Noël tarde encore à distribuer tellement elle était riche en quantité comme en qualité :


J'ai bien l'impression que les 3 proviennent de la même feuille, et qu'il nous manque encore quelques pièces pour reconstituer ce puzzle :



S.V.P. faites-vous connaître si vous en possédez une !