Je suis certain que tout philatéliste qui se respecte y a eu droit un jour ou l'autre, surtout s'il a pris le risque de parler de sa passion avec des non initiés.
Au bout d'un moment, vient inévitablement dans la conversation la question piège,
THE QUESTION :
"C'est quoi le timbre le plus rare de ta collection ?"
Par définition, il ne peut y avoir plus rare qu'une pièce unique, et pourtant les collectionneurs qui en possèdent une dans leurs albums sont assez nombreux !
Que ce soit une variété particulièrement spectaculaire, une lettre avec une destination extraordinaire, ou une date improbable. Encore faut-il s'être lancé dans une collection spécialisée.
Il parait-même (c'est ce qui se raconte) qu'un richissime timbré était parvenu dans le temps à acheter les deux seuls exemplaires connus d'un timbre exceptionnel, et qu'il en a volontairement détruit un des deux en y mettant le feu, afin d'être certain de devenir le seul à posséder LA pièce unique !
Je n'en suis pas encore là, heureusement !... Mais si on me demandait encore aujourd'hui, après 45 ans de collection, quelle est LA Semeuse la plus rare, j'aurais du mal à être formel.
Cherchons parmi les plus chers :
Le 15 c. vert ligné de Cilicie surchargé POSTE PAR AVION est rarissime, mais sa raison d'être est un peu trop tirée par les cheveux pour en faire notre favori.
Le même 15 c. des roulettes au type VI est longtemps resté sur le podium en neuf , mais on en trouve assez facilement ces dernières années dans les ventes. Souvent décollés de leur support...
Le 30 c. orange pré-oblitéré POSTE FRANCE 1921 en bon état est assez exceptionnel, c'est vrai.
Il existe semble t'il un non émis de cette surcharge, sur le 30 c. rouge, encore plus rare, et qui serait un bon prétendant à la première position, mais c'est un non émis !
Le filigrane AUSSEDAT, dont nous avons déjà parlé, est sans aucun doute des plus rares, surtout pour le 5 c. vert (une pièce connue), mais c'est le papier qui en fait la rareté... Et en plus, il semblerait exister aussi pour le 15 c. vert ligné ! Ça c'est certainement la plus rare de toutes : mais hélas jamais vue, une chimère !
Un Minéraline ou un 1 f. 40 rose au tarif sur lettre ou carte postale, non philatélique, ça ce serait une chouette réponse à notre question ! Si ça existait...
C'est vrai que ça, c'est franchement beau...
...mais il y en a quatre, alors que nous, on n'en veut qu'une !
*****
Alors, j'ai choisi comme gagnante une Semeuse surchargée ALGERIE.
Cela vous étonne ?
Lisez donc plutôt ce qui suit.
Le 60 c. violet ligné est un timbre courant, imprimé en feuilles rotatives de 100, et surchargé pour servir de l'autre coté de la Méditerranée.
On en trouve même des feuilles entières, comme ces deux-là :
Elles ont la particularité d'avoir été imprimée le même jour,
et lors du même tour de cylindre, ce qui est rarement rencontré !
Leurs numéros situés en bas à gauche se suivent.
Joli, non ?
Normalement toute une feuille, donc 100 timbres, ont dû naître ainsi malformés.
Mais ce qui fait tout leur charme, c'est qu'au lieu de se retrouver dans les pinces des philatélistes de l'époque, ils ont été livrés aux guichets, en Algérie, comme si de rien n'était, et qu'ils furent donc utilisés sur le courrier local.
Ce qui leur a donné une légitimité indiscutable.
On en connait très peu, parvenus jusqu'à nous, et toujours oblitérés. Moins de 7 selon certains spécialistes... Et aucun de neuf.
Mais les spécialistes peuvent se tromper, et peut-être en découvrira t'on un neuf un jour, à moins qu'ils n'aient été détruits, qui sait ?
Il est en effet assez étonnant que cette variété soit si rare, s'il en a vraiment été vendu 100.
Possible que le guichetier se soit rendu compte de l'erreur, et que seuls quelques uns aient été vendus avant que le reste ne soit retiré de la vente.
Nul ne le sait !
Voici ceux que j'ai vu passer en vente, au fil des 3 ou 4 dernières décennies, en espérant qu'ils soient tous authentiques :
On devine petit à petit la ville sur le cachet oblitérant, toujours la même,
ce qui prouve bien qu'un seul guichet avait été ainsi approvisionné...
