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vendredi 26 septembre 2025

En fouillant bien...

 

  Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'internet est une source intarissable de renseignements utiles pour nous les collectionneurs. Mais il y a deux obstacles à franchir pour y faire de jolies trouvailles : savoir que rien n'y est très bien rangé ni clairement référencé, et ne pas se laisser décourager par les heures que l'on y passe, sans la moindre certitude de rentabilité.

En ce qui concerne la période qui nous intéresse, nous et la Semeuse, disons de 1902 à 1938, c'est dans la presse de l'époque que j'adore me plonger. Principalement sur le site Gallica. Ce n'est pas le plus convivial, mais certainement le plus riche.

  Voici un joli petit article paru dans "Excelsior" le 5 décembre 1922, consacré aux presses rotatives qui ont fait leur apparition boulevard Brune. Et on y apprend qu'en septembre, tous les problèmes techniques n'avaient pas encore été réglés, puisque l'atelier faisait encore des essais avec !

(cliquez pour zoomer)

On comprend mieux pourquoi il est si difficile de trouver des coins daté de cette période. Les presses ne tournaient certainement pas tous les jours, et pas à leur rendement maximum.

  Un seul timbre a eu le privilège d'inaugurer cette année-là l'impression en typographie rotative : il s'agit de la Semeuse verte à 10 centimes YT n°159 au type IB. Je vous ai déjà montré ses premiers tirages, et leurs inévitables balbutiements. 

Voici 2 feuilles imprimées sans souci alors que les machines fonctionnaient bien, les 8 et 9 décembre, soit précisément quelques jours après la parution de cet article. Une paire et une impaire, ce qui permet d'admirer le résultat d'un tour complet de ce cylindre qui fut nommé D+E bien plus tard :


Ce n'est qu'en janvier 1923, avec le cylindre suivant, que les dates et numéros pourront être imprimés en noir et non plus en vert. La machine Chambon permettant alors d'imprimer en 2 couleurs, avec 2 cylindres montés en série. Une preuve supplémentaire que l'atelier a réussi à surmonter petit à petit les écueils techniques qu'elle a rencontrés. 

Et bien entendu, le timbre changera au passage de type : ce sera le type III jusqu'en 1929.


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   Le même journal avait déjà publié quelques mois auparavant, le 16 septembre, un autre article consacré à la fabrication des timbres à l'atelier, qui bien que remarquable, ne nous apprend rien de plus au sujet de la typographie à plat. Mais il est illustré de jolies images, dont les 2 suivantes, montrant des machines que je n'avais jamais vues auparavant ! Je vous en fais donc profiter.

La première servait à agrafer les feuilles pour carnets imprimées à plat à leurs couvertures :


A votre avis : toujours notre Semeuse, mais des carnets du 25 c. bleu ou du 10 c. vert ?
Dommage que l'image soit en noir et blanc !

Et la seconde à confectionner les entiers postaux (enveloppes) :

Quelle ingéniosité !


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  Mais ce n'est pas tout ce que j'ai trouvé cet été en farfouillant sur le web. Je me suis un peu fatigué les yeux, c'est vrai, mais j'ai quand même déniché une jolie pièce pour ma collection. Pas que des images, si intéressantes soient elles. 

L'histoire est amusante, et va nous transporter jusqu'au Danemark, pays où je n'ai jamais mis les pieds, lui préférant de loin ma Toscane adorée. D'où je me promène sur internet.

   Je vous avais raconté en décembre 2022 les pérégrinations d'une jolie lettre postée à Paris pour Göteborg, ayant failli être détruite à bord d'un bateau suédois, le Newton, en raison d'un incendie qui s'y était déclaré dans le port de Sunderland en Grande Bretagne, en 1916. 

C'est le blocage maritime par les allemands pendant la guerre qui fut responsable de ce passage par le port anglais. Tous les autres courriers connus, qu'ils viennent de Londres ou du reste de la planète comme nous l'avions vu, ont embarqué à bord du même vapeur qui a appareillé le 14 février vers son port d'attache suédois.

