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mardi 15 février 2022

Philatéliste en guerre !

 

  En attendant que les américains se décident à entrer dans le conflit, le maréchal Pétain remotivait ses troupes encore traumatisées par la bataille de la Somme, qui avait fait des centaines de milliers de victimes l'année précédente.

Et en 1917, la vie devait être bien pénible en France comme dans le reste de l'Europe !

Alors, on se faisait plaisir comme l'on pouvait...

  Cette jolie lettre prouve que la philatélie permettait à certains de s'évader un peu, de faire abstraction quelques instants de la guerre :


  On remarque en premier lieu les lettres GC qui sautent aux yeux, imprimées dans la marge du bas des feuilles de cette Semeuse lignée à 15 centimes. 

Elles étaient là pour signaler aux postiers qui manipulaient ces feuilles aux guichets, la particulière fragilité de ce papier dit de Grande Consommation. Mais la plupart des utilisateurs ne se gênait pas pour découper et retirer ces grandes marges lorsqu'ils collaient les timbres sur leur courrier, ce qui fait qu'on ne les y retrouve pas fréquemment.
A part quelques philatélistes de l'époque...

  Par ailleurs, on se demande bien à quoi pouvait correspondre cet affranchissement à 90 c. même pour un recommandé !
Sauf pour un philatéliste...

  Ce qui est le plus remarquable à mon avis, c'est que cet expéditeur peu regardant à la dépense, a précisément choisi ces deux bandes de 3 timbres pour sa lettre. On peut y lire dans les marges la date du 6 février, mais le 17 est une heureuse coïncidence : il s'agit du numéro de presse sur laquelle les feuilles ont été imprimées ce jour-là, de 1917 !

  Vous noterez que les deux bas de feuille, bien qu'imprimés le même jour par la même presse ne sont pas tout à fait identiques :
- la position des inscriptions par rapport aux timbres n'est pas la même
- celles du bas sont par ailleurs suivies d'une marque presque carrée

Comment est-ce possible ? me direz-vous.

Je pense qu'il s'agit des bas de feuilles de 2 demi feuilles-ventes de 150 : une étant de droite, et l'autre de gauche, c'est à dire qu'à elles deux, elles composaient une feuille d'impression de 300.

  La distinction entre les deux demi feuilles ne peut se faire qu'en observant leurs marges latérales, car la séparation (à l'atelier) se faisait au centre de la feuille de 300, en donnant une marge courte à ce niveau. 

Ce sera plus clair sur ces images :

(deux demi-feuilles-vente, de gauche et de droite, avec leurs marges latérales différentes)

  Cela rajoute encore au charme de ce recommandé : l'expéditeur devait à mon avis être philatéliste, et avait choisi au guichet, d'acheter à dessein ces timbres. Et il avait volontairement décidé d'en conserver les bas de feuille, certainement "pour faire plus joli sur son enveloppe" !

  C'est le destinataire, vétérinaire, qui a dû être content, surtout s'il était lui aussi philatéliste !


ça se confirme ?

 

  Je vous avais alerté en juillet dernier au sujet des timbres des carnets de la semeuse 15 c. brun YT n°189 qui sont sans aucun doute plus petits, et probablement d'un type ou sous-type distinct de celui des feuilles, avec des différences assez nettes. 

Le hasard veut que je viens de voir dans une vente une note manuscrite datée de 1946 du grand collectionneur Léon Dubus, rapportant une communication faite à l'académie de philatélie sur le même sujet ! 

La voici :

  Du coup, j'illustre ce qui avait été déjà remarqué à l'époque au niveau de la légende supérieure :


  En coupant sur l'image de gauche une partie de cette légende, et en la collant sur celle de droite, on voit bien qu'il est absolument impossible d'en faire correspondre les caractères tellement le format des timbres de ces carnets est plus petit ! 

Le décalage est flagrant, parfaitement visible à l'œil nu si l'on superpose deux timbres : un issu de carnet et un de feuille.

  Comme quoi, même les timbres courants ne manquent jamais d'intérêt, surtout qu'avec les moyens modernes dont nous disposons, il est facile de les étudier dans tous leurs détails !


dimanche 6 février 2022

Quand Raoul avait envie de Jeanne !

 

  C’est fin 1928, à l’initiative du maire d'Orléans qui souhaitait commémorer le 5ème centenaire de la délivrance de sa ville (8 mai 1429), que fut prise la décision de remplacer provisoirement pendant six mois notre chère Semeuse à 50 c. par une vignette bleue (comme l’on disait à l’époque) à l’effigie de Jeanne d’Arc - YT n°257.

Le timbre verra le jour au premier trimestre de 1929, imprimé sous la forme de feuilles et de carnets.


  Nous avons eu la chance de mettre la main sur une archive exceptionnelle de la maison Pierre Virgile Chareyre, datant justement de la même époque. 

Cette entreprise ardéchoise de filatures et de soies artificielles est bien connue des carnétistes pour avoir obtenu de l’administration postale la fabrication des derniers carnets privés, peu de temps avant leur interdiction. Il s’agit des 2 jolis carnets suivants :

   La lecture d’un des courriers de cette archive nous a révélé que les charmes de la pucelle ardente ne laissaient pas indifférent Raoul De Lamonta, administrateur-directeur de la société. C’est lui qui va être chargé des négociations avec La Poste et Carlos Courmont, à l’origine de nombreux échanges de courriers.

Il se trouve que Raoul était philatéliste. Et bien informé ! Il avait à la fois apprécié l’originalité des carnets privés ayant secoué le petit monde des collectionneurs, et également appris les intentions d’émettre un tout nouveau timbre commémorant Jeanne d’Arc.

   Le 8 octobre 1928, il écrit donc au secrétariat des PTT pour se renseigner sur les conditions de l’édition « de luxe » d’un carnet de timbres « spécial pour notre société ».

Alors qu’on lui avait déjà proposé un tirage de 10 000 carnets de 10 timbres à 50 c. pour la somme de 62 000 francs, il demande s’il ne pourrait pas économiser un franc par carnet avec des timbres à 40 c. ou si une impression en taille-douce serait envisageable, et à quel prix.

Il termine sa lettre en disant qu’il a lu dans la presse « qu’il va être émis une vignette à 0.50 spéciale pour les fêtes de Jeanne d’Arc » et ne manquant vraiment pas de culot, va même jusqu’à en demander l’exclusivité pour ses carnets !

  Il va sans dire que l’administration ne lui a pas donné satisfaction sur ces derniers points, mais de nombreux autres échanges intéressants et assez rocambolesques vont avoir lieu par la suite, aboutissant à l’émission des 2 carnets que nous connaissons au type Semeuse.

Echanges que nous vous dévoilerons dans de futurs épisodes de cette véritable saga mouvementée.

   Jeanne d’Arc aura donc raté l’occasion de se retrouver dans ces spectaculaires carnets polychromes, et Raoul a finalement dû se contenter de leur format original avec 10 pubs et 10 vignettes vantant les produits de son entreprise, mais cela n’a pas été sans de multiples rebondissements… (à suivre !)

   Voici la lettre dont il est question :

N.B. il s’agit du double conservé par Raoul, obtenu à l’aide de papier carbone, mais en cliquant sur l'image ou en l'enregistrant pour zoomer d'avantage, vous devriez pouvoir la lire.