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jeudi 15 mai 2025

Des pièces de Musée

 

  Etant donné votre impatience que je sens jusqu'ici devant mon écran, je me lance dans un deuxième article concernant les poinçons du Musée de la Poste.

Pour continuer notre hommage au travail extraordinaire de Pierre de Lizeray, vous devez savoir que l'examen attentif des images que nous avons obtenues (de très bonne qualité) nous a permis de vérifier et de confirmer la quasi-totalité de ses analyses et de ses conclusions. Nous n'avons pas trouvé grand-chose à redire au sujet de ceux qu'il a décrits en 1955.

Cependant, l'outil informatique à notre disposition nous a permis de poser à volonté notre regard jusque dans les moindres détails de ces superbes petites gravures, de réaliser des mesures, des comparaisons précises, et de faire varier le contraste des images, tandis que lui ne disposait bien entendu que de sa loupe et de son œil averti, sous un éclairage qui a pu lui jouer des mauvais tours.

Messieurs Storch et Françon, trois décennies plus tard, ont réussi eux, à obtenir des photographies pour leurs publications, mais avec une définition en général de piètre qualité, et en noir & blanc.

   C'est ainsi que nous avons pu corriger certaines erreurs qui se sont nichées dans les travaux de nos éminents prédécesseurs, sans pour autant retirer le qualificatif d'exceptionnel qu'il convient toujours de leur attribuer. 

" Errare humanum est, perseverare diabolicum ! "

Nous ne pouvions donc pas les laisser perdurer, et c'est avec un grand plaisir que nous vous les révélons ici, pour la première fois.

*****


   Commençons par la série des Semeuses maigres, pour laquelle le Musée conserve 5 poinçons avec 5 valeurs faciales différentes, alors que comme vous le savez, seuls les timbres à 10 et 35 centimes furent émis en 1906. Les voici :

Magnifiques !   © Musée de la Poste - Paris

  On remarque que celui du 15 c. est d’un aspect totalement différent des autres : la couleur du cuivre au niveau des creux est restée bien plus claire, plus brillante, sur l’ensemble de la gravure. Les creux des 4 autres sont comme encrassés ou noircis. Par ailleurs, son socle est moins haut que celui des 4 autres.

Nous sommes bien d’accord avec Messieurs Storch et Françon : il s’agit en fait du poinçon original sans valeur faciale, que Mouchon a transformé en poinçon du 15 c. après en avoir fait des copies. Et sur ces copies il gravera les 4 autres valeurs. Il n'y a pas de petites économies !

L’aspect des timbres à 10 et 35 c. émis dans un premier temps déplut tant au ministre que Mouchon devra retoucher leurs deux poinçons (pour donner les timbres au type II), et uniquement ces deux-là, contrairement à ce que Monsieur de Lizeray avait écrit. 

C'est pourtant logique ! Le graveur n'allait pas retoucher des poinçons qui n'allaient finalement pas être utilisés. Les copies étant comme toujours un peu moins bonnes que l'original, nous avons pu voir sur nos photos que le poinçon à 15 c. n'aurait de toute façon pas eu besoin de la retouche.

Les deux autres poinçons à 20 et 25 c. sont quant à eux restés dans leur état d’origine, non retouché, "au type I" ce que l’on peut assez nettement voir sur la comparaison qui suit (cliquez sur l'image) :


Les lignes de lumière situées sous le sac, au niveau de la plante du pied et du talon arrière :

- sont nettes, et profondément creusées (signe + blanc) sur le 15 c. tel qu'il a été gravé "d'origine", ou bien à la suite de la fameuse retouche effectuée sur les 10 et 35 c. = type II

- alors qu’elles sont à peine ébauchées pour les 20 et 25 c. (signe - blanc) = type I

*****


   Concernant la série des Semeuses camées, il existe 4 poinçons sans valeur faciale. Les trois premiers vous seront montrés ultérieurement, ne vous inquiétez pas. Mais nous les connaissons déjà tous en raison du remarquable ouvrage consacré à cette série par J. Storch et R. Françon, dans lequel ils sont reproduits.

