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jeudi 25 décembre 2025

Marseille, c'est bô !

 


  Surtout vu de là ! Si vous ne connaissez pas : ça vaut le coup d'y monter, je vous assure. La cathédrale qui nous protège, notre bonne mère, jouit de la meilleure vue qui soit, et sans utiliser de jumelles, vous ne verrez pas les vilains côtés de la ville, ni les cons qui la peuplent. Mais y'en a !

Les marins et les pêcheurs, depuis toujours viennent s'y recueillir, allumer un cierge, ou apporter une offrande pour s'assurer la protection de Marie, ou pour la remercier. Vous y verrez quantité d'ex-voto sous la forme de maquettes de bateaux, étonnamment suspendues sous les voutes. La Méditerranée a souvent pris hélas la vie de navigateurs marseillais, et leurs familles restent très attachées à ces traditions.

  En 1909, un tragique accident a été évité de justesse : une collision survint entre deux navires, l'un arrivant d'Algérie, et l'autre quittant le port, juste devant ces magnifiques îles du Frioul qui en furent le témoin. 

La plus petite au premier plan et au curieux nom d'If, était devenue célèbre bien auparavant grâce à Alexandre Dumas, son Edmond Dantès comte de Monte Cristo, et à son château vieux de plusieurs siècles, dû à François 1er qui avait compris que sa position stratégique était primordiale pour la défense de la ville.


    Voici ce qui s'est déroulé dans la nuit du 27 février, relaté dans la presse dès le lendemain (cliquez S.V.P. sur l'image) :


R.I.P. Monsieur Azoulay


       Voici le départ d'un précédent voyage vers Alger, devant l'autre cathédrale, dite La Major


Le choc fut violent et les dégâts sérieux, mais comme vous l'avez lu, le capitaine a su mener son navire jusque dans le bassin de la Joliette où il s'est échoué, pratiquement au même endroit que sur cette photo. Toute la ville en sera émue, même si l'on ne déplora qu'une seule victime. 

C'est tout de même un sacré manque de chance que d'avoir survécu au choc pour finalement se noyer une fois arrivé à bon port, et dans quelques mètres d'eau !

 Juste là :

 

Vous retrouvez La Major, juste en face du lieu de l'échouement, photographié ici lors du renflouement. Le bassin n'étant pas profond.


Alors que l'autre navire flottait toujours, lui :

   Comme lors d'un accrochage en voiture de nos jours, aucun des deux capitaines ne voulut reconnaître le moindre tort, oubliant le principe de base qui dit que si tout le monde avait tout bien fait comme il faut, ils ne se seraient jamais croisés d'aussi près !

Rendons hommage à ce jeune François Vincenzi !

Et au capitaine Cazalis :

(je n'ai pas retrouvé la version de l'autre capitaine)

En revanche voici les lieux du drame, en couleurs, et de nos jours :


Mais toujours pas la moindre Semeuse, me direz vous !

En voici déjà 2, simples témoins de la sortie de l'eau du bateau sinistré :


  Entre temps, dans les heures qui ont immédiatement suivi le naufrage, vous avez pu lire dans le premier article de presse que les scaphandriers ont non seulement découvert le corps du malchanceux noyé, mais qu'ils ont aussi pu récupérer les sacs de courriers embarqués à Alger le 26 février.

  C'est donc là que je voulais en venir, vous l'avez deviné. 
De nombreuses correspondances ont été englouties, et même si cela n'a duré que quelques heures, certaines ont été perdues et d'autres heureusement sauvées, plus ou moins endommagées comme vous pouvez l'imaginer.

On ignore la quantité de lettres inondées que La Poste a ensuite pu acheminer, mais elles ont toutes logiquement séduit les philatélistes, et on en voit régulièrement passer en vente de nos jours.

  Pour expliquer l'état de certaines qui avaient perdu leurs timbres décollés, ou qui étaient vraiment peu présentables, plusieurs griffes furent utilisées pour apposer à l'encre, sur deux lignes, avec ou sans guillemets : NAUFRAGE DE LA VILLE D'ALGER. Je vous laisse les découvrir.


