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lundi 30 novembre 2020

Retouche

   Le matériel servant à l'impression de notre Semeuse a toujours été l'objet de beaucoup d'attentions de la part des ouvriers de l'atelier de fabrication des timbres-poste, mais la manipulation des feuilles pouvait, comme nous l'avons souvent vu, être à l'origine d'accidents entrainant des défauts, que les philatélistes apprécient en tant que variétés.

  En ce sens, le passage à la typographie rotative, dès 1922, a apporté un net progrès : les problèmes de dentelure, ou de pliage du papier sont ainsi devenus bien moins fréquents. Pour vous en convaincre, cherchez donc par exemple une Semeuse non dentelée imprimée en rotatif, et vous m'en direz des nouvelles !... De plus, le rendement des machines rotatives Chambon était nettement meilleur, tout en diminuant les interventions manuelles.

  Pour l'impression des feuilles-vente de 100 timbres, les cylindres étaient constitués de 4 galvanos de 50, chaque tour imprimant 2 feuilles, avec deux coins datés. Ceux qui comme moi les collectionnent le savent bien. J'aurais tant aimé vous montrer un de ces cylindres, mais on n'en connait aucune image, hélas ! Aucun n'ayant été conservé par l'administration.

  Ces cylindres devaient pouvoir être démontés de leur machine, soit pour interrompre un tirage et passer à une autre valeur ou même à un autre timbre, soit pour des raisons techniques. Et c'est lors de ces manipulations qu'un accident pouvait venir les endommager, malgré toutes les précautions prises.

  Si l'accident touchait la partie qui imprimait les timbres, les contrôleurs s'en apercevaient lors de la vérification des feuilles imprimées, celle-ci étant rigoureuse.

  C'est vraisemblablement ce qui s'est passé au cours du tirage du 10 c. vert YT n°159. Les rotatives et le personnel commençaient à être bien rodés, après des débuts difficiles dont nous avons déjà parlé ici. Après les tout premiers tirages de ce timbre (décrit ensuite comme type I B), de nouveaux galvanos furent fabriqués et utilisés successivement pendant les années suivantes (donnant des timbres au type III). 

Les philatélistes s'intéressant aux coins datés, suivant les travaux et les publications du Baron De Vinck, peuvent aisément identifier ces différents tirages.

  Or, une retouche est bien connue pour ce timbre : on parle du S du mot POSTES, et sa position dans la feuille est connue : à la case 40, soit sur le dernier timbre de la quatrième rangée.

  Les catalogues spécialisés la datent de 1927, et l'on a pu identifier le cylindre portant cette retouche : c'est celui dénommé R + S, connu pour avoir été utilisé entre le 5 octobre 1926 et le 2 avril 1927.

Une seule des deux feuilles imprimées par ce cylindre est concernée : il s'agit de S. Ceci n'a pu être affirmé qu'en examinant des feuilles entières ou des grands blocs comportant à la fois la case 40 et le coin daté. C'est la chance que nous avons eu en tombant sur cette jolie feuille :

Une partie du tirage R + S a en effet donné des "préoblitérés"

  Mais la retouche en question se voit également bien entendu sur les feuilles non préoblitérées, puisque c'était le même cylindre qui imprimait, et ce dès la fin de 1926. 



Même si l'on ignore toujours à quel moment du tirage elle apparait, nous avons pu rencontrer les dates suivantes (certaines déjà citées par R.V. Goudeau dans Le Monde des Philatélistes):

19.11.26

23.12.26 préo

28.12.26

28.12.26 préo

18.01.27 préo

05.03.27

17.03.27

19.03.27

Et on doit logiquement la trouver présente jusqu'à la fin de l'utilisation de ce cylindre, le 2 avril.

Elle n'est pas présente en revanche sur les cylindres des tirages qui suivent.


  En y regardant de plus prés, on constate que c'est tout l'angle inférieur droit du timbre qui a été retouché, et non pas seulement le S :


Tout le mot POSTES est en réalité différent, et le cadre a également été refait, paraissant déformé !