CHA..
CHE..
La position de la surcharge varie en hauteur de quelques dixièmes de millimètre, ce qui est tout à fait normal et souvent rencontré, comme sur les feuilles dont la surcharge est à l'endroit.
CHEV...
Wikipedia nous apprend que la ville se nomme de nos jours Béni Aziz
ou Ben Aziz.
Fondée en 1898 à l'époque de la colonisation française, elle a été
nommée Chevreul en l'honneur du chimiste français Michel-Eugène Chevreul. Elle
s'est ensuite nommée Arbaoun jusqu'en 1984.
Au passage, on note l'année d'utilisation : au début de 1925.
Ce dernier exemplaire était jusqu'en 2011 attaché à un voisin !
Incroyable !
C'est bien le même !
C'est bien le même !
La voici notre semeuse la plus rare : c'était sans aucun doute cette paire,
UNIQUE
sauf qu'un inconscient (pour être poli)
a eu la fâcheuse idée de la couper en deux : funeste sacrilège !
La paire n'ayant jamais trouvé preneur, elle a été sacrifiée...
(je l'ai connue à Philexfrance en 1999, proposée à 40000 francs).
Cela nous en fait déjà 12 !
Et de 13 puisqu'on connait aussi ce fragment, magnifique !
Ces petites merveilles ont donc été égrenées une par une durant plus d'un mois dans un tout petit bureau de poste Algérien. Toutes ont parfaitement rempli leur mission d'affranchissement. Même là-bas, quelques unes sur les 100 ont fini par être repérées, et heureusement conservées pour de rares amateurs !
Mais voici pour finir la plus belle et la plus rare, vainqueur par K.O. de notre petit jeu de ce soir :
AND THE WINNER IS...
Médaille d'or incontestée, attribuée par un jury composé de moi-même.
Et de 14, pas une de plus !
Et de 14, pas une de plus !
Si elle n'existait pas, l'authenticité de ces jolies variétés resterait douteuse.
Superbe preuve que ces timbres surchargés à l'envers ont bien été utilisés,
loin de toutes les tentations des philatélistes de la métropole !
Elle porte en plus au dos un cachet d'arrivée.
Elle porte en plus au dos un cachet d'arrivée.
Recommandée. Au bon tarif.
Presque trop belle !
Signée A. Brun.
Presque trop belle !
Signée A. Brun.
Une merveille !
*****
Il paraît qu'il en existe une autre, mais je doute...
Peut-être fait-on référence à celle-ci ?
On voit ici que le bloc de 4, s'il est authentique
(ce dont je doute également),
ne provient pas de la même feuille, puisque la surcharge est à cheval,
et pas du tout au même endroit !
Elle est oblitérée d'Alger et non plus de Chevreul. En 1926 semble t'il...
Tarif bidon. Oblitération douteuse elle aussi.
Tout comme ces exemplaires neufs :
L’appât du gain étant ce qu'il est, je penche pour une fausse surcharge,
mais sinon ce serait elle LA Semeuse la plus rare !
Qu'en pensez-vous ?
L'exemplaire avec bord de feuille a certes été proposé par une maison de vente très respectable, mais je me méfie trop des surcharges pour les croire authentiques ces 6 derniers, même si je peux me tromper !
Je m'en méfie d'ailleurs tellement, que je n'ai JAMAIS osé acheter une de ces superbes variétés, dont les prix ont varié au fil des ans entre 1500 et 2600 euros. Souvent, elles sont restées invendues, preuve qu'il n'y a pas que moi qui hésite, car leur rareté justifie totalement ces prix-là.
Je ne regrette que la paire, mais à l'époque il me fallait plusieurs mois
pour gagner 40000 francs !
Maintenant, c'est fichu : il n'en existe plus aucune !
En revanche, la lettre, j'en rêve encore parfois. Elle était si jolie !
Elle non plus n'a pas trouvé preneur, à 9000 euros...
Prions pour que jamais aucun malotru n'ait l'idée impardonnable
d'en décoller le timbre afin de pouvoir le vendre plus facilement...
1 commentaire:
" Le même 15 c. des roulettes au type VI est longtemps resté sur le podium en neuf , mais on en trouve assez facilement ces dernières années dans les ventes. Souvent décollés de leur support..."
Quelle massacre, mais un neuf sans gomme doit mieux ce vendre qu'une carte postale affranchis mais non utilisée.
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