(Gaston Tournier - Annales des Postes Télégraphes et Téléphones -1932)

Voici la lettre qui est à l'origine de mon article de Noël :

Avec ma Semeuse préférée bien accrochée.

Partie de Rouïba puis Alger le 25 février, submergée dans la nuit du 27, puis repêchée le 28 à la Joliette

Et arrivée malgré tout à Paris le 2 mars !

Puis revenue à Marseille dans ma collection.

Un courrier recommandé (on n'en voit pas si souvent que ça) au recto duquel on devine la trace d'un timbre décollé et perdu, là où figure précisément la griffe. Ce fut certainement une Semeuse à 10 c. rouge, qui venait compléter le tarif à 35 c. et qui est depuis portée disparue au fond du bassin de la Joliette. Une deuxième victime : R.I.P. mon cher 138 !

Adressé à Mr Gerbaulet qui vendait et réparait visiblement des bébés auxquels il mettait des perruques :


C'était un beau pays aussi, la France de 1909 !



vendredi 12 décembre 2025

Fêter comme il se doit le seuil des 200 000 pages


 Le mystère s’éclaircit enfin !

    Un complément d’information s’impose pour faire suite à un de mes articles datant du 9 mars 2022, publié ici même, et intitulé « Mais de quand datent donc ces jolies feuilles ? ».  Cela concerne les fameux carnets du 10 c. rouge Semeuse au type II, connus pour leur petit format unique et leurs feuilles d’impression de 144 timbres si originales.

   C’est grâce au Musée de la Poste que je peux aujourd’hui répondre enfin à la question initiale, et affirmer que 1912 est bien l’année de naissance de ce timbre. Il n’y avait déjà pour moi plus aucun argument en faveur de 1914 puisque la date du 31 mars citée par erreur par mes illustres prédécesseurs, n’a en réalité jamais existé, ni été vue depuis. Mais il me fallait encore apporter des arguments irréfutables pour conclure en faveur de 1912.

Mes trouvailles :

   En 2023, le Musée avait contacté quelques amis collectionneurs et membres de l’A.C.C.P. afin de préparer une remarquable exposition sur les carnets. Celle-ci débuta au début de l’année suivante, et vient de se terminer. Dans une des vitrines, trônait en majesté une pièce unique appartenant à notre patrimoine national : un des premiers essais de carnet au petit format, ayant la particularité d’être mixte. En effet, il renferme et protège (agrafés entre deux couvertures cartonnées roses) 7 feuillets de 6 timbres au type Semeuse : au total 24 verts à 5 c. et 18 rouges à 10 c. pour une valeur de 3 francs. Ce carnet est bien connu, car décrit depuis des décennies par tous les grands philatélistes ou experts qui l’ont approché, tenu dans leurs mains, et même signé. Mais il n’a pas été correctement photographié. Et surtout finalement assez mal étudié, à tort !

Il faut dire qu’il est délicat à manipuler, qu’il ne sort pas souvent de sa tanière, et qu’il serait dommage de l’endommager pour en obtenir de belles images. Du coup, je me suis contenté d’une simple photo de la vitrine en question, qu’un ami a bien voulu me faire parvenir, et que voici :


(la présentation a nécessité la présence d'une photographie montrant un feuillet rouge)

   Et c’est là qu’un détail me saute immédiatement aux yeux ! J’ai même failli me précipiter dans un T.G.V. pour aller vérifier de visu. Le feuillet vert présente au niveau de sa seule marge restante, sur la gauche, la particularité de ne pas avoir la fameuse perforation horizontale qui dépasse habituellement, dont je vous avais longuement parlé dans mon précédent article. Première trouvaille.

PERSONNE ne s’en était JAMAIS aperçu ni inquiété !

