Rechercher dans ce blog

Nombre total de pages vues

samedi 15 novembre 2025

Cachet horodateur du bureau de la rue de Gram(m)ont

 

   J'étais persuadé d'en avoir déjà parlé ici, mais il semblerait que non, alors que ce cachet très original reste encore assez mystérieux, et rare. Peut-être qu'un de nos lecteurs nous apportera des précisions à son sujet ?

Pour moi, tout à commencé à la lecture d'un numéro de la revue Timbroscopie à l'été 1988, montrant un cachet mis à l'essai pendant quelques semaines fin 1907 - début 1908, et qui permettait de frapper non seulement la date mais également l'heure précise ! La trop grande fragilité de ce matériel fera vite renoncer à son utilisation.

On connait cependant des pneumatiques et des télégrammes sur lesquels il a bel et bien été apposé, à distance des timbres, dont un pneu magnifique affranchi avec une Semeuse 30 c. orange, qui était l'objet de cet article : 

14.01.1908

Et en 1991, Le Monde des philatélistes nous montre un autre pneu affranchi avec 3 Semeuses 10 c. rouge sur des porte-timbres, portant ce cachet :

18.12.1907

  Aussi, lorsque je suis tombé dans une vente sur cet entier postal revêtu de ce qui semble bien être un précurseur de ce cachet, je me suis empressé de l'acquérir. Et depuis, je cherche à en savoir plus.


Cachet SANS identification du bureau

13.12.1907 – 5 h. 54  PM  (17 h. 54) – Sur entier postal

Exceptionnellement apposé sur le timbre (probablement en tant que test)

C'est en effet bien le 13 décembre 1907 que le bureau de Paris 8 a testé une première machine qui s'est cassée dans l'heure d'après Maury, puis celle qui a donné les fameux cachets montrés aujourd'hui. Vous aurez remarqué l'absence de mention du bureau. Celle-ci n'apparaitra que quelques jours plus tard, la couronne n'ayant pas encore été gravée.

J'ai vu passer depuis un seul autre entier absolument similaire, avec le même cachet et à la même heure, mais sans aucune adresse. Le triangle à l'intérieur nous donne l'heure, et l'aiguille les minutes. Avec ici PM comme Post Meridiem = après-midi :


C'est ce qui me fait penser qu'il s'agissait de tests de fonctionnement de l'appareil, et qu'un philatéliste y a ensuite écrit l'adresse, déjà rencontrée sur d'autres courriers "curieux". Le bureau s'est servi de ces entiers pour voir ce que donnait l'impression du cachet, mais il n'a jamais été destiné à l'oblitération !

  Plusieurs collectionneurs m'ont permis de me documenter grâce à plusieurs parutions dans les "Feuilles marcophiles" n° 306 par Mr Delwaulle, puis Mr Narjoux dans le n°344, ainsi que Mr Barbelin dans le n°382. Mais c'est Maury le premier, dès 1907, qui parle et reproduit le modèle du bureau de la rue de Grammont dans son Histoire des timbres-poste français et dans Le collectionneur de timbres-poste. 

Il nous apprend même qu'un appareil semblable existait déjà en 1853 !


Il semble que la machine qui nous intéresse ici soit d'origine anglo-saxonne (d'où notre PM), et qu'elle fut initialement destinée à des hôtels, bien avant que l'administration française ne s'y intéresse. En effet, on connait quelques utilisations privées comme celles-ci (AM = matin) :


Riviera Palace Hôtel 23.01.1903 Monte Carlo 

Shepheard's Hotel 27.03.1904 Le Caire (Egypte)


Pera Palace Hotel 23.02.1905 Constantinople (Turquie)

Grand Hotel 06.06.1909 Göteborg (Suède) 


Mais revenons en France, au centre de Paris, pour voir les autres que nous avons pu croiser au fil de nos recherches. Avec (en français cette fois-ci) un M pour matin ou un S pour Soir, lettres qui manquent d'ailleurs parfois, preuve du peu de fiabilité de l'appareil :

17.12

Premier jour connu avec le nom du bureau

17.12

19.12

21.12

30.12

02.01

13.01

(13.01.1908 mal visible)


Sont également connues les dates suivantes : 
23, 24, 27 et 28 décembre 1907
3, 4, 7 et 11 janvier 1908 
Si vous en avez des images, ou bien d'autres dates, 
je suis volontiers preneur. Merci

La mention "EXPEDIÉ" que vous voyez en haut manque parfois elle aussi. 
Ou bien se trouve remplacée par "RECEPT." comme nous allons le voir plus loin.


