En janvier 2021, je vous avais fait admirer la finesse de cette épreuve que j'avais eu la chance de me procurer, sans trop savoir de quoi il s'agissait, mais que je trouvais absolument remarquable.
Outre sa beauté, c'est le mystère qui s'en dégageait qui m'avait franchement séduit : son grand format très inhabituel et même unique, ainsi que le fait que l'effigie soit représentée inversée restaient pour moi inexpliqués.
Vous pourrez relire mon petit article de l'époque en cliquant sur ce lien :
Son existence prouvait en tout cas qu'il a existé à un certain moment (au cours du premier trimestre de 1903) un poinçon à ce format et gravé à l'endroit, lui, ce qui a permis d'imprimer cette épreuve que je pensais unique.
Et des articles sur la naissance de notre Semeuse, il en existe beaucoup, que j'ai tous lus, mais je ne me souvenais pas avoir entendu parler d'un tel poinçon. A n'en pas douter, il n'a pas été conservé comme certains autres au Musée de la poste.
Il faut croire que je n'avais pas été assez attentif, car, en fouillant dans mes archives afin de numériser les plus intéressantes, je suis tombé sur un article de 1996, publié dans Timbroscopie par Claude Jamet, et qui en parle !
On peut y admirer en tête d'article deux superbes dessins préparatifs de la main d'Eugène Mouchon à la gouache + encre de Chine, le plus petit ayant même donné une épreuve à partir d'un poinçon hélas lui aussi disparu (photo 3).
Ils sont directement inspirés de l'esquisse et du projet en cire d'Oscar Roty, ainsi que de son projet de médaille pour le ministère de l'agriculture en 1896, que vous pouvez revoir grâce à cet autre lien :
Les voici agrandis :
Mais pourquoi donc avoir choisi la faciale de 50 c. ?
L'auteur précise que ces merveilles proviennent de la collection de Robert Françon (dispersée depuis).
On remarque que le soleil est placé un peu sur la gauche, ce qui nous renvoie à un timbre non émis "avec soleil devant", imprimé bien plus tard en avril 1906, au moment où la Semeuse avec sol YT 134 doit remplacer la Semeuse lignée à l'occasion de la baisse du tarif de la lettre de 15 à 10 centimes.
Toujours est-il que ces essais resteront en 1903 sans aucune suite (à moins qu'ils ne datent eux aussi de 1906), et que lorsque Mouchon a voulu reproduire au mieux le plâtre de Roty et ses reliefs, le soleil s'est retrouvé à sa place définitive sur la droite.
Mais l'éclairage du plâtre par la gauche lui donnait ce jour-là par mégarde des ombres du même côté que le soleil, ce qui a été critiqué à la sortie du timbre.
Comme je l'écrivais en 2021, l'épreuve inversée au grand format est celle qui rend le mieux cet effet de relief voulu par son créateur, et possible techniquement grâce à l'emploi de ces fines lignes qui en firent le succès. Celles-ci ont donc été gravées à la main par Mouchon en réalisant un poinçon dont l'effigie est dans le bon sens, mais dont la trop grande finesse des traits était impossible à réaliser au bon format.
Claude Jamet nous apprend que celui-ci était en bois !
D'où tient il cette info ? Certainement de Robert Françon.
Il en donne même les dimensions extra ordinaires, qui sont celles de mon épreuve, et il nous en montre même une image. Ce que j'avais complètement oublié depuis ma lecture de 1996 :
(photo 4)
Sans son entourage, mais c'est bien la même !
A la lecture de ces lignes, je comprends mieux aujourd'hui la raison d'être de cette épreuve que je savais capitale dans l'histoire de mon timbre préféré :
- Le graveur Mouchon a copié de son mieux le plâtre et son relief sur du bois (je crois savoir qu'il s'agissait de buis, en tout cas pour le type Blanc) afin de pouvoir obtenir la plus grande finesse.
J'imagine que cela était bien plus facile sur du buis que sur du laiton.
- Sa première copie a été faite dans le même sens que le plâtre, c'est à dire à l'endroit, et à un format bien plus grand que celui du timbre prévu (environ 1,75 x celle du timbre).
Là aussi, j'imagine que c'était plus aisé pour son œil comme pour sa main.
Et c 'est ce poinçon en bois / buis qui a servi à imprimer l'épreuve en question.
Celle-ci représente donc véritablement LE TOUT DEBUT de la vie du timbre au type Semeuse !
Elle est à l'origine du poinçon dit "archaïque" que Mouchon grave alors dans une plaque de cuivre (selon J. Storch et R. Françon - article de 1986) et surtout au bon format, dans le même sens inversé, comme il se doit pour pouvoir donner des timbres corrects.
Le Musée de la poste conserve encore ce poinçon (étonnamment non décrit par Pierre de Lizeray !) :
Cet archaïque ne donnera que des épreuves, également reproduites dans l'article.
Et ce n'est qu'ensuite que viendra le poinçon original dit "l'ancêtre" déjà montré ici. Qui, lui, va être progressivement à l'origine de toute une descendance de petites Semeuses.
Du coup, j'adore encore plus ma grande !
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Une étude pour la Semeuse avec sol devant avec 4 dessins originaux
+ un commentaire en marge, probablement de Mouchon.
+ un morceau de poème de Victor Hugo au bas !
(écrit par une autre main)
Un détail étonnant apparait si l'on zoome sur le dessin du bas :
Une charrue est représentée dans le champ !
Comment ai-je pu oublier tout ça ?
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P.S. J'aimerais bien pouvoir contacter Monsieur Jamet,
et si l'un de nos lecteurs est en relation avec lui, il peut me contacter
en cliquant sur "Aucun commentaire"
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