Alors que c’est pourtant une caractéristique extraordinaire, absolument remarquable, et fort instructive comme nous allons le voir. Aucune autre Semeuse verte à 5 c. n’a jamais été vue perforée ainsi ! Et cela pouvait tout à fait nous mettre sur la piste d’un nouveau type de ce timbre. Hélas, la définition de la photo n’était pas suffisante. Je ne tenais plus en place. Il me fallait absolument aller le vérifier avec une loupe en demandant à ce qu’on m’ouvre cette vitrine, mais vous pensez bien que je n’ai pas osé. Par souci de  sécurité, je risquais de devoir attendre la fin de l’exposition.    Heureusement qu’en la personne de Madame NOWACKA, j’avais pu rencontrer afin de participer à son exposition, une responsable du patrimoine fort sympathique. Cela a pris quelques mois (vous imaginez mon impatience) mais j’ai pu obtenir une image d’excellente qualité du premier feuillet. La voici :


Petite déception pour moi : il ne s’agit pas hélas d’un nouveau type dont j’aurais trop aimé être le découvreur, mais bel et bien du type IA, celui des feuilles de 150 timbres. Mais cela me permet tout de même de corriger une erreur de Messieurs Storch et Françon qui l’avaient donné pour un type II (celui des carnets émis) dans une publication de 1980. Une seconde trouvaille, 45 ans plus tard, dont je ne suis pas peu fier !

   Du coup, l’appétit venant en mangeant, j’aurais bien aimé vérifier également le reste du carnet :

-         - les 4 feuillets verts sont-ils tous bien identiques : sans perforation, et au type IA ?

-         - les timbres rouges sont-ils bien au type IA comme l’affirmaient ces deux grands spécialistes, et non au type II comme l’on aurait pu s’y attendre ?

-          - ou bien s’agit-il d’une malencontreuse inversion des deux types dans leur texte ?

-          - qu’en est-il de la désormais célèbre perforation au niveau de la marge des 3 feuillets rouges ?

Il m’a fallu cette fois-ci négocier, car obtenir une excellente image numérique des autres feuillets revenait à écarteler ce prestigieux mais logiquement devenu vieux et fragile carnet. Chose qui s’avérait bien entendu inenvisageable.

   Ma patience a tout de même été récompensée après avoir été mise à rude épreuve, car il m’a fallu attendre la fin de l’exposition pour en recevoir de très jolies photographies. D’où cet article en ce jeudi 11 décembre 2025, une date qui restera j’espère dans les annales de la philatélie (je plaisante).

   Je peux donc à présent vous certifier que les 4 feuillets verts sont identiques entre eux, ainsi que les 3 rouges, et vous faire profiter d’une image confirmant le type IA des timbres rouges à 10 c.


J’espère que votre regard, comme le mien, s’est immédiatement dirigé vers la marge : pas de perforation ici non plus !

Aucun autre cas semblable n’est connu pour cette valeur au type IA !  C’est une caractéristique qui est connue, certes, mais uniquement pour les timbres au type II. Magnifique troisième et dernière trouvaille.

Au passage, je vous confirme qu’aucun des 7 feuillets n’est imprimé sur papier avec gomme dite X.

 

La datation :

On sait depuis longtemps que ce carnet d’essai a été imprimé à la fin de 1911, puisqu’un courrier officiel conservé au Musée et daté du 22 décembre 1911, en témoigne sans aucune contestation possible :

Il s’agit du 4ème de la liste qui est coché, avec la mention « seul reçu » dans la marge 

 

Récapitulons ce que nous savions déjà, ou avons appris aujourd’hui, et qui ne laisse pas sa place au doute :

-     - les timbres verts comme rouges de ce carnet d’essai sont aux mêmes types que ceux des feuilles de même faciale qui étaient alors imprimées et mises en circulation depuis 1907

 les feuilles étaient à cette époque là toutes imprimées puis gommées, puis perforées en 3 étapes successives, contrairement aux carnets finalement émis, qui ont inauguré une impression sur du papier gommé X

 l’atelier ne parle de ses essais sur du papier gommé qu’en avril 1912

 l’absence de perforation dans la marge gauche des 7 feuillets prouve que le peigne qui a perforé les feuilles destinées à ce carnet (peut-être une seule feuille de chaque couleur, très probablement de 150 timbres) est d’un nouveau modèle, jamais utilisé auparavant. Modèle qui servira à perforer les feuilles de 144 des futurs carnets

