Si la plupart des philatélistes intéressés par cette période savent que le premier timbre au type Semeuse a été émis le 2 avril 1903, ceux qui connaissent sa vraie date de naissance sont moins nombreux.
Nous parlons de la Semeuse lignée d'une valeur faciale de 15 centimes, représentant alors le tarif de la lettre simple pour l'intérieur, dont la toute première date d'impression connue est le 26 mars 1903, en vert.
L'émission d'un nouveau timbre représentait à l'époque un évènement assez important, faisant couler beaucoup d'encre dans la presse, pas seulement philatélique, et notre Semeuse reçut son lot d'éloges et de critiques, plus ou moins justifiés. Sa longévité exceptionnelle démontrera que ses détracteurs avaient tort.
Il faut reconnaitre que le dessin d'Oscar Roty était fort réussi, et que sa présence sur les monnaies en circulation depuis déjà quelques années, l'avait rendue très populaire.
La décision du choix de cette effigie pour le nouveau timbre fut prise par le ministre du commerce Georges Trouillot, par un arrêté du 16 octobre 1902. Sa gestation fut donc de 5 mois et 10 jours.
Le ministre était aussi poète ! |
Mouchon s'est donc mis au travail pendant 2 mois, et nous savons qu'il prit pour modèle un plâtre confectionné par son ami Roty, aujourd'hui conservé au musée de Jargeau dans le Loiret. Celui-ci portait déjà la faciale de 15 c. mais, étant donné que l'administration prévoyait l'émission d'une série de plusieurs timbres portant les différentes valeurs nécessaires à l'affranchissement, il dut réaliser un poinçon sans valeur faciale, comme c'était l'habitude en pareil cas. Ce poinçon que nous connaissons est précieusement conservé au Musée de la Poste à Paris.
Monsieur de Lizeray, cet illustre philatéliste, fut longtemps passionné par les
timbres d’usage courant, et les a étudiés durant de nombreuses années. Il a surtout
eu l’intelligence de publier une multitude d’articles et d’ouvrages à partir des
années 1950 jusqu’à son décès en 1983.
Ses recherches, son analyse particulièrement
rigoureuse, ses dessins et ses découvertes ont laissé une trace indélébile dans
la mémoire des collectionneurs de l’époque qui lui doivent une fière chandelle,
et dont je fais partie. Sans lui, la philatélie aurait été bien triste, et il
est certain qu’il fut à l’origine de très nombreuses vocations.
Je crois pouvoir affirmer que les timbres au type
Semeuse étaient ses préférés. Il a su les disséquer, les trier, nous les faire
aimer, et a réussi à les hausser au même niveau - ou presque - que les timbres
classiques qui monopolisaient jusqu’alors les publications dans la presse
philatélique.
Afin de remonter jusqu’à leurs sources, cet
explorateur a publié en 1955-56 deux ouvrages remarquables consacrés aux
poinçons « Semeuses » du Musée Postal, qui restent une référence pour
tous ceux qui consacrent encore aujourd’hui un peu de leur temps à cette série
de timbres.
Il les analyse en partant du plus ancien qu’il baptise
l’ancêtre. Chacun est décrit dans ses moindres détails, chronologiquement
d’abord, puis il les numérote par ordre de valeur faciale croissante. Il en
dénombre 46, mais son deuxième volume prend fin prématurément avec l’étude des 15 et 20
centimes, et avec leurs mystères. J’ignore pourquoi il n’a pu aller jusqu’au bout
(en tout cas il ne l’a pas publié), mais c’est fort regrettable.
Je ne résiste pas au plaisir de vous citer un passage
dans lequel transparait son émotion de se retrouver face à ces petits objets
métalliques qui ont donné naissance à nos timbres préférés, certains gravés de
la main même d’Eugène Mouchon :
Tous les poinçons conservés au Musée sont
rassemblés dans une pièce dont l’accès est interdit au public. Il ne nous a
donc pas été donné d’y pénétrer. Nous savons seulement que les outils y sont
logés dans un meuble muni de tiroirs très plats sur le fond desquels ils
reposent.
Il regrette de ne pas avoir obtenu l’autorisation de pouvoir
les photographier, mais ses descriptions sont si précises qu’on les visualise malgré
tout assez bien.
Jean Storch et Robert Françon, quelques décennies plus
tard, auront le loisir de le faire afin d’illustrer leurs nombreuses études sur
la Semeuse, mais les images sont hélas d’un assez petit format, et en noir
& blanc.
Cet ancêtre sera par la suite reproduit dans quelques articles, puis sur le site internet du musée, où l’on peut enfin en admirer toute la finesse et la splendeur. Notre masque de Toutânkhamon à nous !
Ce qu’il n’imaginait pas, et qui ne lui a pas été dévoilé à l’époque, c’est que le musée actuel conserve en réalité non pas 46 mais 52 de ces outils. Quelle bonne nouvelle : six merveilles de plus !
Et que cet ancêtre lui avait caché son père,
et son grand-père !…
Remercions à
présent comme elles le méritent Mesdames Monika Nowacka, Emma Cas et Marthe Bobik qui ont en charge ce patrimoine extraordinaire du musée de la Poste, et qui nous ont permis de le faire
photographier par un professionnel, à notre intention et en exclusivité. Nous aurons
donc le plaisir de vous faire découvrir et partager ce que personne auparavant
n’avait eu l’occasion d’admirer.
*****
"Premier type gravé sur laiton d'après gravure sur bois" |
Les résidus d'encre noire, et le rendu de la photo ne mettent pas en valeur l'extrême finesse de son dessin, et l'impression saisissante de relief voulue et obtenue par l'artiste, mais impossible à reproduire sur les timbres.
1 commentaire:
Bonjour,
Merci pour le partage.
Il n'est pas impossible qu'il y ait d'autres trésors cachés, le top serai de retrouver le cahier des machines disparu entre 1939 et 1945.
Amicalement, Jean-Luc
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