  Cette lettre était la seule jamais rencontrée avec ma Semeuse préférée bleue à 25 c., mais j'avais du mal à croire qu'il n'en ait existé qu'une. Alors, depuis 2-3 ans, je clique de temps en  temps à droite et à gauche sur mon ordinateur, espérant surtout retrouver la trace perdue de l'autre lettre que je vous avais montrée, affranchie, elle, avec 3 autres Semeuses : 2 rouges à 10 c. et une verte à 5 c. 

Impossible de me souvenir où j'avais bien pu en trouver l'image ! Mais je l'aurais bien rangée à côté de l'autre dans ma collection. 

Cela m'a pris du temps, mais j'ai fini par retrouver le site qui la montrait, au prix de longues heures "perdues" : elle était présentée dans une collection suédoise consacrée à l'histoire de la chimie, sur un site de philatélie thématique en langue espagnole... Ne me demandez pas pourquoi. 

Il faut dire que j'avais cherché dans tous les sens sur Google, avec tous les mots-clés imaginables, en français, en anglais, en suédois ! J'ai même écrit à ce site pour essayer d'entrer en contact avec le collectionneur qui l'avait exposée, sans succès. Pas mieux via Facebook :  pas de réponse !

  Mais, mes efforts ont tout de même été récompensés, car j'ai ainsi retrouvé quelques autres courriers ayant subi les mêmes avaries, principalement partis de Londres. 

Mais mes yeux ont heureusement fini pas s'arrêter de cligner sur une jolie lettre à peine roussie sur ce fameux Newton, et portant une Semeuse à 25 c. bleue ! Vous imaginez ma joie. 

Elle était proposée dans une vente au Danemark, mais celle-ci était hélas clôturée depuis peu. 

Je l'avais ratée ! 

Je ne me suis pas laissé abattre. J'ai contacté le vendeur. En danois !

Miracle : elle n'avait pas trouvé preneur, et elle était toujours disponible. C'était inespéré !

Quelle chance ! Quelle joie !

J'ai pu l'acquérir à un bon prix, et elle a vite rejoint sa sœur presque jumelle, 109 ans après qu'elles aient été séparées, et surtout failli brûler. 

La voici :

Partie elle aussi de Paris le 9 février
Arrivée à Norrköping, côte Est de la Suède, le 27.02

  Certes la marque violette apposée suite aux avaries, seul témoin de ces mésaventures, est cette fois-ci apposé au dos, mais je ne vais pas faire le difficile : si l'on ne connait que 30 à 35 de ces lettres, la probabilité qu'on en trouve une troisième semblable est quasi nulle ! 

Je ne suis pourtant pas certain de laisser tomber mes recherches pour autant...



mercredi 10 septembre 2025

En marge

 

   Pour cette rentrée 2025, j'ai choisi de vous montrer 2 découvertes qui ont comme point commun de ne pas concerner à proprement parler les timbres, mais plutôt ce qui les entoure, tout en étant en rapport direct avec les techniques de fabrication de l'époque, qui ne cessent de me passionner.

L'une date de 1906 avec l'impression à plat, et l'autre de 1937 avec les presses rotatives.

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   On sait que c'est à la décision d'abaisser le tarif de la lettre de 15 à 10 centimes que l'on doit l'apparition de la Semeuse avec sol YT n°134, et qu'elle a été imprimée un peu dans l'urgence afin d'être disponible pour le 16 avril 1906, jour officiel dudit changement.

On sait aussi que les députés et sénateurs ont eu le privilège de disposer du nouveau timbre quelques jours auparavant, car l'on trouve assez facilement des cartes ou des lettres oblitérées du 13 avril. Et même un exemplaire "ministériel" du 10 avril !


Ce qui prouve sans le moindre doute possible que l'impression de la nouvelle figurine tant attendue était déjà en cours à cette date. Et même un peu avant.