-       - de la même façon que nous avions démontré en 2022 que l’ancien peigne pouvait tout à fait perforer les feuilles de 144 au prix de la déperdition d’un  tiers des timbres, l’inverse est également possible : le nouveau peigne a donc bel et bien perforé les feuilles de 150 utilisées pour ces essais de l’atelier

 j'avais en effet montré qu’il existe à l’inverse de rares carnets d’essais confectionnés à la même époque avec des vignettes, et même un peu plus tard quelques carnets du 10 c. rouge au type II mis en circulation, comportant eux la fameuse perforation débordant dans la marge, ce qui veut dire que quelques feuilles de 144 ont été (exceptionnellement) perforées avec l’ancien modèle de peigne

- d’autres carnets d’essai mixtes ont existé (ils sont décrits dans le courrier montré) mais ils ont aujourd’hui hélas disparu. Ils devaient certainement contenir des feuillets similaires à ceux que je vous montre aujourd’hui, ainsi que d’autres de 6 timbres bleus à 25 c.

 -   pour ses essais, l’atelier a donc utilisé des feuilles de 150 de ces 3 valeurs en cours fin 1911 pour tester un nouveau peigne lui permettant d’obtenir les feuillets de 6 timbres nécessaires à la confection des petits carnets

 

    Il est évident qu’à la suite de ces essais de carnet mixte dont le format choisi a donné satisfaction, la décision fut prise de n’y placer finalement que 30 timbres rouges à 10 centimes pour une même valeur de 3 francs. L’atelier a forcément dû alors imaginer également un nouveau format de feuilles permettant d’obtenir plus facilement des blocs de 6 timbres. Ce seront les célèbres feuilles de 144 timbres avec leur composition extraordinaire. D’où la nécessité d’un nouveau matériel d’impression, et donc la création préalable du poinçon que je vous ai montré.

Tout ceci a pris du temps, oui, mais certainement pas 2 ans !

   On voit bien avec les carnets déjà décrits parvenus jusqu’à nous avec différentes formes que seul un œil averti parvient à distinguer, que l’atelier effectuait des essais préparatoires avant d’adopter un modèle définitif, comme c’était son habitude. 

Pendant quelques semaines fin 1911 – début 1912, l’atelier a donc dû :

-       -  fabriquer un nouveau peigne, qu’il a fallu adapter aux machines déjà en service pour la perforation

puis l’essayer sur quelques feuilles de 150 classiques aux types IA, afin d’obtenir en vitesse quelques feuillets de 6, dont ceux qui ont servi à confectionner les fameux carnets mixtes (leur date de naissance est certaine)

-   puis imaginer des feuilles de 144 timbres, permettant d’obtenir 24 feuillets de 6 sans aucun gaspillage, tout en respectant le format des feuilles habituelles pour ne pas trop perturber les habitudes

ce qui a nécessité la création du nouveau poinçon du 10 c. rouge au type II, et la fabrication d’une planche

-  en abandonnant l’idée des carnets mixtes, pour n’imprimer que les feuilles de 144 que nous connaissons

-  dont une infime partie fut curieusement perforée avec l’ancien peigne

afin de confectionner les carnets de 5 feuillets de 6 = 30 timbres soit 3 francs qui ne seront mis en vente que bien plus tard, ainsi que quelques feuilles restantes non découpées mises à la vente encore plus tard

 

L’utilisation concomitante des 2 modèles de peignes pour perforer les feuilles de 144 d’une part, et d’autre part l’existence que nous venons de prouver de 2 modèles de feuilles perforées avec le même nouveau modèle de peigne, ne peuvent que renforcer notre conviction !


