Vous la reconnaissez, vous ?
Avec ce regard déterminé, ces lèvres bien ourlées presque souriantes, et cette joue délicatement creusée ?
Personnellement, c'est la première fois que je vois son effigie aussi bien reproduite, non pas sur un timbre pour lesquels une telle finesse est impossible à obtenir, mais sur une épreuve (ou un essai préparatoire) très certainement gravée par la main d'Eugène Mouchon, et que le père Noël a eu la gentillesse de déposer au pied de mon sapin cette année...
La voici entière, imprimée en noir sur un papier fin de très bonne qualité, type Chine, et d'un format de 175 % par rapport au timbre :
Ce qui saute aux yeux en premier, c'est évidemment son inversion gauche/droite. C'est le seul exemple que je connaisse ainsi. Et c'est ce qui m'a attiré car cela signifie que le poinçon qui a servi a l'imprimer était, lui, gravé à l'endroit, ce qui va à l'encontre de toutes les habitudes !
Ensuite, on est frappé par le merveilleux rendu du relief, effet voulu par son créateur Oscar Roty qui y tenait beaucoup, comme sur les pièces de monnaie existant depuis 1897.
On remarque l'absence des signatures des deux artistes sous le cadre, ce qui est rare, même sur les épreuves déjà connues.
Pas de valeur faciale non plus, dont l'emplacement a été ligné comme le reste du fond, ce qui n'est pas courant.
Le fond ligné est composé de lignes bien plus fines et rapprochées que ce que nous connaissons tous. L'ensemble de la Semeuse est elle-même "lignée" également, ce qui ne se retrouve pas non plus sur les timbres émis en 1903.
Les caractères des légendes sont finement dessinés en relief.
Vous en apprécierez mieux tous les détails sur cette image (vous pouvez cliquer dessus) :
Ce n'est peut-être qu'un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup : regardez comme les jambages des lettres R sont courbes, c'est intéressant !
On retrouve cette particularité sur le plâtre original de Roty qui a servi à Mouchon, et que voici :
Les deux à présent côte à côte, et dans le même sens,
pour bien les comparer :
On peut dire que le résultat est remarquable, non ?
Le meilleur que je connaisse !
L'impression de relief est absolument remarquable.
N.B. Le rayon de soleil situé le plus à gauche sur le plâtre n'a jamais été reproduit
J'ai eu beau chercher dans mes archives, ouvrages et documentations, je n'ai bien trouvé que ces quelques épreuves précoces, elles aussi sans les signatures, montrant les tâtonnements de l'artiste :
Sur celle-ci, seul le 1er R a sa jambe encore courbe
La Semeuse est encore entièrement "lignée"
L'emplacement de la valeur faciale a été dégagé
Sur celle-ci les deux R ont la jambe droite
La Semeuse est toujours entièrement "lignée"
Les légendes ressortent plus claires et encore plus en relief
Les lignes du fond sont plus espacées, ce qui l'éclaircit
Le cadre a été modifié, plus simple
Sur cette dernière, les légendes ont été simplifiées, plus blanches
Les deux jambes des R restent droites
La Semeuse n'est plus entièrement "lignée" et elle parait donc blanche
Le cadre est ici aussi modifié
C'est celle qui ressemble le plus au modèle finalement choisi
Les impératifs techniques de la fabrication du matériel nécessaire à l'impression des timbres ont certainement poussé le graveur a simplifier son œuvre pour la rendre utilisable en pratique.
Nul doute pour moi qu'il était alors directement en rapport avec Roty, et que le poinçon final est bien le résultat de leur collaboration.
Le voici d'ailleurs, conservé au Musée Postal, en laiton parait-il :
Lui, c'est normal qu'il soit gravé à l'envers !
Les signatures apparaissent enfin !
Avec ses jambes des deux R bien droites, comme tous les timbres futurs.
Et toujours sans valeur faciale.
Divers essais de papier, d'encre et probablement de réglages
de l'impression elle même ont été réalisés :
Puis de multiples essais de teintes et de couleurs différentes :
(et pas uniquement en vert, qui était la couleur choisie pour le 15 c.)
Le 15 c. sera le premier timbre émis, le 2 avril 1903, et en voici une belle épreuve, sur carton :
Puis un des premiers timbres imprimés :
(issu d'un panneau de 50 - type I - millésime 3 - Musée Postal)
La qualité des impressions et des images vous permet de comparer au mieux, et d'apprécier le merveilleux travail réalisé !
Le ministre Georges Trouillot pouvait en être fier :
Et il n'avait pas l'air de plaisanter souvent !
Un énorme MERCI aux collectionneurs qui auront
peut-être reconnu certaines des belles pièces de leur collection !
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