Voici le 4ème et dernier (cela a son importance) qui nous intéresse aujourd'hui :

© Musée de la Poste - Paris

(Avec une curieuse rainure creusée en travers au dessous)

1)      Les auteurs pensaient qu'il était à l’origine des rares mandats internationaux de 1908, ce qui lui a valu de figurer dans leur 1er tome paru en 1981 (photo n° 45). Mais la comparaison avec les autres poinçons du musée est sans pitié : il s’agit d’une autre erreur. Mr de Lizeray ne l'avait quant à lui pas décrit à son époque.

      Il ne peut en aucun cas descendre du poinçon gravé par Lhomme (le fameux L2 de 1907) dont il diffère en plusieurs points.

Il provient en réalité d’un autre poinçon bien plus tardif, gravé par Guillemain (G26 de 1926), et n’a donc en aucun cas pu servir à l’impression desdits mandats. En voici la preuve :


  La forme très différente du S de FRANCAISE et du premier S de POSTES ne laisse aucun doute ! Ce poinçon est bien, chronologiquement, le dernier sans valeur faciale.

Reste à savoir quelle fut la descendance de ce poinçon sans valeur. Nous en reparlerons à propos des 35 c.


*****

1)        Ces mêmes auteurs avaient incorporé de nombreuses photographies de poinçons dans leur ouvrage, dont celles de plusieurs valeurs non abordées par Pierre de Lizeray. Mais pas toutes, bien entendu, puisque leur étude se limitait à la série des Semeuses camées de 1907

        Pour la valeur faciale de 30 c. le musée conserve 3 poinçons. Ainsi que nous le verrons plus tard, deux correspondent au type II, et seront à l’origine de timbres bien plus tardifs que ceux de la série de 1907 : 

(Nous les étudierons en temps voulu)   © Musée de la Poste - Paris

      Le troisième (Photo n° 273), a été identifié comme au type IV, celui réservé aux entiers postaux de cette période. Le voici :

© Musée de la Poste - Paris

         Or, il s’agit du type III, celui des carnets de 1938 ! Aucun doute n’est possible. 

       Il n'avait absolument pas sa place au sein de la série de 1907 !

       L’observation des images obtenues nous a permis de rectifier cette erreur :


Timbre au type III

*****

1)       Pour la valeur faciale de 20 c. le musée conserve 3 poinçons au sujet desquels Pierre de Lizeray ne se prononce pas trop. Les types des différents timbres de cette valeur étaient alors en cours d’identification. Pour nous, le souci est qu’il termine son ouvrage par un point d’interrogation, en citant son ami le Docteur Joany. Peut-être n’étaient-ils pas parvenus à s’entendre sur ce point précis de l’attribution d’un type à chacun des deux poinçons qu’il décrit au type I

      Le troisième, celui décrit comme au type II, a ensuite été rebaptisé à juste titre type V, et aucun doute n’est possible à son sujet, la forme du 2 étant caractéristique. 

Type V    © Musée de la Poste - Paris

Du fait que ce type V (qu'ils avaient certainement reconnu) n'appartienne pas à la série qu'ils étudiaient, Storch et Françon ont eu le tort de ne pas s'y intéresser. Ce n'est qu'en observant et en comparant les 3 entre eux que nous avons pu y voir plus clair.

Afin d’éviter toute confusion, il convient d’oublier définitivement la désignation « type I / type II » que les plus anciens employaient pour ces 20 centimes, devenue obsolète depuis la distinction des multiples présentations et types du timbre correspondant. 


Les deux autres poinçons à 20c. (au type I d'autrefois)    © Musée de la Poste - Paris

   Storch et Françon se sont un peu plus avancés en les décrivant comme probables types I et III (photos 163 et 164 page 186 de leur ouvrage sur les Semeuses de 1907). C'est bien qu'ils avaient des doutes eux aussi à leur sujet. La seule certitude à ce stade est qu'ils ne sont pas au type V.

   Nous nous sommes donc lancés, avec un correspondant et ami (Arnaud = Semeuse22), dans la difficile analyse de ces deux-là, et ils nous ont donné bien du mal. La distinction étant déjà souvent bien difficile sur des timbres...