Je ne pense pas que le moindre doute puisse subsister :

C’est entre le 7 mars et le 1er avril 1912  (dates extrêmes connues à ce jour)

que les feuilles du 10 c. rouge Semeuse au type II ont été imprimées,

dans le but de confectionner les carnets de 30.

Ce qui coïncide parfaitement avec l’arrivée à l’atelier 

des nouvelles feuilles de papier gommé X.

******

   En cours de rédaction il m’est apparu une autre possibilité à laquelle je n’avais pas pensé jusque-là : les feuilles de 150 ainsi piochées dans la production en cours pour la réalisation de ces essais de petits carnets, pouvaient tout aussi bien être des feuilles destinées à la fabrication des roulettes ! Vertes, rouges ou bleues, elles étaient toutes aux type IA pareillement, ce dont l’atelier n’avait même pas connaissance d’ailleurs.

Leur composition, différente de celle des feuilles-vente (verticalement 2 panneaux de 5 x 15 timbres) une fois placée sous le nouveau peigne, pouvait également fournir à l’atelier des blocs de 6 absolument similaires à ceux du carnet mixte du Musée.

Avec une de ces feuilles pour roulettes et le nouveau peigne, on peut même obtenir 7 blocs de 6, alors que l’on ne peut en obtenir que 6 avec une feuille-vente (tous avec marge gauche non perforée).

 

Aura-t-on un jour le fin mot de l’histoire, et pourrons nous trancher entre ces deux éventualités ?

   Il va falloir examiner d’encore plus près les timbres du carnet du Musée, pour tenter de repérer une ou plusieurs des variétés de cases qui ont été identifiées sur les différentes feuilles de 150 qui sont plus faciles, elles, à examiner.

Ceci n’est pas une mince affaire, et va certainement nous occuper encore quelques heures !

Ce sera peut-être l’objet d’un prochain article…

Toutes vos observations sont les bienvenues.


 Avec nos plus vifs remerciements aux équipes du Musée de la Poste pour leur aide une fois de plus très appréciable, ainsi qu’à nos amis philatélistes correspondants qui se reconnaitront.

 Bibliographie : 

A. Maury : Le collectionneur de timbres-poste – juin 1914, avril 1916 et novembre 1918

A. Teissier : Carnets de timbres-poste de France et Colonies – Bulletin philatélique du midi – 1956

P. De Lizeray : Timbres de France - tome 3 – 1959

P. De Lizeray : L’écho de la timbrologie – septembre et octobre 1966

P. De Lizeray : Timbres et types, vol. IX – Monde des philatélistes – 1972

Dr Rykner : Documents Philatéliques n°84 – 1980

J. Storch et R. Françon : La philatélie française n°316 et 317 – 1980

J. Storch et R. Françon : Les timbres-poste au type Semeuse camée de 1907, volume 1 – 1981

G. Gomez : bulletin ACCP - 1996

R.V. Goudeau : Echo de la timbrologie – octobre 2003

L. Coutan et Patrick Reynaud : Carnets de France Volume 1 - Yvert et Tellier - 2005

P. Lejeune : site internet http://www.semeuses.com




samedi 15 novembre 2025

Cachet horodateur du bureau de la rue de Gram(m)ont

 

   J'étais persuadé d'en avoir déjà parlé ici, mais il semblerait que non, alors que ce cachet très original reste encore assez mystérieux, et rare. Peut-être qu'un de nos lecteurs nous apportera des précisions à son sujet ?

Pour moi, tout a commencé à la lecture d'un numéro de la revue Timbroscopie à l'été 1988, montrant un cachet mis à l'essai pendant quelques semaines fin 1907 - début 1908, et qui permettait de frapper non seulement la date mais également l'heure précise ! La trop grande fragilité de ce matériel fera vite renoncer à son utilisation.