   Si vous vous crevez les yeux comme moi sur l'horloge des 2 derniers exemples du 13.01 et sur le pneu du début du 14.01, vous pourrez voir qu'il existe un net décalage entre la graduation montrée par le triangle des heures et la minute montrée par l'aiguille, alors que ce n'était jamais le cas auparavant.
Ceci témoigne sans aucun doute pour moi, du dysfonctionnement rencontré qui fut à l'origine de l'abandon de ce projet pourtant assez novateur et moderne, mais pas assez fiable.

Le triangle montre 1 h. 45 ou 13 h. 45 alors que l'aiguille montre 28 minutes

"Foutue machine de MERDE !" a dû résonner dans le bureau !

Et l'appareil a alors fini dans un placard ce 14 janvier !


Autre chose amusante : deux télégrammes que j'ai pu dénicher, ont été envoyés par la Librairie Théâtrale les 2 et 13 janvier 1908 :


Librairie située comme par hasard rue de Gramont (ou Grammont ? le doute persiste), et qui se trouve être également à l'origine du premier pneumatique du 14 janvier montré en début d'article ! 
Etonnant, non ? 
J'aimerais tant pouvoir les réunir un jour...


    En attendant, j'ai trouvé une autre pièce étonnante : un pneumatique toujours, mais daté de 1923 :


Cachet Horloge d’essai SANS identification du bureau, apposé à l’arrivée
15.01.1923 – 8 h. 51  S  (20 h. 51)  
(oblitération Paris XVI / place Chopin à 07 h. 35 + au dos : cachet Paris 96 / rue Gluck)


Vous y apercevez la mention "RECEPT. " au-dessus de l'horloge.

N.B. L'aiguille des minutes est de forme différente.

Cette utilisation tardive, 15 ans après que le bureau de la rue de Gram(m)ont y ait renoncé, peut sembler douteuse aux yeux des puristes, mais je vois sur un plan que la rue Gluck n'est qu'à 5 ou 600 mètres de ladite rue. Il se peut tout à fait que le cachet précurseur ait été retrouvé oublié au fond d'un vieux tiroir, et qu'un postier astucieux ait voulu le réparer et le tester lui aussi...

Vos avis sont toujours les bienvenus !



mercredi 5 novembre 2025

Plus que beaux !

 

   Même si le titre renvoie à l'article précèdent qui n'avait rien à voir, il est parfaitement justifié.

Mieux que beau, la langue française nous propose comme qualificatif : magnifique, splendide, superbe, ou merveilleux, mais ce que vous allez voir est encore au-dessus de tout ça.

    Certes, vous n'aurez plus l'effet de surprise puisque je vous les ai déjà montrés, mais ces deux joyaux de notre patrimoine méritaient d'être encore mieux vus. Je vous avais d'ailleurs promis de meilleures images, mais la chose n'est pas aisée, et les obtenir nous a demandé pas mal de patience.

Vous aurez peut-être deviné qu'il s'agit à nouveau des poinçons du musée. 

De mes deux préférés plus exactement.

  Le premier est celui en buis dont nous avons découvert récemment l'existence, gravé à l'endroit et à un grand format de la main de Mouchon à la fin de 1902. Le tout premier travail du graveur pour donner en quelques mois naissance à notre Semeuse. 

Il s'avère particulièrement difficile à photographier, et malgré tous les efforts du professionnel du musée, ses reliefs restent peu visibles, et la finesse du travail difficile à apprécier sur ces nouvelles images inédites. Le bois imprégné d'encre noire est hélas responsable de cet état de fait :


Mais c'est tout de même la première fois qu'on le voit ainsi :

*****

   Le second est celui surnommé l'ancêtre, en laiton et au format du timbre, qui a servi de base pour toutes les futures Semeuses. 
Souvenez vous : je pensais que l'image avait été déformée en raison d'un défaut technique de parallaxe lors de la prise de vue, lui donnant cet aspect légèrement en forme de tonneau. Mais pas du tout, il a bel est bien été déformé, comme écrasé tellement il a servi. C'est assez incroyable, mais vrai ! 
Le voici sous toutes les coutures :

On peut le qualifier d'éblouissant, de véritablement coruscant !