Et ce n'est pas un hasard si c'est la dernière colonne de timbres qui est concernée : située tout au bord sur la droite, on comprend que le cylindre ait pu subir un choc malencontreux à ce niveau.

Peut-être que l'un de nos lecteurs pourra nous montrer l'existence d'autres dates, notamment entre le 5 octobre et le 19 novembre 1926, pour tenter de savoir à quand remonte exactement l'accident à l'origine de cette célèbre retouche ? 



samedi 21 novembre 2020

Une nouvelle jolie !

 

  Ceux qui me lisent depuis quelques années savent que je les aime tout particulièrement. 

Surtout parce qu'elles sont rares et que j'en ai rêvé pendant longtemps. Mais aussi parce qu'elles sont originaires de Marseille, joliment illustrées, et qu'elles témoignent d'une époque que j'apprécie vraiment.

  La publicité s'acoquinait alors de plus en plus souvent avec les timbres, et notre Semeuse régnait en maître sur le courrier.

  Je vous ai déjà montré les trois modèles que l'on en connait, espérant que l'on en découvrirait peut-être d'autres, même si depuis bientôt un siècle l'occasion ne s'était pas présentée...

  Eh bien, c'est chose faite : un aimable correspondant a profité de cette période de confinement pour ranger sa documentation, et a retrouvé les images qui motivent ma publication d'aujourd'hui, puisqu'il a eu l'amabilité de me les communiquer.


  Un quatrième modèle de LETTRE TOURISTIQUE MONDIALE existe, et le voici : 


Il s'agit cette fois-ci de la série 501

La pub permettait de la vendre 25 c. alors qu'elle était affranchie à 50 c.


Elle a été postée à Saint Maur (banlieue parisienne), en 1929 si je déchiffre bien le cachet, et a bien circulé vers Auxerre (Yonne), ce qui ne gâche en rien sa beauté.


Elle contient bien entendu un dépliant avec des annonces publicitaires. 
Celles-ci sont différentes de celles des autres séries, et ne concernent plus la région de Valenciennes dans le Nord, mais principalement La Varenne Saint Hilaire (Seine) :

 

Hélas, ces images sont en noir & blanc et il manque certaines pages, mais c'est la toute première fois que je les vois. Si vous avez l'original, ou bien un autre modèle, MERCI de bien vouloir me contacter...

**********

  Comme quoi, il est toujours intéressant de fouiller, de ranger, et de relire, 

si l'on veut faire des trouvailles et en faire profiter ceux que cela intéresse ! 


dimanche 1 novembre 2020

A la main ou à la machine ?

 

  En juin 2019, nous avions vu que l'administration prenait très au sérieux l'impression des timbres destinés à ses cours d'instruction, et de leurs surcharges.

Je crois bien avoir lu quelque part (mais où ?) que la surcharge ANNULÉ, comme bien d'autres, était apposée typographiquement à plat sur les feuilles de 150 timbres, mais était-ce effectué par panneau de 50, ce qui nécessiterait trois passages sous presse pour que l'ensemble de la feuille soit annulé, ou bien en une seule fois ?

Si l'un de nos lecteurs a la réponse, je veux bien la connaître, ainsi que ses sources. 

Toujours est-il que l’alignement et le centrage de ces surcharges sont le plus souvent très bons lorsque l'on examine des feuilles entières. D'où la rareté extrême du fameux Z que je vous avais montré !

Cela ne devait pourtant pas être si aisé que ça de manipuler ces grandes feuilles avec précaution, et de les positionner parfaitement sur la presse afin que la surcharge soit bien placée ! Vous allez voir que parfois pouvait survenir un accident...


  C'est une nouvelle fois en farfouillant sur internet que je suis tombé sur ce joli panneau mis en vente, imprimé en 1921 puis Annulé :

Toujours ce même 30 c. rouge !

