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samedi 12 avril 2025

Les faux pour tromper la poste du 10 c. rouge

 

  L'idée de leur consacrer un article me trottait dans la tête depuis longtemps car il règne souvent une confusion entre tous ces faux, mais ce n'est que dernièrement que j'ai enfin pu voir (hélas passer) celui dit de Saint-Etienne, dont je n'avais pas d'image correcte à vous montrer jusqu'à son récent passage en vente publique. Commençons donc par lui.

Voici celui que nous montraient J. Storch et R. Françon dans leur ouvrage au début des années 80, ayant circulé sur une carte postale de l'hôtel de ville de Saint-Etienne en mai 1917 :

Avec leur description, reprenant mot pour mot celle du Dr Grasset, on a plus de chances de l'identifier qu'avec leur image, mais on ne le croise presque jamais hélas !


Le voici donc enfin reconnaissable :

(mais en 1920 cette fois-ci)

  Plusieurs courriers sont connus affranchis et ayant circulé avec ce faux mais je ne les ai jamais vus : MERCI de bien vouloir vous manifester si vous faites partie des propriétaires !

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   Après celui qui pourrait bien être le plus rare, voyons à présent le plus fréquent, celui dit de Turin. Tout le monde le connait, mais on le confond parfois avec un des deux derniers, plus rares.



   Il date de 1909, et des centaines de feuilles ont été saisies lors de l'arrestation des faussaires ou des receleurs. J'en connais des panneaux de 50 et de 100, toujours sans les marges latérales, et avec millésime 8. Ce dernier étant parfois renversé. Mais je n'ai jamais vu de feuille de 150 (si il en existe, je veux bien qu'on m'en montre une, tout comme un bloc avec ses marges latérales).


(Arthur Maury - Le collectionneur de timbres-poste - 1910)

Le Petit Parisien - 12.12.1909

Ce bas de feuille sur lequel les faussaires seraient allés jusqu'à reproduire la date comme sur les vraies feuilles, semble témoigner de l'existence de feuilles entières de 150, qui ont aidé à tromper de nombreux acheteurs (à confirmer car image de mauvaise qualité) :


Je n'ai jamais vu de non dentelé, seulement cette curieuse paire :

 L'inspecteur Leoni, responsable de l'arrestation, avait collé en souvenir 2 faux timbres sur une de ses cartes de visite, avec les noms des coupables (visiblement italiens) :


Et la Préfecture du quai des orfèvres était sur le coup !

   Même si elles sont rares, je connais ces quelques lettres, qui me semblent être d'époques et authentiques, mais la plus grande prudence s'impose :


(vendue comme tel chez Robin, à moins qu'il ne s'agisse ici d'un faux des Russes ??)




MERCI également aux heureux propriétaires de tels courriers de bien vouloir nous contacter.

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   Le troisième et le plus facile à reconnaître, tant il est mal imité, est le faux dit de Lorulot :

Avec une très vilaine dentelure linéaire (11  1/4)

Mais il est également connu sans :

Et il semble avoir été imprimé en petits panneaux (peut-être de 25 ?) :


Le Journal du 12.10.1913

Cette lettre et ce fragment me semblent "bons" :



Mais celles-ci bien moins, avec des faux parfois non dentelés :




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   Le quatrième a longtemps été appelé faux de 1914, puis de Toulon :



Voici les lettres que je connais :





Celle-ci datant de 1913

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   Et le dernier initialement appelé faux de Paris 1911,  puis renommé faux des Russes en raison de l'arrestation à Paris de Russes qui les vendaient :




On en connait plusieurs oblitérés de 1909, d'où son changement d'appellation :





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Terminons avec ces 3 exemplaires qui sont visiblement faux, mais qui ne correspondent à aucun de ceux que nous avons décrits : sont ils d'époque ou bien pour tromper les collectionneurs ?



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Merci à tous ceux qui auront l'amabilité de nous apporter des renseignements, de la documentation ou des images complémentaires sur tous ces faux !

