Pourtant l'émission du 10 centimes rouge Semeuse avec sol (
YT n°
134) a été réalisée un peu dans l'urgence cette année-là.
La loi abaissant le tarif de la lettre simple pour l'intérieur avait été votée le 6 mars, avec une mise en application dès le 16 avril.
Il fallait à tout prix "marquer le coup" en émettant un nouveau timbre.
De nombreux essais furent réalisés, qui ne donnèrent pas satisfaction, et la Semeuse choisie, celle dite "maigre", ne sera pas prête à temps.
Il faudra mettre en vente en attendant cette Semeuse avec sol, dérivée de la Semeuse à fond ligné, avec son fameux "téton" dont nous avons déjà parlé.
Son procédé d'impression reste un cas unique : un seul galvano de 50 timbres a tout d'abord été constitué, sur lequel ne figure pas encore le millésime. On parle de planche I.
A partir du mardi 10 avril ( trois jours seulement avant le jour d'émission fixé au vendredi 13 ) et pendant quinze jours, deux millions de timbres furent tirés avec le seul galvano disponible de 50 timbres.
L'impression a été réalisée sur la base du même format que les feuilles classiques pour l'époque de 300 timbres, en aile de moulin. C'est à dire en position tête-bêche.
Mais au lieu d'imprimer deux fois 150 timbres, comme l'atelier ne disposait que d'un seul galvano de 50 et non pas des trois qu'il lui aurait fallu, ce ne sont que deux fois 50 timbres qui ont été imprimés sur ces grandes feuilles, selon le shéma suivant :
20 000 feuilles au total !
Aprés séparation en deux de la feuille au format de 300 timbres, les deux feuilles-ventes au format habituel de 150 timbres pouvaient ainsi être gommées et dentelées par les machines habituelles.
Sauf qu'elles avaient cette particularité restée unique, de ne comporter qu'un seul panneau de 50 timbres situé en haut de la feuille, et sans millésime.
Il n'existe donc pour cette première planche, que des panneaux "haut de feuille" que l'on reconnait facilement puisque la bordure du haut reste toujours non dentelée.
Par ailleurs, du fait de l'impression en aile de moulin, il ne peut exister que des feuilles-vente de droite, avec un grand bord de feuille à droite et un petit à gauche (voir le pointillé sur le schéma).
Même s'il devait initialement ne s'agir que d'un essai, non destiné à la vente, et comme l'on ne rechignait pas devant le travail à l'époque, l'atelier a décidé de s'en servir pour confectionner à la main des feuilles de 150 timbres, qu'elle pourra mettre en vente comme les autres !
C'est toujours ça de réalisé comme économie, aprés avoir gaspillé tout ce papier...
Il y avait effectivement un fort gaspillage de papier, puisque les deux tiers inférieurs de chaque feuille, ne comportant aucun timbre imprimé, étaient perdus !
Et en plus, on avait décidé d'abaisser de 15 à 10 centimes le prix du timbre.
Mais au moins l'on s'y retrouvait un peu en vendant malgré tout ce qui avait déjà été imprimé !
L'histoire ne dit pas, en revanche, si ces feuilles comportaient ou non, en bas, les caractères habituels permettant d'identifier leur date d'impression, le conducteur de la machine, et le numéro de la presse, puisque toute cette partie des feuilles était jetée.
Il aurait fallu pouvoir jeter un oeil dans leurs poubelles...
1er jour d'émission
A t'on choisi un vendredi 13 pour lui porter chance ?
Cependant, comme nous l'avions déjà vu dans un précédent article, quelques temps auparavant, l'atelier avait aussi imprimé de la même façon, des essais de feuilles comportant
- en haut un panneau de 50 timbres avec sol,
- au milieu 50 effigies avec le soleil devant (non émis),
- et rien dans leur tiers inferieur.
Ces feuilles-là étaient bien pourvues des dits caractères :
Celle-ci a été imprimée le samedi 7 avril 1906 par Monsieur N, sur la presse 13
Toujours est-il que le panneau que nous vous avons montré témoigne bien du travail fastidieux réalisé à la main pour les premières feuilles émises de cette Semeuse avec sol : après dentelure, un ouvrier séparait le tiers supérieur normalement imprimé, des deux tiers inférieurs restés vierges destinés quant à eux à la poubelle.
Ensuite, il se servait des bords de feuilles de ces panneaux de 50, pour rabouter trois par trois les panneaux entre eux, et ainsi parvenir à former des feuilles de 150 !
En regardant à présent ce panneau du coté gomme, on y retrouve bien les raboutages en haut et en bas.
Et, en zoomant sur le haut de notre panneau, on s'aperçoit également du raboutage qui fait toute la particularité de ce premier tirage :
A partir du 26 avril, une deuxième planche fabriquée à l'aide de trois galvanos de 50, comportant bien le millésime 6 cette fois-ci, va prendre le relai.
Son tirage sera de 28 millions de timbres, émis dès le 17 mai.
Cette planche II va permettre, comme cela était l'usage, d'imprimer en une seule fois et surtout bien plus simplement, toujours en aile de moulin, les feuilles de 150 timbres.
Celle-ci a été imprimée le mardi 29 mai 1906 par Monsieur Q, sur la même presse 13.
Le tout sans gaspiller de papier, ni occuper inutilement les pauvres ouvriers.
Ceux-ci ne pouvaient tout de même pas épuiser toute leur salive dans la bataille, à force de lêcher à longueur de journée les bords de feuilles gommés de 40 000 panneaux !
Espérons qu'ils avaient un autre moyen à leur disposition...
La distinction entre les timbres issus de la planche I et ceux de la planche II n'est pas évidente du tout !
Les catalogues parlent même de types I et II.
Ceux qui ont bien suivi auront retenu que si vous avez un millésime 6, il s'agit à coup sûr de timbres provenant du second tirage, alors que si vous trouvez un bloc sans millésime, il doit s'agir en revanche du premier tirage.
Quoique !...
Pour certains, l'absence de millésime pourrait également se rencontrer avec la planche II.
Mais il s'agirait d'une variété, le chiffre 6 n'ayant parfois pas été imprimé.
Cela demande encore à être confirmé...
Qui aurait déjà vu un bloc sans millésime de ce timbre MAIS au type II ?