Comme j'avais déjà dans ma collection un bloc de 100 représentant les deux tiers inférieurs d'une feuille de ce timbre, cela m'amusait de rencontrer un panneau haut de feuille qui pourrait éventuellement venir compléter mon bloc. 
Ce qui, esthétiquement, pourrait être du plus bel effet !

Donc, je clique sur l'image de ce lot pour en savoir davantage, d'autant plus que le prix était raisonnable, et que les enchères n'avaient pas l'air de vouloir s'envoler. Il y a assez peu d'amateurs de ces surchargés.

Et c'est là que mon palpitant s'est un peu affolé : 
Ce n'est pas possible ! m'écriais-je incrédule. Comment le vendeur a t'il pu ne pas s'en rendre compte ? 
Pourquoi n'en parle t'il pas dans sa description ? 
C'est trop beau pour y croire !

Mais pas de doute, il y a une affaire, un Chopin comme disent les philatélistes. Regardez donc mieux avec moi le coin supérieur gauche du panneau :

Il y a une bizarrerie !

Le premier timbre porte en effet une surcharge décalée vers le bas, et le second une double surcharge ! 

Ceux qui ont l’œil auront immédiatement compris ce qu'il s'est passé : le coin de cette grande feuille s'est malencontreusement replié lorsqu'elle a été mise sous presse pour la surcharge. 
On voit d'ailleurs très bien le pli qui a marqué le papier, en diagonale.
Du coup, le premier timbre s'est retrouvé dépourvu de toute surcharge, et sur le second celle-ci a été amputée de son début.

Vous comprendrez que c'est vers l'arrière que le coin s'est replié, sinon les autres timbres voisins auraient eux aussi été affectés par le défaut de surcharge.

Mais ce n'est pas tout !

L’ouvrier responsable s'en est bien évidemment aperçu. Il a voulu immédiatement corriger ce défaut, et nous allons voir qu'il a fait comme il a pu ! 
Il ne pouvait pas laisser un timbre et demi non ou mal surchargé. 
Non ! Pas question !
Alors, système D oblige, il s'est débrouillé pour apposer une surcharge remplaçante.

Si l'on zoome un peu plus (ne vous gênez pas pour cliquer sur l'image), on voit bien qu'il s'agit d'un modèle différent d'ANNULÉ  :

L'encrage des lettres est imparfait, et elles ne sont pas tout à fait du même modèle

Par ailleurs, si vous regardez sur le bord de feuille, on y voit la trace de la fin d'un autre ANNULÉ !

Cette surcharge-là a forcément été apposée manuellement, ce qui explique son moins bon encrage.

Elle ressemble d'ailleurs beaucoup (pour moi c'est la même en réalité) à celle qui était utilisée pour annuler les carnets destinés eux aussi aux cours d'instructions :

Fragment d'un carnet portant la même surcharge manuelle.
Les carnets étant déjà constitués, la surcharge ne pouvait pas être réalisée par la presse.


Or, on sait que cette surcharge des carnets était apposée manuellement, vraisemblablement à l'aide d'une "bande" imprimant cinq fois le mot "Annulé" d'un coup.
En effet, sur bien des carnets, l'alignement et le centrage sont différents sur les 4 rangées de 5 timbres.

Je vous ai indiqué en jaune les décalages en question


L'ouvrier, pour éviter de surcharger inutilement la marge de notre panneau rouge, a même dû s'en mettre plein les doigts, puisque l'on peut aussi y apercevoir les traces d'une empreinte digitale !

Comme pour nous convaincre que cette deuxième surcharge est bien manuelle !

Ce qui en fait un panneau exceptionnel et à mon avis unique !
Peut-être encore plus que le Z ?

Au fait, j'avais oublié de vous dire que j'ai bien entendu remporté les enchères, et que vu le prix, heureusement pour moi, personne d'autre n'avait remarqué tout ça !


N. B. Certains catalogues signalent l'existence d'une double surcharge, mais je ne l'ai jamais rencontrée