En effet, le premier tirage de ce timbre, auquel on attribue le "type I", est tout à fait exceptionnel car il a été réalisé à l'aide d'un seul galvano de 50 et non d'une planche complète de 150. Nous en avions détaillé les particularités il y a plus de 10 ans :

Vous aurez compris qu'il ne nous est pas possible de connaître la date de ce premier tirage puisque les feuilles ainsi reconstituées et mises en vente n'en comportaient pas, évidemment :

(1 feuille = 3 panneaux de 50 raboutés)

Mais revenons à nos marges. 
On connait quelques rares et superbes feuilles non dentelées, comportant en dessous d'un de ces premiers panneaux de 50, un panneau de 50 exemplaires de la Semeuse avec soleil devant non émise. Toutes ont été imprimées le 7 avril sur la presse 13.


En les regardant plus attentivement, on remarque au niveau du trait rouge du bas, à son extrémité droite, une petite encoche, bien anodine :


J'avoue que n'y avais pas porté plus d'attention que ça, jusqu'à ce que je m'aperçoive qu'on la retrouve au même endroit, sur toutes les feuilles du deuxième tirage du 134, celui dit au "type II". 
Celles-ci n'ont pu être imprimées qu'une fois la planche de 150 fabriquée (avec trois millésimes 6 et date en bas). Toujours sur la presse 13 d'ailleurs.


(la date la plus précoce que je connaisse)

   Ceci est donc la preuve, pour ce timbre en tout cas, que les barres métalliques permettant d'imprimer ces traits horizontaux entre les panneaux étaient fixées sur la planche, et n'étaient donc pas solidaires du galvano de 50 comme nous le pensions jusque-là !

L'analyse future de multiples feuilles et panneaux en fonction des dates et des presses utilisées nous permettra peut-être d'en apprendre davantage, et surtout de savoir s'il s'agit d'une exception pour ce timbre, ou si cela est vrai pour d'autres tirages à plat.


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   En ce qui concerne l'impression rotative, avec les presses Chambon, la caractéristique principale est la présence de la date en bas à droite des feuilles, d'où découle la collection des coins datés qui est une de mes favorites comme vous le savez. Une numérotation des feuilles y est associée, à l'opposé : en bas à gauche. Ainsi que la plupart du temps le numéro de la presse, imprimé au niveau du pont séparant les 2 panneaux verticaux de 50.

Un rouleau de papier gommé était entrainé dans la presse qui réalise à l'aide de cylindres distincts l'impression des timbres, puis celle des précieuses indications que sont la date, la numérotation et le numéro de presse. Immédiatement après, la même machine effectuait la perforation puis la découpe en feuilles de 100.

   Sur cet exemple, nous avons juxtaposé 2 feuilles qui se suivent comme en témoignent leurs numéros, résultat de l'impression d'un tour de cylindre : 2 x 10 rangées de 10 = 200 timbres + 2 rangées sans timbres mais de la même hauteur que les autres, avec les parallélogrammes permettant de les identifier :


Un cylindre destiné à l'impression de ces feuilles de 100 avait donc une circonférence égale à 22 fois la hauteur d'un timbre (mesuré avec ses marges), soit un diamètre d'environ 168 mm

  Le massicot effectuait sa découpe très précisément au niveau de ces 2 rangées sans timbre : non pas exactement en leur milieu, mais volontairement à un niveau légèrement décalé assurant une marge inférieure nettement plus haute, de telle sorte que l'on puisse y lire la date et la numérotation. La découpe passant toujours en-dessous de ces indications. Ceci se vérifie sur tous les coins datés, même si parfois le bas de la date est un peu amputé par la découpe. 


Presque toutes les feuilles rotatives ont forcément une marge du haut bien plus étroite que celle du bas (l'aviez-vous remarqué ?)

Sauf lorsque les indications en question se retrouvent plus près des timbres (plus haut donc) permettant de régler le massicot pour une découpe au milieu de la rangée sans timbre, donnant donc des marges égales, mais c'est assez rarement le cas. En voici un exemple :


Et sauf exceptionnellement, lorsque l'on observe l'inverse, avec une marge du haut plus large que celle du bas, et des indications très (trop) proches des timbres :



   Le mécanisme assurant l'avancement du papier dans la machine était précis et fiable puisque c'est lui qui était responsable de la perforation avec un peigne, d'une rangée horizontale à la fois. Chaque avancement était compté, afin  que le massicot fasse toujours sa découpe entre 2 feuilles : c'est à dire une fois tous les onze avancements de la hauteur d'un timbre.