Compte tenu de leurs émergences rapprochées en quelques années, la presse généraliste de l'époque relate des arrestations et des saisies, mais sans que cela n'apporte beaucoup de clarté à nos yeux de collectionneurs d'aujourd'hui. Par ailleurs, la presse philatélique a ensuite bien compliqué les choses au fur et à mesure des découvertes, en mélangeant allègrement tous ces faux. J'espère que ces images vous permettront de ne plus vous mélanger les pinceaux, comme cela a longtemps été le cas pour moi, et qui sait, peut-être d'en dénicher certains.




vendredi 11 avril 2025

suite du 18 janvier

 

  Je vous avais fait part ce jour-là de mes soupçons concernant l'existence probable de trois autres bas de feuille du 5 c. vert avec un côté non dentelé, semblables aux deux que je vous montrais.

Un grand MERCI à Jacques qui nous a fait parvenir les images suivantes :

Ce qui confirme mes propos d'alors.

Mais une incertitude persiste : est-ce que le timbre de droite était attenant à la paire de gauche, la découpe étant très ressemblante ?

Ou bien s'agit-il de la 5ème roue du carrosse ?

Il faut absolument qu'un autre de nos lecteurs nous montre le dernier bas de feuille existant, daté du même jour et porteur de la même variété.

A suivre donc !


samedi 29 mars 2025

De la pub, encore de la pub

   

   Ceux qui me lisent savent ou auront remarqué que je n'aborde jamais le vaste sujet des entiers postaux. Non pas que cela soit inintéressant, je suis certain que c'est une collection passionnante. Mais il fallait bien que je fixe une limite au champ de ma collection, et j'ai choisi celle-là. Pour l'instant...

Cela ne m'interdit pas d'aller jeter un coup d'œil de temps en temps sur certains, pour leurs types notamment qui sont parfois spécifiques aux entiers, mais j'avoue que j'ai toujours eu un faible pour ceux  revêtus d'annonces publicitaires. Je suis sensible à leurs charmes. 

Il faut dire qu'il en existe de spectaculaires et de forts rares, mais leur prix est en rapport, et cela m'arrange un peu de ne pas trop m'en approcher. Ils sont tellement attractifs que je dois souvent faire un effort pour résister à la tentation qu'ils déclenchent, et y renoncer à regret. Mais je tiens bon.

  Regardez ces 3 exemples courants de carte-lettre :

Pas de quoi se retourner sur leur passage !

Elles eurent beaucoup de succès auprès du public au début du XXème siècle, car elles étaient bien pratiques et pas chères, ce qui fait qu'aujourd'hui elles manquent d'intérêt pour les collectionneurs, à part quelques types, variétés ou tirages rares parfois recherchés.

Mais attendez de voir comment la pub a su les rendre attractives !


  Bien avant celles-ci, de nombreuses entreprises avaient ouvert la voie en faisant figurer des annonces, imprimées à leurs frais sur ces supports publicitaires rêvés : de simples cartes postales ou enveloppes, destinées à traverser le pays et même la planète, en étant vues et manipulées par des dizaines de milliers de clients potentiels.

Certaines étaient vendues avec une réduction par rapport au prix du timbre imprimé, ou même distribuées gratuitement par des éditeurs qui s'y retrouvaient financièrement en tirant bénéfice des publicités, et/ou en commercialisant l'impression des annonces de nombreux clients. Il suffisait d'y penser.

  Lorsque je vous ai dit que mon regard était parfois attiré par les plus spectaculaires, je conservais l'image dans ma mémoire des plus marquantes, ou des plus jolies. Puis je les oubliais.

C'est là où l'on se rend compte que notre cerveau est une véritable merveille : il suffit d'apercevoir une de ces images, même des années plus  tard, et la connexion se fait instantanément, on la reconnait. 

  C'est ce qui m'est arrivé ce mois-ci, en faisant défiler sur mon écran les centaines de lots d'une vente publique extraordinaire. Et j'ai eu de la chance, car l'objet de mon article d'aujourd'hui était discrètement caché au sein d'un lot disparate comprenant quelques timbres avec un millésime, des variétés, une carte postale de Tunis, une enveloppe publicitaire. Ce qui fait que peu de collectionneurs ont dû y prêter attention.

Voici la pub qui s'était incrustée dans quelques-uns de mes neurones, il y a plus de 15 ans je pense :

Pourquoi ? Je l'ignore, mais c'est ainsi.
Vous connaissez le maté, vous ? Moi non !

