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jeudi 6 mai 2021

PAR AVION

 

  De nos jours, plus personne ne prend la peine d'inscrire cette mention sur son courrier tellement le transport aérien s'est généralisé pour relier deux régions lointaines, voire deux continents. Ni sa rapidité ni sa fiabilité ne sont plus à démontrer. Mais il n'en a pas toujours été ainsi.

  Vous avez certainement en mémoire les aventures des grands pionniers de l'aviation qui ont laissé leurs noms dans l'Histoire, et dont les exploits ont fait rêver plusieurs générations. Nous en avons déjà relaté ici quelques épisodes, auxquels notre courageuse Semeuse avait pris part. Principalement dans la période entre les deux guerres, l'aviation ayant largement profité du conflit de 14-18 pour évoluer, se moderniser et devenir un moyen de transport bien plus fiable qu'à ses débuts.

  Avant la première guerre en revanche, prendre son envol sur des machines particulièrement sommaires et fragiles, et réussir à atterrir ensuite sans trop de dégâts restait un exploit ! Les meetings aériens avaient un succès fou, et le public se bousculait pour admirer le spectacle de ces pilotes, pour partager leurs frissons, et s'émerveiller devant leur courage et leur agilité.

C'est en 1909 que Louis Blériot réussit la traversée de la Manche avec un vol de 37 minutes pour 35 Km, mais il faudra attendre 1927 pour que Charles Lindbergh traverse l'Atlantique, en 33 heures !

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  Pour le transport du courrier sur de longues distances, la voie ferroviaire et la voie maritime étaient les seules à se partager le marché comme l'on dit, et depuis longtemps. Au prix d'une certaine lenteur bien entendu, mais tout le monde s'en satisfaisait puisqu'il n'y avait pas d'autre choix.

Jusqu'à ce que l'idée d'utiliser l'avion se mette à germer dans l'esprit de quelques administrations postales. Et la France était alors à la pointe de la modernité !

  C'est en Inde en février 1911, à l'occasion d'une exposition internationale agricole, d'industrie et des transports, qu'un Français transporta pour la toute première fois du courrier sur une dizaine de kilomètres à bord de son biplan, avec l'aide de l'armée britannique.

En France, le premier vol postal "officiel" date de juillet 1912 autour de Nancy : trois sacs de dépêches sont transportés sur 27 Km. 

On ne peut pas dire que le service rendu pour d'aussi courtes distances fut véritablement remarquable, mais l'idée était lancée, et notre Semeuse était déjà de la fête, accompagnée d'une vignette spécialement émise, vendue 25 centimes au profit de l'aviation militaire :


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   C'est finalement en octobre 1913 qu'eut lieu la première liaison postale aérienne, expérimentale certes, mais apportant réellement un service utile au transport du courrier.

Le courrier à destination des Antilles partait alors de Pauillac tout près de Bordeaux, sur la rive gauche de l'estuaire de la Gironde. Venant de Paris, il était normalement transporté jusqu'à Pauillac par le train du soir, juste à temps pour être embarqué le lendemain sur un paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique assurant régulièrement la traversée, tous les quinze jours. 

Ce qui fait que pour le courrier centralisé à Paris après le départ du train, ne pouvant donc être acheminé à temps pour la traversée, il en résultait un retard considérable ! Car il fallait alors attendre le paquebot suivant. 

Retard que le Ministre responsable ne pouvait accepter, d'où son idée d'utiliser l'avion, seul moyen capable d'acheminer assez rapidement ce courrier le jour même, avant le départ du paquebot.

  La presse en parle dès le 12 octobre (La Liberté) :


  C'est donc au matin du 15 octobre avant 7 heures, en présence d'Alfred Massé, matinal Ministre du commerce, de l'industrie, des postes et télégraphes, et fier d'être à l'origine de cette expérience, que le courrier arrivera par une automobile postale à l'aérodrome de Villacoublay, situé au sud-ouest de la capitale. 


L'avion choisi est un Morane-Saulnier G. "Les Françaises" emportera un sac d'une dizaine de kilos de courrier, et il sera piloté par le lieutenant de cavalerie Emmanuel Ronin.

On le voit ici signer la prise en charge du courrier.


