A votre avis, quel sauvage animal a bien pu massacrer cette jolie lettre ?
Et ou donc : à Bangui ?
Même si elle est certainement d'origine un peu philatélique, le spectaculaire affranchissement
à 4 f. 50 réalisé à l'aide de 9 exemplaires du timbre de carnet, m'a tellement séduit, surtout associé à sa publicité pour la Toile d'avion, que je l'ai ajoutée à ma collection.
Cela correspond certainement à un tarif recommandé avec surtaxe Par Avion.
Mais on trouve d'autres lettres, parties par le même vol pour d'autres destinations, situées sur le parcours, affranchies avec d'autres tarifs : d'où mon autre question :
Quels étaient ces tarifs ? Je n'y comprends rien !
Et en plus, ceux qui me suivent connaissent mon attirance pour les carnets, les Semeuses, et les lettres avec "Retour à l'envoyeur" des pays lointains : je ne pouvais pas être mieux servi !
Je me suis donc amusé à retracer son itinéraire, et grâce à ce merveilleux outil qu'est Google, une nouvelle fois je n'ai pas été déçu : l'histoire de ce premier vol est passionnante !
Jugez vous-même :
Le 17 octobre 1929, un
" Farman 192 " piloté par l'adjudant-chef Marchesseau décolle du
Bourget. A son bord, le capitaine François Goulette, navigateur et chef de l'expédition, et
le sergent-chef Bourgeois,
mécanicien.
Inconnu à
l'époque et manquant de ressources propres, Marcel Goulette a besoin de soutien
pour le financement de son projet. Il les trouve auprès des constructeurs
Farman et Salmson, obtient des subventions du Ministère des Colonies et de
Madagascar ainsi que le soutien d'un quotidien, le tout étant assorti de
quelques contrats publicitaires. Il obtient en outre du Ministère des Postes
que son voyage constitue une liaison postale vers l'Afrique Équatoriale
Française, l'Afrique Occidentale Française, le Congo Belge, la Rhodésie du
Nord, le Mozambique, Madagascar, La Réunion, l'Ile Maurice.
Revêtues de
la mention "Par avion, liaison France – Madagascar –
Réunion-Maurice", les correspondances transportées doivent acquitter
une surtaxe aérienne, ce qui permet à Goulette de bénéficier d'un financement
officiel complémentaire, et lui fournit une publicité significative.
Décoré d'une bande tricolore et portant les marques
de Farman et Salmson, l'avion décolle du Bourget le 17 octobre à 6 h.17 avec un
sac postal de 2 kg de courrier.
A 11 h.10, l'avion fait une courte escale à
Perpignan-La Salanque, puis repart à 12 h.15 en suivant la côte par Barcelone
et Alicante. Pour éviter une arrivée nocturne à Oran, où le terrain n'est pas
balisé, il se pose à 16 h.40 à Los Alcazares (1350/1400 km) et y passe la nuit.
Reparti le
lendemain à 6 h.05, le Farman ravitaille à Oran de 7 h.30 à 9 h.30, puis se
pose brièvement à Colomb-Béchar à 13 h.20 pour déjeuner. L'équipage souhaite
atteindre Reggan en soirée, mais ayant perdu la piste, ils passent la nuit dans
le désert (Ksabi, 950 km).
Le 19 au petit
matin, après avoir retrouvé la piste, l'équipage atteint Adrar à 8 h.50 et
repart à 12 h.30 vers Reggan. A la tombée de la nuit, il se pose pour passer la
nuit le long de la piste Estienne (950 km).
Repartis le
20 à 6 h.00, ils atteignent Gao à 9 h.30, puis Niamey (1150 km).
Le 21
octobre, ils se contentent de rejoindre Zinder (800 km).
C'est
ensuite le 22 Fort-Lamy, puis Fort-Archambault (1300 km).
Le 23, le
Farman fait escale à Bangui, puis termine son étape à Coquilhatville où, après
avoir évité les tornades, il se pose sur le terrain de la SABENA (1000 km).
Reparti le
24 à 8 h.00, il suit le Congo jusqu'à Bandundu, puis remonte le cours du Kasaï,
passant à Port-Francqui avant de ravitailler à Luebo de 12 h.35 à 13 h.00. Une
tornade les oblige à se poser à 16 h.30 à 14 km à l'ouest de Kanda-Kanda sur un
ancien terrain de secours de la SABENA envahi par les termitières (1050 km).