J'espère que vous aurez le même plaisir que moi de pouvoir enfin l'admirer.

Ces images devront être utilisées avec la mention :

 © Musée de la Poste - Paris

MERCI de préciser également qu'elles proviennent de mon "blog".



dimanche 26 octobre 2025

Pas que beaux !

 

    Il est des courriers qui me plaisent évidemment par qu'ils ont été affranchis avec mes timbres préférés (condition sine qua non), mais aussi parce qu'ils sont originaux, peu courants ou même rares, avec une histoire intéressante ou amusante à raconter, un certain charme esthétique, et parfois une petite importance historique ou un intérêt purement philatélique, une destination lointaine et exotique, ou un personnage illustre comme destinataire. 

Et dans ces cas-là le ou les timbres passent au second rang : peu importe qu'ils soient rares pourvu qu'ils soient en assez bon état, disons présentables.

  Je voulais vous en montrer aujourd'hui deux exemples que je trouve particulièrement sympathiques :

Le premier date de fin 1907 / début 1908

  En ce temps-là ma chère Semeuse à 25 c. se parait de ses plus belles nuances de bleu et accompagnait déjà des millions de lettres vers l'étranger. Celles-ci ont en plus eu la bonne idée d'être postées près de chez moi à La Ciotat ou Marseille. Elles retracent le parcours d'un paquebot des Messageries Maritimes à bord duquel un élève commissaire dénommé Louis Mouilleron s'était embarqué, tel le Marius de Pagnol abandonnant le truculent César et son Bar de la Marine, sur le Vieux-Port. 

Souvenez-vous du film : Marius rêvait de partir sur la "Malaisie" qui était amarrée sur le quai de rive neuve devant sa terrasse, pour s'en aller mesurer la profondeur des océans, alors que son père, inquiet de l'imaginer penché par-dessus bord, lui recommandait de laisser un peu mesurer les autres !

Dans notre exemple, c'est vers le "Salazie" que sa famille a écrit plusieurs fois en quelques semaines à Louis, aux escales de Saïgon, Singapour, Aden et Suez ! Ayant ainsi pu recevoir de leurs précieuses nouvelles, vous pensez bien qu'il les a consciencieusement mises de côté ces lettres, et qu'il a dû les relire souvent avec nostalgie, tout en refaisant route vers Marseille.



Le second date de fin 1928 :

  Parti lui aussi de ma ville natale Marseille, le "Général Duchesne" emportait alors un probable marcophile et/ou philatéliste averti, vers l'île de La Réunion. 

Celui-ci avait pris soin de mettre dans ses bagages quelques timbres au type Semeuse, avec une prédilection pour 2 couleurs : le vert et le violet.

Et à chaque escale, il prenait soin de poster une lettre adressée à son ami toulousain Lucien (Fourrié ou Jourrié ? à moins qu'il ne se soit écrit à lui-même : qu'en pensez-vous ?). Et il faisait apposer sur son courrier bicolore un joli cachet, avec si nécessaire une griffe PAQUEBOT.


Un jour de mer pour aller de Mombasa à Zanzibar : ça fait rêver !

Peut-être son périple s'est-il arrêté à Diégo Suarez ? car cette dernière ne comporte pas d'adresse :

Pour moi, pas de doute : c'est bien le même passager qui l'a affranchie.


Les deux autres en revanche sont bien arrivées à Toulouse le 6 décembre :



  Si je tenais à vous faire partager ces deux histoires, c'est non seulement pour vous changer les idées comme à moi, mais également pour une autre raison : j'ai besoin de votre aide pour essayer de retrouver d'autres courriers similaires qui ont certainement été postés comme ceux-ci, mais à l'occasion des autres escales de ces deux navires.