  A cette règle, et collectionnant les coins datés depuis plus de 50 ans, je ne connaissais qu'une seule exception sur plusieurs dizaines de milliers de coins datés rencontrés : un bloc du 40 c. outremer YT n°237, daté du 25 novembre 1931, et témoin de l'absence "miraculeuse" de découpe entre 2 feuilles :

Une pièce unique extraordinaire ! 
Je n'ai jamais vu aucun des 8 autres timbres de ce bas de feuille. Quel collectionneur aura jugé bon de conserver cette curieuse marge ? S'il existe, qu'il me contacte : à bon entendeur, salut !


   Et bien, figurez-vous que je viens tout juste de trouver une deuxième exception à cette règle !

Il s'agit cette fois-ci non pas d'une absence de découpe entre 2 feuilles, mais d'un très étonnant et non moins spectaculaire décalage de cette découpe : au-dessus des fameuses indications ! 

Avec un coin daté qui se retrouve EN HAUT, du jamais vu, tout comme la numérotation pour ce 30 c. rouge sombre YT n°360 :

Deux pièces uniques et extraordinaires !
Les positions du dateur et du numéroteur étant fixes, c'est obligatoirement la découpe qui a été décalée, ou plus exactement l'avancement du papier sous le massicot qui ne s'est pas déroulé convenablement.

Je ne pensais même pas que cette "variété" puisse exister : c'est incroyable !

  En revanche, même si les 6 autres timbres de ce haut de feuille sont eux sans grand intérêt, il est fort dommage que la feuille ait été hélas découpée.

D'autant plus qu'il y a de fortes chances pour que sa marge du bas ait été de taille normale et porteuse d'un autre numéro 56188 ou 56190, et d'une seconde fois la date, ce qui me laisse rêveur !

Ce qui est certain, c'est que la feuille située immédiatement au-dessus de celle-ci s'est obligatoirement retrouvée avec une toute petite marge du bas, et donc dépourvue de toute indication, ce qui est tout aussi intéressant pour un collectionneur averti ! Car je ne pense pas que cette mauvaise découpe soit survenue plus d'une fois ce jour-là.

MERCI de me le signaler si vous croisez de telles marges !
+++++

  Un petit coup d'œil dans mes albums permet de voir que cet accident de parcours est survenu le deuxième jour du tirage, et une petite imperfection du 7 de 37 permet d'identifier le galvano B de A+B :



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   Pour en finir avec les marges, je tenais à vous montrer cet exemple de carnets imprimés eux aussi par les mêmes presses rotatives. Les cylindres étaient un peu plus gros, et comportaient plus de marges. 
Un tour de cylindre imprimait 8 carnets de 20 = 160 timbres ainsi que la date et la numérotation sur deux des 8 rangées sans timbre. 


Un cylindre destiné à l'impression de ces carnets de 20 avait donc une circonférence égale à 24 fois la hauteur d'un timbre (mesuré avec ses marges), soit un diamètre d'environ 183 mm

   Puisqu'il n'était pas question de fabriquer des feuilles mais des carnets, les découpes étaient plus nombreuses, et un seul carnet sur 4 se retrouvait ainsi daté et numéroté.

Il faut croire que l'atelier de fabrication n'attachait pas la même importance à ces indications pour les carnets, sinon il les aurait fait figurer sur tous. Les coups de massicot et la hauteur des marges s'avèrent bien plus aléatoires que pour les feuilles.  Les indications peuvent donc se retrouver indifféremment soit en haut soit en bas du carnet. 
Soit à cheval comme sur cet exemple, amusant également :

Pas facile de les réunir ces deux-là, séparés depuis 87 ans !

   Le timbre YT n°360 est le même, mais au type III, différent de celui des feuilles au type IIA. Vous avez pu en admirer les 2 poinçons il y a quelques semaines. 

Les techniques d'impression bien différentes dans leurs formes ont nécessité la fabrication de 2 cylindres distincts, et ont imposé le recours à 2 poinçons, qui ont donné 2 types pour les philatélistes.