 Après quelques péripéties et environ 500 Km de vol, il atterrira à 14 h.15 à Saint Julien Beychevelle, près de Pauillac, puis les sacs postaux seront acheminés par une voiture des postes jusqu'au paquebot "PEROU" qui pourra aussitôt lever l'ancre, en tout début d'après-midi.

  A son bord, notre Semeuse bien entendu. 

Compte-tenu de leurs destinations toujours "exotiques", bien peu en sont revenues, mais quelques rares lettres ou cartes postales font encore aujourd'hui la joie d'heureux collectionneurs, dont je fais désormais partie. 

Ici, une lettre postée à Paris le 14, à destination de Mana en Guyane, sur laquelle on notera l'absence de surtaxe, alors que celle-ci avait été envisagée. Cachets oblitérant de Paris 5 - avenue de la République - 18 h. 30, puis Paris R.P. Etranger au dos, après le départ du train du soir.


C'est la toute première utilisation de la griffe "PAR AVION" !

Avec cachet maritime octogonal "Bordeaux à Colon LD n°1 du 15.10.1913

Et arrivée à Cayenne le 9 novembre.
On note que le destinataire était un surveillant militaire, probablement responsable de l'un de bagnes.


Le Musée Postal expose pour sa part une carte postale ayant fait le même voyage, mais jusqu'à La Martinique, sur laquelle la griffe "PAR AVION" est en noir (le bureau de départ n'étant pas le même) :


On en connait d'autres pour La Guadeloupe, comme cette lettre :



Plusieurs n'ont jamais atteint leur destinataire et sont revenues en métropole 
avec la griffe "Retour à l'envoyeur".

Si certains de nos lecteurs ont des images à nous faire partager, je les en remercie par avance...

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 La revue "L'aérophile" du 1er novembre relatera merveilleusement cette aventure, avec d'émouvantes photographies :


Tout ceci restera hélas sans suite, probablement à cause du début de la guerre. Et il faudra attendre la fin des hostilités pour que la poste aérienne prenne son envol...

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MERCI à tous les correspondants qui ont eu l'amabilité de partager avec moi ces documents d'époque, et aux sites internet consacrés à cette épopée, dans lesquels j'ai également puisé des informations précieuses. Vous pouvez aussi cliquer sur ce lien :

Article paru à l'occasion du centenaire de ce vol

A noter que La Poste Française avait émis dès 1978 un joli timbre commémoratif :



samedi 1 mai 2021

Mon brin de muguet à moi

  
  C'est une tradition, en ce 1er jour du mois de mai, que d'offrir un brin de muguet.

 Moi, pour le même prix (c'est à dire quelques euros) et presque la même couleur, je me suis offert cette jolie paire  qui me fait autant plaisir, avec sa tache au-dessus des fesses :


C'est déjà la sixième recensée sur ce blog,
ce qui nous fait un petit bouquet ! 


  Souvenez-vous ! J'avais lancé ce petit jeu il y a environ un an, à la recherche de petites variétés d'impression, se reproduisant toujours à la même place, et touchant une partie du tirage.

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  Dans le même ordre d'idée, un correspondant vient de me faire parvenir ces images :

Celle de droite est issue d'une revue philatélique

La tache est bien plus grosse. Il n'y a pas de "halo" aussi bien marqué tout autour, halo qui est à l'origine du nom d'anneau-lune.

Le timbre est imprimé en typographie rotative cette fois-ci.

On dirait qu'un bout de papier imprégné d'encre est resté collé sur le cylindre pendant quelques tours !

  Car j'en avais un similaire dans ma collection :


Et un autre en photo, ce qui en fait déjà 4 ! 

Ce dernier ayant l'intérêt de situer la variété 
à la case 60 d'une feuille de 100 au type II A.


A vous de jouer à présent, pour nous en montrer d'autres...

lundi 26 avril 2021

Tout est bien qui finit bien !

 

 Je vous avais conté ma mésaventure en septembre 2016 concernant une fameuse "Lettre à 5 centimes" qui s'était égarée, mais je ne l'avais pas complètement digérée. On peut même dire qu'elle me restait un peu en travers !