Au moins pour le second exemple, je suis certain qu'ils ont existé.
Mais ont-ils été conservés jusqu'à notre époque ?
Je ne peux pas croire que Lucien ne les ait pas mis de côté, mais ensuite...

MERCI +++ si vous en croisez de me les faire connaître, je me contenterai même d'une photo.




vendredi 26 septembre 2025

En fouillant bien...

 

  Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'internet est une source intarissable de renseignements utiles pour nous les collectionneurs. Mais il y a deux obstacles à franchir pour y faire de jolies trouvailles : savoir que rien n'y est très bien rangé ni clairement référencé, et ne pas se laisser décourager par les heures que l'on y passe, sans la moindre certitude de rentabilité.

En ce qui concerne la période qui nous intéresse, nous et la Semeuse, disons de 1902 à 1938, c'est dans la presse de l'époque que j'adore me plonger. Principalement sur le site Gallica. Ce n'est pas le plus convivial, mais certainement le plus riche.

  Voici un joli petit article paru dans "Excelsior" le 5 décembre 1922, consacré aux presses rotatives qui ont fait leur apparition boulevard Brune. Et on y apprend qu'en septembre, tous les problèmes techniques n'avaient pas encore été réglés, puisque l'atelier faisait encore des essais avec !

(cliquez pour zoomer)

On comprend mieux pourquoi il est si difficile de trouver des coins daté de cette période. Les presses ne tournaient certainement pas tous les jours, et pas à leur rendement maximum.

  Un seul timbre a eu le privilège d'inaugurer cette année-là l'impression en typographie rotative : il s'agit de la Semeuse verte à 10 centimes YT n°159 au type IB. Je vous ai déjà montré ses premiers tirages, et leurs inévitables balbutiements. 

Voici 2 feuilles imprimées sans souci alors que les machines fonctionnaient bien, les 8 et 9 décembre, soit précisément quelques jours après la parution de cet article. Une paire et une impaire, ce qui permet d'admirer le résultat d'un tour complet de ce cylindre qui fut nommé D+E bien plus tard :


Ce n'est qu'en janvier 1923, avec le cylindre suivant, que les dates et numéros pourront être imprimés en noir et non plus en vert. La machine Chambon permettant alors d'imprimer en 2 couleurs, avec 2 cylindres montés en série. Une preuve supplémentaire que l'atelier a réussi à surmonter petit à petit les écueils techniques qu'elle a rencontrés. 

Et bien entendu, le timbre changera au passage de type : ce sera le type III jusqu'en 1929.


*******

   Le même journal avait déjà publié quelques mois auparavant, le 16 septembre, un autre article consacré à la fabrication des timbres à l'atelier, qui bien que remarquable, ne nous apprend rien de plus au sujet de la typographie à plat. Mais il est illustré de jolies images, dont les 2 suivantes, montrant des machines que je n'avais jamais vues auparavant ! Je vous en fais donc profiter.

La première servait à agrafer les feuilles pour carnets imprimées à plat à leurs couvertures :


A votre avis : toujours notre Semeuse, mais des carnets du 25 c. bleu ou du 10 c. vert ?
Dommage que l'image soit en noir et blanc !

Et la seconde à confectionner les entiers postaux (enveloppes) :

Quelle ingéniosité !


*******


  Mais ce n'est pas tout ce que j'ai trouvé cet été en farfouillant sur le web. Je me suis un peu fatigué les yeux, c'est vrai, mais j'ai quand même déniché une jolie pièce pour ma collection. Pas que des images, si intéressantes soient elles. 

L'histoire est amusante, et va nous transporter jusqu'au Danemark, pays où je n'ai jamais mis les pieds, lui préférant de loin ma Toscane adorée. D'où je me promène sur internet.

   Je vous avais raconté en décembre 2022 les pérégrinations d'une jolie lettre postée à Paris pour Göteborg, ayant failli être détruite à bord d'un bateau suédois, le Newton, en raison d'un incendie qui s'y était déclaré dans le port de Sunderland en Grande Bretagne, en 1916. 

C'est le blocage maritime par les allemands pendant la guerre qui fut responsable de ce passage par le port anglais. Tous les autres courriers connus, qu'ils viennent de Londres ou du reste de la planète comme nous l'avions vu, ont embarqué à bord du même vapeur qui a appareillé le 14 février vers son port d'attache suédois.