On connait cependant des pneumatiques et des télégrammes sur lesquels il a bel et bien été apposé, à distance des timbres, dont un pneu magnifique affranchi avec une Semeuse 30 c. orange, qui était l'objet de cet article : 

14.01.1908

Et en 1991, Le Monde des philatélistes nous montre un autre pneu affranchi avec 3 Semeuses 10 c. rouge sur des porte-timbres, portant ce cachet :

18.12.1907

  Aussi, lorsque je suis tombé dans une vente sur cet entier postal revêtu de ce qui semble bien être un précurseur de ce cachet, je me suis empressé de l'acquérir. Et depuis, je cherche à en savoir plus.


Cachet SANS identification du bureau

13.12.1907 – 5 h. 54  PM  (17 h. 54) – Sur entier postal

Exceptionnellement apposé sur le timbre (probablement en tant que test)

C'est en effet bien le 13 décembre 1907 que le bureau de Paris 8 a testé une première machine qui s'est cassée dans l'heure d'après Maury, puis celle qui a donné les fameux cachets montrés aujourd'hui. Vous aurez remarqué l'absence de mention du bureau. Celle-ci n'apparaitra que quelques jours plus tard, la couronne n'ayant pas encore été gravée.

J'ai vu passer depuis un seul autre entier absolument similaire, avec le même cachet et à la même heure, mais sans aucune adresse. Le triangle à l'intérieur nous donne l'heure, et l'aiguille les minutes. Avec ici PM comme Post Meridiem = après-midi :


C'est ce qui me fait penser qu'il s'agissait de tests de fonctionnement de l'appareil, et qu'un philatéliste y a ensuite écrit l'adresse, déjà rencontrée sur d'autres courriers "curieux". Le bureau s'est servi de ces entiers pour voir ce que donnait l'impression du cachet, mais il n'a jamais été destiné à l'oblitération !

  Plusieurs collectionneurs m'ont permis de me documenter grâce à plusieurs parutions dans les "Feuilles marcophiles" n° 306 par Mr Delwaulle, puis Mr Narjoux dans le n°344, ainsi que Mr Barbelin dans le n°382. Mais c'est Maury le premier, dès 1907, qui parle et reproduit le modèle du bureau de la rue de Grammont dans son Histoire des timbres-poste français et dans Le collectionneur de timbres-poste. 

Il nous apprend même qu'un appareil semblable existait déjà en 1853 !


Il semble que la machine qui nous intéresse ici soit d'origine anglo-saxonne (d'où notre PM), et qu'elle fut initialement destinée à des hôtels, bien avant que l'administration française ne s'y intéresse. En effet, on connait quelques utilisations privées comme celles-ci (AM = matin) :


Riviera Palace Hôtel 23.01.1903 Monte Carlo 

Shepheard's Hotel 27.03.1904 Le Caire (Egypte)


Pera Palace Hotel 23.02.1905 Constantinople (Turquie)

Grand Hotel 06.06.1909 Göteborg (Suède) 


Mais revenons en France, au centre de Paris, pour voir les autres que nous avons pu croiser au fil de nos recherches. Avec (en français cette fois-ci) un M pour matin ou un S pour Soir, lettres qui manquent d'ailleurs parfois, preuve du peu de fiabilité de l'appareil :

17.12

Premier jour connu avec le nom du bureau

17.12

19.12

21.12

30.12

02.01

13.01

(13.01.1908 mal visible)


Sont également connues les dates suivantes : 
23, 24, 27 et 28 décembre 1907
3, 4, 7 et 11 janvier 1908 
Si vous en avez des images, ou bien d'autres dates, 
je suis volontiers preneur. Merci

La mention "EXPEDIÉ" que vous voyez en haut manque parfois elle aussi. 
Ou bien se trouve remplacée par "RECEPT." comme nous allons le voir plus loin.


   Si vous vous crevez les yeux comme moi sur l'horloge des 2 derniers exemples du 13.01 et sur le pneu du début du 14.01, vous pourrez voir qu'il existe un net décalage entre la graduation montrée par le triangle des heures et la minute montrée par l'aiguille, alors que ce n'était jamais le cas auparavant.
Ceci témoigne sans aucun doute pour moi, du dysfonctionnement rencontré qui fut à l'origine de l'abandon de ce projet pourtant assez novateur et moderne, mais pas assez fiable.