Ayant passé
la nuit à dégager une piste de fortune avec l'aide d'un colon français et de
ses ouvriers et à maintenir le Farman secoué par la tempête, Goulette peut
redécoller le lendemain, 25 octobre, à 5 h.35 pour se poser à 10 h.50 à
Élisabethville (750 km); reparti à 12 h.40 malgré la tornade contre laquelle
Marchesseau se bat plus d'une heure, il se pose à Broken Hill à 15 h.10.
Le 26, parti à 8 h.00, il survole Tete, se posant à
Quelimane à 15 h.00 sur un marais du Zambèze, heureusement asséché, avant de
rejoindre le terrain officiel (1450 km).
Le 27, parti à 7 h.40, il traverse le canal du
Mozambique et atteint Majunga à 11 h.00, ravitaille (en essence pour
automobile) et se pose sur le terrain d'Ivato à Tananarive (1600 km).
Sur l’île de La Réunion, les gens
trépignent d’impatience. C’est sûr, l’avion de France va bientôt se faire voir
dans le ciel, mais que se passe-t-il donc ? Les héros sont-ils fatigués, ou bien
les obstacles rencontrés jusqu’ici les ont-ils usés ? Le terrain de Gillot
serait-il trop court ? On murmure qu’il vaudrait mieux transporter l’avion
par bateau.
Les compatriotes de Roland Garros trépignent d’indignation, et n’en
finissent pas, gouverneur en tête, de grommeler. Quoi ? L’avion de France
arriverait par bateau ? Non ! Ce n’est pas possible : on attend de
lui qu’il se pose à Gillot ; d’ailleurs, on continue sans mollir à préparer le
terrain d’atterrissage. Cette fois, c’est Goulette qui tombe malade. Quelle
déveine : après la crainte des cyclones, les projets affectés de
couardise, voilà la maladie !
Atterrissage mouvementé à Tamatave : Ah ! Enfin Goulette
n’est plus malade et décide d’atterrir à Tamatave avant l’ultime étape devant
le conduire à La Réunion. Un mauvais choix ? Peut-être, car le vent souffle
fort et le petit avion risque de s’abîmer. L’atterrissage réussit, mais les
gens s’entassent sur la piste improvisée au risque de se faire tailler en
morceaux ; plus de peur que de mal, mais l’avion doit être réparé.
La peur des héros : La mer est si vaste, et La Réunion si
petite ; au moindre coup de vent, l’avion risque de rater l’île et se perdre
dans l’océan Indien. Goulette s’entend avec un capitaine de bateau : il ira
devant et l’avion devrait le doubler à mi-chemin entre Madagascar et notre île.
Mais, il était dit que jusqu’au dernier moment, les héros auraient des sueurs
froides.
Mais où est donc ce bateau ? Plus au Nord, montons plus au Nord : dix
minutes, quinze minutes et rien ; Vingt minutes et toujours rien ! Il faut
retourner sur ses pas, repartir vers la grande île. Mais, au miracle ! Voilà le
bateau et sa fumée bleue ; Tout va bien... direction Gillot ! On est le 26
novembre 1929 : le but du voyage est à portée de main, à portée de main
l’exploit !
Enfin arrivés ! Un piton bleu perce les nuages : Bonjour La Réunion ! Voici la piste
entre les filaos, des grands poteaux et une banderole. Un peu plus et l’avion
s’écrasait : un essai, un deuxième, le troisième est enfin le bon car on a
abaissé les poteaux portant la banderole. Les gens battent des mains... se
félicitent, se congratulent, on cherche à toucher l’oiseau de fer.
Que de monde ! La moitié de la population au moins s’est donné rendez-vous.
Puis les discours, “La Marseillaise”, et le champagne.
La fête dure quatre jours, puis le 1er décembre, il faut bien repartir.
Les héros sont comblés de cadeaux, et parmi ceux-ci, un litre de rhum et un merle blanc complètent de belle façon les 75.000 francs du Conseil général.
Les héros sont comblés de cadeaux, et parmi ceux-ci, un litre de rhum et un merle blanc complètent de belle façon les 75.000 francs du Conseil général.
C'était la belle époque !
2 commentaires:
Bonjour,
le coup de griffe a été donné à Paris, lorsque la lettre est revenue, pour indiquer la présence de l'adresse de l'expéditeur sur l'enveloppe... sans doute au dos?
Oui, d'où le retour à Ivry
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