  Cette lettre était la seule jamais rencontrée avec ma Semeuse préférée bleue à 25 c., mais j'avais du mal à croire qu'il n'en ait existé qu'une. Alors, depuis 2-3 ans, je clique de temps en  temps à droite et à gauche sur mon ordinateur, espérant surtout retrouver la trace perdue de l'autre lettre que je vous avais montrée, affranchie, elle, avec 3 autres Semeuses : 2 rouges à 10 c. et une verte à 5 c. 

Impossible de me souvenir où j'avais bien pu en trouver l'image ! Mais je l'aurais bien rangée à côté de l'autre dans ma collection. 

Cela m'a pris du temps, mais j'ai fini par retrouver le site qui la montrait, au prix de longues heures "perdues" : elle était présentée dans une collection suédoise consacrée à l'histoire de la chimie, sur un site de philatélie thématique en langue espagnole... Ne me demandez pas pourquoi. 

Il faut dire que j'avais cherché dans tous les sens sur Google, avec tous les mots-clés imaginables, en français, en anglais, en suédois ! J'ai même écrit à ce site pour essayer d'entrer en contact avec le collectionneur qui l'avait exposée, sans succès. Pas mieux via Facebook :  pas de réponse !

  Mais, mes efforts ont tout de même été récompensés, car j'ai ainsi retrouvé quelques autres courriers ayant subi les mêmes avaries, principalement partis de Londres. 

Mais mes yeux ont heureusement fini pas s'arrêter de cligner sur une jolie lettre à peine roussie sur ce fameux Newton, et portant une Semeuse à 25 c. bleue ! Vous imaginez ma joie. 

Elle était proposée dans une vente au Danemark, mais celle-ci était hélas clôturée depuis peu. 

Je l'avais ratée ! 

Je ne me suis pas laissé abattre. J'ai contacté le vendeur. En danois !

Miracle : elle n'avait pas trouvé preneur, et elle était toujours disponible. C'était inespéré !

Quelle chance ! Quelle joie !

J'ai pu l'acquérir à un bon prix, et elle a vite rejoint sa sœur presque jumelle, 109 ans après qu'elles aient été séparées, et surtout failli brûler. 

La voici :

Partie elle aussi de Paris le 9 février
Arrivée à Norrköping, côte Est de la Suède, le 27.02

  Certes la marque violette apposée suite aux avaries, seul témoin de ces mésaventures, est cette fois-ci apposé au dos, mais je ne vais pas faire le difficile : si l'on ne connait que 30 à 35 de ces lettres, la probabilité qu'on en trouve une troisième semblable est quasi nulle ! 

Je ne suis pourtant pas certain de laisser tomber mes recherches pour autant...



mercredi 10 septembre 2025

En marge

 

   Pour cette rentrée 2025, j'ai choisi de vous montrer 2 découvertes qui ont comme point commun de ne pas concerner à proprement parler les timbres, mais plutôt ce qui les entoure, tout en étant en rapport direct avec les techniques de fabrication de l'époque, qui ne cessent de me passionner.

L'une date de 1906 avec l'impression à plat, et l'autre de 1937 avec les presses rotatives.

*******

   On sait que c'est à la décision d'abaisser le tarif de la lettre de 15 à 10 centimes que l'on doit l'apparition de la Semeuse avec sol YT n°134, et qu'elle a été imprimée un peu dans l'urgence afin d'être disponible pour le 16 avril 1906, jour officiel dudit changement.

On sait aussi que les députés et sénateurs ont eu le privilège de disposer du nouveau timbre quelques jours auparavant, car l'on trouve assez facilement des cartes ou des lettres oblitérées du 13 avril. Et même un exemplaire "ministériel" du 10 avril !


Ce qui prouve sans le moindre doute possible que l'impression de la nouvelle figurine tant attendue était déjà en cours à cette date. Et même un peu avant.