Certes elle avait un peu souffert lors de son ouverture en 1912, et ne présentait plus très bien. Certes j'en avais trouvé une plus belle depuis dont j'aurais pu me contenter. Mais le simple fait qu'elle m'ait été attribuée pour finalement ne jamais la recevoir m'avait mis en rogne. 

Je ne désespérais pourtant pas de la recroiser un jour car, en tout et pour tout, on n'en connait que 3 exemplaires de cette édition numéro 1, et elle ne manquerait pas de réapparaître un jour ou l'autre dans une vente ici ou là.

  Et c'est ce qui est arrivé tout récemment !

Du coup, je peux enfin vous la faire voir correctement :

Comme les 2 autres connues, elle a été adressée à l'illustre maison Maury
(par le même expéditeur, un certain Henri Manaut 
de Toulouse, qui leur commandait des timbres)

Le magasin était situé presque en face du passage des panoramas



Hélas, la partie réservée à la correspondance n'a pas été conservée !


Ne restent que les publicités qui ont gardé tout leur charme !


  Vous aurez compris que c'est l'enveloppe dite "à trou" qui a été malmenée. Un peu déchirée dans le coin rendu si fragile par l'ouverture permettant au timbre d'être vu et oblitéré. 
Partie le 6 juillet 1912 de Toulouse - Arnaud Bernard, elle est arrivée le lendemain à Paris.

  C'est en effet en Haute Garonne que Mr Estoup avait eu cette idée originale de commercialiser à moitié prix une lettre porteuse de multiples annonces commerciales régionales. Idée ayant certainement séduit les célèbres philatélistes de chez Maury, qui ont bien pris soin de conserver celles qu'ils recevaient. 
Les 2 autres connues sont oblitérées des 9 et 12 juin de la même année. 
Et on n'en a jamais vu d'autre depuis !

  Pour 5 centimes, on avait droit en prime dans une pochette, à un buvard grand format et à un porte-plume avec plume, en plus de la lettre que l'on pouvait bien entendu utiliser à sa guise pour son courrier. C'était une bonne affaire !



Les publicités pouvaient ainsi toucher leurs cibles dans toute le France !

Si vous regardez bien, vous verrez que le timbre a été perforé verticalement (avant d'être collé sur la lettre) afin d'éviter qu'il ne soit utilisé ailleurs que sur cette lettre publicitaire :
Voici la rarissime perforation en question : LTRE5CMES


  Mais tout ceci a un petit goût de déjà vu pour ceux qui me lisent régulièrement. 

Alors, j'en profite pour vous dévoiler pour la toute première fois le buvard, dont j'ai réussi à dénicher une image sur internet, et qui accompagnait cette édition N°1 :

Pour ceux qui ont de la mémoire, il diffère de celui de l'édition N°2 
que je vous ai déjà montré

P.S. si jamais son propriétaire voulait bien s'en défaire 
et me contacter, je serais un homme heureux


  Voici un 4ème et dernier exemplaire connu (sans son enveloppe), dont la perforation a la particularité d'avoir été apposée à l'envers : du jamais vu non plus !



  Et on connait même un petit malin qui a récupéré et décollé le timbre de son support (même s'il était perforé), afin de s'en servir sur son courrier personnel. Ce qui était pourtant "passible de poursuites judiciaires" :

Le seul connu sur lettre privée, en date du 27 juillet 1912


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  Par la même occasion, voici la perforation de l'édition N°2 (un peu moins rare) cette fois-ci apposée horizontalement et à cheval, une fois le timbre collé sur la lettre (il en est de même pour l'édition N°3) :


Ouvrez l'œil, on ne sait jamais, vous pourriez tomber sur un de ces timbres 
dont la perforation n'est pas très lisible, et ne pas l'identifier !

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  En fouillant sur Gallica dans les archives du quotidien "La Dépêche" de Toulouse, j'ai réussi à retrouver les annonces avertissant ses lecteurs de la mise en vente des 3 différentes éditions successives :

Journal du 4 mai 1912
La première édition était vendue dans les bureaux de tabac.


Journal du 23 janvier 1913

La N°2 et la N°3 ont été vendues dans les locaux du journal.

Journal du 12 août 1913


   Les dates sont bien concordantes : 
- un exemplaire de l'édition N°2 est oblitéré à Toulouse du 6 février 1913, 
- et celui de l'édition N°3 porte un cachet d'arrivée dans le Lot du 25 août 1913.

