Si vous allez skier ou vous promener cette saison du côté de Serre Chevalier, prévoyez des chaines pour la voiture, car les routes y ressemblent souvent à ça...
...et le col du Lautaret sera probablement fermé !
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On savait notre Semeuse intrépide et baroudeuse, toujours prête à s'élancer aux quatre coins du monde, quitte à employer tous les moyens mis à la disposition du courrier.
Rien ne l'a jamais effrayée : ni les longues et périlleuses traversées maritimes, ni les premiers raids aériens, ni les traversées du désert en autochenilles ! Elle a même essayé un court trajet en fusée en 1938... Dommage que les américains se soient lancés les premiers à la conquête de la lune, sinon elle aurait été du voyage, c'est sûr !...
On sait aussi que les explorateurs de l'époque, lorsqu'ils organisaient leurs aventures et grandes expéditions, emmenaient presque toujours du courrier avec eux. Que ce soit pour inaugurer un service postal innovant dans sa rapidité, dans son parcours, ou bien pour faire plaisir aux philatélistes, il est rare de ne pas trouver dans leurs bagages une lettre, une carte postale affranchie avec notre timbre préféré.
Vous connaissez certainement Paul-Emile Victor. Ses initiales P.E.V. sont restées gravées dans les mémoires et dans les glaces du Groenland, où il a vaillamment porté le drapeau français dès 1934.
Je viens d'apprendre qu'il se nommait en réalité Paul-Eugène ! C'est vrai que ça sonne moins bien...
Amoureux des Alpes, le voici (à droite) au col de Montgenèvre en train de préparer une de leurs expéditions, avec son ami et coéquipier le géologue Michel Pérez :
A force de fréquenter les villages isolés de montagne, il a dû se rendre compte de l'importance que prenait l'hiver la distribution du courrier et le passage du facteur pour ces habitants, qui se retrouvaient facilement démunis et coupés de tout lors des fortes chutes de neige.
Comme lui et ses chiens étaient les seuls à pouvoir se déplacer assez rapidement dans ces conditions, une idée lui est venue : prouver que les chiens de traîneaux pouvaient être utiles à la population, même ailleurs qu'au pôle Nord.
Le 26 janvier 1938, ces deux hommes, forts
de leur expérience au Groenland, réalisent la première liaison postale alpestre
en traîneau à chiens, avec l’autorisation spéciale du ministère des PTT.
Le départ s’effectue à 8 h 30 sous le contrôle du receveur
des postes de Briançon. Un traîneau spécialement mis au point par eux et tiré
par sept chiens groenlandais va permettre ce transport expérimental Le Monêtier-les-Bains
- La Grave et retour, en passant par le col du Lautaret.
Un sac postal est emporté pour La Grave, où un autre sac
leur sera remis pour le retour vers Monêtier-les-Bains. Michel Perez et
Paul-Émile Victor avaient réalisé 12 entiers postaux pour témoigner de cette
performance postale.
En plus du sac postal, les deux hommes emportent du matériel
de réparation et de secours, des vivres et des vêtements ainsi que deux paires
de skis avec bâtons. C’est une charge d’environ 90 kilos, traîneau compris, qui
va parcourir 60 kilomètres.
Au cours du parcours qui aura duré moins de 8 heures, Michel Perez et Paul-Émile Victor se
sont relayés pour marcher à côté du traîneau, l’autre étant toujours assis sur
le traîneau.
Même s'ils sont anecdotiques (et au type Paix), ces entiers m'ont toujours attiré du fait de leur rareté et surtout leur originalité ! Ils ont officiellement circulé, et ne sont pas que philatéliques.
En plus, comme le tarif de la carte postale pour l'intérieur était de 55 centimes, il y toujours une Semeuse à 15 c. YT 189 collée dessus (sinon, je ne vous en aurais jamais parlé) :
Pour la plupart ils se les sont adressés à eux-mêmes
en Poste restante, vers La Grave puis Le Monêtier au retour.
Sur certains, les 2 explorateurs ont apposé leurs signatures,
comme celui-ci réadressé le soir-même de Briançon vers Paris :
Ils y ont même corrigé à la main les horaires des cachets d'arrivée :
12 h. 20 à La Grave, et 17 h. 30 au Monêtier !
Sur celui-ci figure un cachet frappé avec un tampon fabriqué pour l'occasion :
Au dos de celui-ci, tous les cachets du parcours, authentifiant l'exploit réalisé :
En voici donc 4 sur les 12, mais j'aimerais bien voir les huit autres un jour.
Ils ont certainement été tous bien conservés (par le froid !...)
Si vous en voyez passer un, MERCI de me le signaler !
On connait cette lettre, hélas sans Semeuse :
À l’issue de cette liaison postale rapide d’hiver, Perez et
Victor sont persuadés qu’un traîneau à chiens conduit par
n’importe quel temps et quelles que soient les conditions d’enneigement, peut rendre
des services analogues dans toutes les Alpes « assurant le service postal
comme également le ravitaillement des postes de montagne, et le transport des
blessés ».
Cette belle histoire reste assez peu connue, sauf de quelques philatélistes. Elle aurait pourtant pu être bien plus utile aux Français vivant en montagne que les expéditions arctiques dont elle n'a pas le prestige. A croire que l'automobile est vite venue au secours de ces régions enneigées...
Les chiens peuvent dorénavant se reposer sur leurs deux oreilles !
La presse en a tout de même un peu parlé :
"Paris Soir" du 28 janvier 1938
Les deux amis relieront même un peu plus tard Nice à Chamonix, de la même façon !
Plus de 35 ans après cette liaison postale historique, en
1975, Paul-Émile Victor affirmait :
« Aujourd’hui encore, lorsque le Lautaret est fermé, il faut
souvent deux jours au courrier pour faire le même trajet. »
Merci aux sites internet, et aux propriétaires de ces entiers
qui m'ont permis de vous conter cette aventure
extra ordinaire !
N.B.
c'est à Bora Bora que P.E.V. avait choisi de finir sa vie,
ce qui fait un lien avec mon article précédent.
c'est à Bora Bora que P.E.V. avait choisi de finir sa vie,
ce qui fait un lien avec mon article précédent.
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