En effet, le premier tirage de ce timbre, auquel on attribue le "type I", est tout à fait exceptionnel car il a été réalisé à l'aide d'un seul galvano de 50 et non d'une planche complète de 150. Nous en avions détaillé les particularités il y a plus de 10 ans :

Vous aurez compris qu'il ne nous est pas possible de connaître la date de ce premier tirage puisque les feuilles ainsi reconstituées et mises en vente n'en comportaient pas, évidemment :

(1 feuille = 3 panneaux de 50 raboutés)

Mais revenons à nos marges. 
On connait quelques rares et superbes feuilles non dentelées, comportant en dessous d'un de ces premiers panneaux de 50, un panneau de 50 exemplaires de la Semeuse avec soleil devant non émise. Toutes ont été imprimées le 7 avril sur la presse 13.


En les regardant plus attentivement, on remarque au niveau du trait rouge du bas, à son extrémité droite, une petite encoche, bien anodine :


J'avoue que n'y avais pas porté plus d'attention que ça, jusqu'à ce que je m'aperçoive qu'on la retrouve au même endroit, sur toutes les feuilles du deuxième tirage du 134, celui dit au "type II". 
Celles-ci n'ont pu être imprimées qu'une fois la planche de 150 fabriquée (avec trois millésimes 6 et date en bas). Toujours sur la presse 13 d'ailleurs.


(la date la plus précoce que je connaisse)

   Ceci est donc la preuve, pour ce timbre en tout cas, que les barres métalliques permettant d'imprimer ces traits horizontaux entre les panneaux étaient fixées sur la planche, et n'étaient donc pas solidaires du galvano de 50 comme nous le pensions jusque-là !

L'analyse future de multiples feuilles et panneaux en fonction des dates et des presses utilisées nous permettra peut-être d'en apprendre davantage, et surtout de savoir s'il s'agit d'une exception pour ce timbre, ou si cela est vrai pour d'autres tirages à plat.


*******

   En ce qui concerne l'impression rotative, avec les presses Chambon, la caractéristique principale est la présence de la date en bas à droite des feuilles, d'où découle la collection des coins datés qui est une de mes favorites comme vous le savez. Une numérotation des feuilles y est associée, à l'opposé : en bas à gauche. Ainsi que la plupart du temps le numéro de la presse, imprimé au niveau du pont séparant les 2 panneaux verticaux de 50.

Un rouleau de papier gommé était entrainé dans la presse qui réalise à l'aide de cylindres distincts l'impression des timbres, puis celle des précieuses indications que sont la date, la numérotation et le numéro de presse. Immédiatement après, la même machine effectuait la perforation puis la découpe en feuilles de 100.

   Sur cet exemple, nous avons juxtaposé 2 feuilles qui se suivent comme en témoignent leurs numéros, résultat de l'impression d'un tour de cylindre : 2 x 10 rangées de 10 = 200 timbres + 2 rangées sans timbres mais de la même hauteur que les autres, avec les parallélogrammes permettant de les identifier :


Un cylindre destiné à l'impression de ces feuilles de 100 avait donc une circonférence égale à 22 fois la hauteur d'un timbre (mesuré avec ses marges), soit un diamètre d'environ 168 mm

  Le massicot effectuait sa découpe très précisément au niveau de ces 2 rangées sans timbre : non pas exactement en leur milieu, mais volontairement à un niveau légèrement décalé assurant une marge inférieure nettement plus haute, de telle sorte que l'on puisse y lire la date et la numérotation. La découpe passant toujours en-dessous de ces indications. Ceci se vérifie sur tous les coins datés, même si parfois le bas de la date est un peu amputé par la découpe. 


Presque toutes les feuilles rotatives ont forcément une marge du haut bien plus étroite que celle du bas (l'aviez-vous remarqué ?)

Sauf lorsque les indications en question se retrouvent plus près des timbres (plus haut donc) permettant de régler le massicot pour une découpe au milieu de la rangée sans timbre, donnant donc des marges égales, mais c'est assez rarement le cas. En voici un exemple :


Et sauf exceptionnellement, lorsque l'on observe l'inverse, avec une marge du haut plus large que celle du bas, et des indications très (trop) proches des timbres :



   Le mécanisme assurant l'avancement du papier dans la machine était précis et fiable puisque c'est lui qui était responsable de la perforation avec un peigne, d'une rangée horizontale à la fois. Chaque avancement était compté, afin  que le massicot fasse toujours sa découpe entre 2 feuilles : c'est à dire une fois tous les onze avancements de la hauteur d'un timbre.