Le triangle montre 1 h. 45 ou 13 h. 45 alors que l'aiguille montre 28 minutes

"Foutue machine de MERDE !" a dû résonner dans le bureau !

Et l'appareil a alors fini dans un placard ce 14 janvier !


Autre chose amusante : deux télégrammes que j'ai pu dénicher, ont été envoyés par la Librairie Théâtrale les 2 et 13 janvier 1908 :


Librairie située comme par hasard rue de Gramont (ou Grammont ? le doute persiste), et qui se trouve être également à l'origine du premier pneumatique du 14 janvier montré en début d'article ! 
Etonnant, non ? 
J'aimerais tant pouvoir les réunir un jour...


    En attendant, j'ai trouvé une autre pièce étonnante : un pneumatique toujours, mais daté de 1923 :


Cachet Horloge d’essai SANS identification du bureau, apposé à l’arrivée
15.01.1923 – 8 h. 51  S  (20 h. 51)  
(oblitération Paris XVI / place Chopin à 07 h. 35 + au dos : cachet Paris 96 / rue Gluck)


Vous y apercevez la mention "RECEPT. " au-dessus de l'horloge.

N.B. L'aiguille des minutes est de forme différente.

Cette utilisation tardive, 15 ans après que le bureau de la rue de Gram(m)ont y ait renoncé, peut sembler douteuse aux yeux des puristes, mais je vois sur un plan que la rue Gluck n'est qu'à 5 ou 600 mètres de ladite rue. Il se peut tout à fait que le cachet précurseur ait été retrouvé oublié au fond d'un vieux tiroir, et qu'un postier astucieux ait voulu le réparer et le tester lui aussi...

Vos avis sont toujours les bienvenus !



mercredi 5 novembre 2025

Plus que beaux !

 

   Même si le titre renvoie à l'article précèdent qui n'avait rien à voir, il est parfaitement justifié.

Mieux que beau, la langue française nous propose comme qualificatif : magnifique, splendide, superbe, ou merveilleux, mais ce que vous allez voir est encore au-dessus de tout ça.

    Certes, vous n'aurez plus l'effet de surprise puisque je vous les ai déjà montrés, mais ces deux joyaux de notre patrimoine méritaient d'être encore mieux vus. Je vous avais d'ailleurs promis de meilleures images, mais la chose n'est pas aisée, et les obtenir nous a demandé pas mal de patience.

Vous aurez peut-être deviné qu'il s'agit à nouveau des poinçons du musée. 

De mes deux préférés plus exactement.

  Le premier est celui en buis dont nous avons découvert récemment l'existence, gravé à l'endroit et à un grand format de la main de Mouchon à la fin de 1902. Le tout premier travail du graveur pour donner en quelques mois naissance à notre Semeuse. 

Il s'avère particulièrement difficile à photographier, et malgré tous les efforts du professionnel du musée, ses reliefs restent peu visibles, et la finesse du travail difficile à apprécier sur ces nouvelles images inédites. Le bois imprégné d'encre noire est hélas responsable de cet état de fait :


Mais c'est tout de même la première fois qu'on le voit ainsi :

*****

   Le second est celui surnommé l'ancêtre, en laiton et au format du timbre, qui a servi de base pour toutes les futures Semeuses. 
Souvenez vous : je pensais que l'image avait été déformée en raison d'un défaut technique de parallaxe lors de la prise de vue, lui donnant cet aspect légèrement en forme de tonneau. Mais pas du tout, il a bel est bien été déformé, comme écrasé tellement il a servi. C'est assez incroyable, mais vrai ! 
Le voici sous toutes les coutures :

On peut le qualifier d'éblouissant, de véritablement coruscant !






J'espère que vous aurez le même plaisir que moi de pouvoir enfin l'admirer.

Ces images devront être utilisées avec la mention :

 © Musée de la Poste - Paris

MERCI de préciser également qu'elles proviennent de mon "blog".