Et voici que je la retrouve, un peu perdue dans ce lot, sur une jolie carte-lettre, ici dépliée :


   Du coup je suis tenté, car l'ensemble proposé est relativement abordable. L'intérieur de la carte n'est pas photographié. Je me souviens vaguement que ces cartes sont rares, j'ai dû le lire quelque part, mais pas moyen d'en retrouver la trace dans mes archives. Je suis certain d'en avoir stocké une image, mais je ne la retrouve pas. 

Ce qui me plait surtout pour ma collection, c'est qu'il ne s'agit pas ici d'un entier, mais d'une carte-lettre avec un timbre collé dessus, et non pas imprimé ! Sinon, je crois que j'aurais laissé passer l'affaire. 
Et je m'en serais mordu les doigts.

J'hésite un peu car la vente regorge de merveilles, puis j'enchéris finalement quand même, on verra bien.
La chance étant de mon côté, j'ai obtenu le lot. 
Je suis bien content sur le coup, mais surtout impatient de recevoir la carte, en espérant qu'il y a de jolies pubs au verso. 

   Plusieurs jours s'écoulent puis tout à coup, miracle : la mémoire me revient subitement. C'est bien entendu dans la collection d'un grand collectionneur d'entiers postaux que j'ai dû voir cette annonce, et nulle part ailleurs. Il ne peut pas s'agir de la même carte puisque celle que je viens de voir n'est pas un entier, mais cherchons quand même dans mon disque dur, cela m'intrigue. 

Et je la redécouvre enfin cette pub. Ma mémoire ne m'avait pas trompé :

Edition n°31 du 1er janvier 1907
(intérieur, carte dépliée)

Cet entier a circulé entre Melun et Rémalard en février 1908.
Timbre imprimé = Semeuse maigre 10 c. rouge YT 135.
Vous remarquerez que les inscriptions "postales" sont en rouge, comme le timbre puisque le tout était imprimé dans le même temps à l'atelier de fabrication des timbres-poste. Les annonces sont en noir, comme le mot qui a été ajouté "MODERNE".


  En attendant l'arrivée du recommandé, je cherche à me documenter sur ces entiers. 
J'aimerais bien en voir d'autres, mais ce n'est visiblement pas facile à dénicher! Ni dans mes archives, ni sur internet : rien, pas une image. Les bouquins dont je dispose ne font que mentionner leur existence.

Tout ce que je trouve, ce sont des petites annonces que faisait paraître la société dans les journaux de l'époque, en 1906 :

Le Petit Parisien du 2 mars :
La Lanterne du 31 mars :
Le Matin du 27 décembre :
(Merci à Gallica et à Doudad)

   Je fouille alors un peu plus dans la collection de Monsieur Jean Vigneron présentée sur le site internet de la fédération, et je découvre celle-ci, que j'avais oubliée, avec une Semeuse, une couleur et des annonces différentes :

Edition n°14 du 7 juin 1906
(intérieur, carte dépliée)

Cet autre entier a circulé entre Hirson et Lille en juin 1906.
Timbre imprimé = Semeuse lignée 15 c. vert avec surcharge "Taxe réduite à 0 f. 10". La même couleur verte a été utilisée pour les inscriptions et les annonces. Il n'y a pas de correspondance, et les bords ne sont pas déchirés.


J'en sais un peu plus à présent :
- l'éditeur est situé 8 rue Pilaudo à Asnières (Seine) 
- le tirage de chaque édition est de 2000 exemplaires
- la disposition des pubs laisse quand même une petite place à l'intérieur pour la correspondance
- il y a l'équivalent de 20 petites cases rectangulaires, pouvant être fusionnées par 2, 4 ou 8 en fonction du format des différentes publicités choisies
- sur la verte, il est précisé : "Pour les annonces, s'adresser au correspondant principal M. Henri GODFRIN à Rumigny (Ardennes)" alors que ces renseignements manquent sur la rouge.


Voyons à présent ce qu'il en est de celle que j'ai fini par recevoir :

Edition n°15 - Date 1er août 1906
(intérieur déplié)

Elle a circulé d'Asnières à Paris en septembre 1906.
Timbre collé = Semeuse lignée 10 c. rose YT 129.
Publicités et inscriptions imprimées en noir, ainsi que CARTE-LETTRE "MODERNE". Les annonces intérieures sont différentes de celles de l'édition n°31 (alors qu'à l'extérieur ce sont les mêmes).