  A cette règle, et collectionnant les coins datés depuis plus de 50 ans, je ne connaissais qu'une seule exception sur plusieurs dizaines de milliers de coins datés rencontrés : un bloc du 40 c. outremer YT n°237, daté du 25 novembre 1931, et témoin de l'absence "miraculeuse" de découpe entre 2 feuilles :

Une pièce unique extraordinaire ! 
Je n'ai jamais vu aucun des 8 autres timbres de ce bas de feuille. Quel collectionneur aura jugé bon de conserver cette curieuse marge ? S'il existe, qu'il me contacte : à bon entendeur, salut !


   Et bien, figurez-vous que je viens tout juste de trouver une deuxième exception à cette règle !

Il s'agit cette fois-ci non pas d'une absence de découpe entre 2 feuilles, mais d'un très étonnant et non moins spectaculaire décalage de cette découpe : au-dessus des fameuses indications ! 

Avec un coin daté qui se retrouve EN HAUT, du jamais vu, tout comme la numérotation pour ce 30 c. rouge sombre YT n°360 :

Deux pièces uniques et extraordinaires !
Les positions du dateur et du numéroteur étant fixes, c'est obligatoirement la découpe qui a été décalée, ou plus exactement l'avancement du papier sous le massicot qui ne s'est pas déroulé convenablement.

Je ne pensais même pas que cette "variété" puisse exister : c'est incroyable !

  En revanche, même si les 6 autres timbres de ce haut de feuille sont eux sans grand intérêt, il est fort dommage que la feuille ait été hélas découpée.

D'autant plus qu'il y a de fortes chances pour que sa marge du bas ait été de taille normale et porteuse d'un autre numéro 56188 ou 56190, et d'une seconde fois la date, ce qui me laisse rêveur !

Ce qui est certain, c'est que la feuille située immédiatement au-dessus de celle-ci s'est obligatoirement retrouvée avec une toute petite marge du bas, et donc dépourvue de toute indication, ce qui est tout aussi intéressant pour un collectionneur averti ! Car je ne pense pas que cette mauvaise découpe soit survenue plus d'une fois ce jour-là.

MERCI de me le signaler si vous croisez de telles marges !
+++++

  Un petit coup d'œil dans mes albums permet de voir que cet accident de parcours est survenu le deuxième jour du tirage, et une petite imperfection du 7 de 37 permet d'identifier le galvano B de A+B :



*******

   Pour en finir avec les marges, je tenais à vous montrer cet exemple de carnets imprimés eux aussi par les mêmes presses rotatives. Les cylindres étaient un peu plus gros, et comportaient plus de marges. 
Un tour de cylindre imprimait 8 carnets de 20 = 160 timbres ainsi que la date et la numérotation sur deux des 8 rangées sans timbre. 


Un cylindre destiné à l'impression de ces carnets de 20 avait donc une circonférence égale à 24 fois la hauteur d'un timbre (mesuré avec ses marges), soit un diamètre d'environ 183 mm

   Puisqu'il n'était pas question de fabriquer des feuilles mais des carnets, les découpes étaient plus nombreuses, et un seul carnet sur 4 se retrouvait ainsi daté et numéroté.

Il faut croire que l'atelier de fabrication n'attachait pas la même importance à ces indications pour les carnets, sinon il les aurait fait figurer sur tous. Les coups de massicot et la hauteur des marges s'avèrent bien plus aléatoires que pour les feuilles.  Les indications peuvent donc se retrouver indifféremment soit en haut soit en bas du carnet. 
Soit à cheval comme sur cet exemple, amusant également :

Pas facile de les réunir ces deux-là, séparés depuis 87 ans !

   Le timbre YT n°360 est le même, mais au type III, différent de celui des feuilles au type IIA. Vous avez pu en admirer les 2 poinçons il y a quelques semaines. 

Les techniques d'impression bien différentes dans leurs formes ont nécessité la fabrication de 2 cylindres distincts, et ont imposé le recours à 2 poinçons, qui ont donné 2 types pour les philatélistes.