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    Monsieur Arthur Maury décédé en 1907, n'a pas eu hélas l'occasion de s'émerveiller devant l'ingéniosité des publicitaires à l'origine de cette Lettre à 5 centimes. 

Toujours est-il que ses employés du 6 boulevard Montmartre n'avaient pas l'air de rigoler tous les jours :

Mais ceci a bien dû les amuser un peu, j'espère...





dimanche 11 avril 2021

C'était il y a un siècle !

 

  En 1921, notre Semeuse régnait déjà depuis 18 ans sur le courrier. Et c'était l'âge d'or de mon chouchou, le 25 c. bleu YT 140 : il en fallait un seul pour affranchir la lettre pour l'intérieur, et deux pour l'étranger, ce qui représentait les tarifs les plus couramment utilisés.

L'impression rotative n'était pas encore au goût du jour mais à plat, on imprimait à tour de bras des feuilles-vente, des roulettes et des carnets pour approvisionner la population avec ce joli timbre bleu.

Pour les carnets, il y eut quelques tâtonnements qui furent à l'origine de trois types différents de figurines, identifiés bien plus tard : les types IV puis I B puis II. 

Mais tous avaient la même couverture, dite "postale" car on n'y trouvait que des renseignements et des consignes sur les affranchissements.

Pas très sexy en réalité. On a dû finir par s'en lasser !

  Si les carnets au type II sont bien plus rares que les autres (qui ne courent pas les rues non plus), c'est parce qu'une véritable révolution s'est produite cette année-là. 
L'administration a pris la décision assez hardie pour l'époque, de faire figurer de la publicité sur ses carnets, et ce sont ceux au type II, les derniers imprimés, qui vont logiquement en bénéficier.

C'est une entreprise privée qui va exploiter ce filon, avec à sa tête le fameux Carlos Courmont dont nous avons déjà parlé.

Dans un premier temps, la publicité sera imprimée sur les couvertures seulement, et en voici un des tout premiers exemples, datant de 1922 :


Puis en 1923, grâce à l'agrandissement du format, elle pourra aussi figurer sur les bords des timbres, et donc mieux atteindre sa cible puisqu'elle suivra le timbre sur le courrier aux quatre coins de l'hexagone, et de la planète !


 C'est suite à la mise en vente récente de ces deux jolis bébés, que je me suis amusé à chercher sur le net des images d'époque et des renseignements, pour en savoir plus sur ce tour de France 1923, qui fut effectivement  remporté par l'équipe sponsorisée par cette marque stéphanoise.

Les champions cyclistes étaient alors de vrais héros. Leur matériel étant assez sommaire. 

Un vélo de pointe pour le prix de 110 carnets de timbres !

L'usage du dérailleur n'était pas encore autorisé : imaginez un peu leurs efforts, et leurs mollets !

Les routes n'étaient pas goudronnées. 

Le Tour faisait vraiment le tour de notre pays, et non pas semblant :


Monter le col du Tourmalet était un exploit surhumain, avait de la gueule, et ressemblait à ça :

Pas à une mascarade publicitaire comme de nos jours !



Même si le vainqueur cette année-là savait remercier son employeur (et vice-versa certainement).

Les pneus, en revanche, il a dû un peu les maudire à mon avis (c'est bien lui sur cette photo, qui répare sa roue sur le bord de la route) :




Il lui aura fallu pédaler 222 heures, à 24 Km/h de moyenne pour devancer un autre héros, l'italien Ottavio Bottecchia, qui gagnera l'année suivante :



  En 2020 par comparaison, un Slovène anabolisé parti de Nice (ville la plus contagieuse alors), n'a pédalé que 87 heures mais à 40 de moyenne (!) pour empocher son chèque, après que la célèbre caravane ait pu disséminer tout plein de virus sur sa route, exclusivement dans notre joli Sud en plus !

Essayez donc avec votre vélo moderne de faire une pointe à 40 Km/h et vous comprendrez que pour tenir ainsi 87 heures, il ne faut pas boire que de l'eau d'Evian :


Ni manger que du Banania !...


Mais que dans tous les cas, il faut être vraiment timbré !