   Je me décide à contacter Monsieur Vigneron pour lui faire part de ma trouvaille, et tenter d'en apprendre d'avantage à son sujet. A ma grande joie, cet éminent spécialiste n'a jamais vu de carte-lettre comme la mienne, et n'en connait qu'une seule autre, décrite comme incomplète dans le catalogue de Bertrand Sinais en 2005 :


Entier avec Timbre imprimé = Semeuse lignée 10 c. rose YT 129.
Il a circulé de Hirson à Amagne en juin 1906.
Avec peut-être bien le même cachet d'ambulant et les mêmes annonces que l'édition 31 (sur cette seule page visible).

Espérons que le collectionneur qui le conserve pourra nous lire, et aura l'amabilité de nous en faire parvenir de meilleures images.


Regardons à présent attentivement une des cases, imprimées à l'intérieur de l'édition 31 :


On y voit que l'éditeur proposait deux tarifs différents pour chacune des 20 cases publicitaires, en fonction du support choisi :
- soit sur une carte fac-similé fournie aux clients sans timbre imprimé
- soit sur une carte officielle toute affranchie = un des entiers à 10 c. YT 129 ou 135

Contre 10 ou 30 francs, l'annonceur d'une seule case, recevait 100 cartes "gratuites".
Et 20 cases correspondent bien à 2000 cartes.

Chaque édition tirée à 2000 exemplaires rapportait donc 200 ou 600 francs à la société.

- Dans le premier cas, le prix de revient comprenait celui des cartes vierges, semblables à celle-ci :

(j'ignore si elles étaient vendues par la poste ou dans le commerce, 
ainsi que leur prix certainement modique)
 
- Dans le second, il fallait compter le prix des 2000 entiers achetés à la poste (200 francs)

Et dans les deux cas prendre en compte le coût du travail d'imprimerie, les salaires et les frais de fonctionnement de la société.

   Avec 31 tirages jusqu'en janvier 1907, cela représentait une assez belle petite entreprise.


     Les 3 cartes complètes que nous vous avons montrées portent toutes la même mention :
"Délivrée GRATUITEMENT, toute affranchie  à MM. les annonciés"

Même celle sur laquelle un timbre a été collé pour pouvoir l'utiliser !

On comprend donc que le modèle "fac-similé" était fourni sans timbre, car sinon la société aurait été financièrement perdante si elle avait dû les affranchir elle-même avant de les distribuer.

Le prix du timbre à coller restait donc à la charge :

- soit de l'annonceur afin qu'il utilise ses cartes pour la correspondance de son entreprise, ou bien qu'il les distribue en tant que cadeaux, le but étant de faire circuler sa publicité,

- soit d'un utilisateur / expéditeur ayant reçu gracieusement une de ces cartes publicitaires, comme ce fut le cas pour la "mienne" :


En effet, ce Monsieur Arnoult était domicilié à la même adresse que le siège de la société, mais ne faisait pas partie des "annonciés". Il a donc dû recevoir la carte en cadeau de la part d'un de ses voisins. Peut-être le Docteur Mesnard qui vantait les mérites de son Maté - Kina ? Puisque lui aussi habitait ce quartier d'Asnières "Villa Pilaudo".

Mais qui a payé le timbre ? L'histoire ne le dit pas.


  Je me suis aussi documenté sur ce fameux maté anti neurasthénique, qui avait retenu mon attention. 
En 1900, à l'occasion du congrès international de médecine, 5 pages décrivent son origine, sa fabrication, ses mérites, que vous pourrez apprécier en cliquant sur ce lien :

D'ailleurs, si ce collègue du siècle dernier ne s'était pas offert 8 cases pour inscrire en aussi gros caractères sa publicité, ma curiosité n'aurait pas été autant titillée, et je ne l'aurais certainement pas enregistrée visuellement. Comme quoi la pub, plus c'est gros, plus ça marche !


Si nos lecteurs connaissent l'existence d'autres exemplaires de cette CARTE-LETTRE MODERNE, ils sont priés de bien vouloir nous contacter, et d'ores et déjà remerciés.

(cliquer sur "Aucun commentaire" ou sur mon pseudo)
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