   Grâce aux images à notre disposition, nous avons pu observer de nombreuses similitudes entre ces deux poinçons, dont plusieurs des particularités décrites par le Colonel Lebland (encore un grand chercheur, immense philatéliste).

La plus déterminante étant la n°18 = l’aspect des filets du cadre au coin inférieur sous « POSTES ». 

Or, l'aspect que nous observons à ce niveau est exactement le même pour les 3 poinçons, ce qui prouve leur appartenance à la même famille, dénommée H3. 

Les timbres au type I, bien plus précoces, appartenant eux à la famille G1, aucun des trois poinçons ne peut leur correspondre. 

   Ayant éliminé la possibilité des types V et I, il nous reste à trancher entre les 4 autres !

   Dans un premier temps, il a suffi de les mesurer, et ceci nous a permis de rejeter immédiatement l'hypothèse du type VI des carnets de 1937, dont le format est spectaculairement plus grand. Ces deux-là étant de dimension normale. Ensuite, nous nous sommes longtemps usé les yeux sur nos écrans pour essayer de trancher.

Il existe entre les deux des dizaines de similitudes indiscutables, à peine visibles parfois, ce qui nous permet d'affirmer - soit qu'ils ont la même ascendance directe (fort probablement le même poinçon sans valeur) - soit que l'un a été copié sur l'autre (ce qui ne peut être exclu).

- Le premier des deux (à gauche sur la photo ci-dessus) est facilement identifiable grâce à la présence très nette d'une autre particularité, dite n°1 = le petit trait dans la retombée de la ceinture. Cela permet d’éliminer à coup sûr le type IV (ainsi que le type VI : une confirmation). 


La forte ligne blanche à l’arrière de la Semeuse permet d’éliminer le type II des entiers (particularité n° 32). Il s’agit donc forcément du type III. Pas de doute pour celui-ci.



- Sur le second en revanche, la particularité n°1 est hélas bien moins visible, et il pourrait s’agir en son absence, du type IV des roulettes. Nous ne pourrons le savoir qu'en allant un jour y jeter un œil "de visu" au Musée, puisque ceci n'est pas assez net sur notre image.

Mais, si la particularité existe sur ce poinçon également, nous serions obligés de conclure qu'il est lui aussi au type III. Et c'est ce que nous croyons. Jusqu'à preuve du contraire. Arnaud un peu moins que moi, c'est vrai.


  Il faut dire que je voue une admiration sans borne à Monsieur de Lizeray, et que c'est lui et lui seul, qui a toujours affirmé qu'il y avait eu un changement de galvano (et donc très certainement de type) au début de l'impression des feuilles rotatives du 20 c. brun YT 139, dont les timbres sont précisément les premiers au type III. 

Il était arrivé à cette conclusion en étudiant leurs coins datés (autre sujet que j'adore) dont les marges portent des parallélogrammes. Or, ceux-ci sont nettement différents dans leur forme et leur position, entre le premier cylindre utilisé, et les suivants. C'est un fait indiscutable. 

L'espacement entre les timbres et les parallélogrammes est l'argument principal en faveur d'un changement de type et non pas seulement de cylindre.

Mais il a eu le plus grand mal (et nous pareillement) a identifier des différences suffisamment nettes au niveau des timbres eux-mêmes. Il en a décrit quelques-unes, minuscules, mais la moindre petite variation dans l'impression les rend caduques. Du coup, les philatélistes n'y ont jamais trop cru à cette histoire de deux types III très voisins. Mais il me semble fort probable qu'il ait eu une fois de plus raison, et que les poinçons du musée puissent à présent le confirmer.

Si l'on observe le haut de la signature MOUCHON, elle effleure le cadre sur ce second poinçon, et le rejoint même au niveau des O, contrairement à ce que l'on peut voir sur le premier.


Sur certains timbres (pas tous hélas !) des tirages C+D ou E+F la signature empiète même sur le cadre, alors que c'est loin d'être le cas pour ceux issus du premier cylindre A+B :

En bas : le O et C mordent sur le cadre, comme sur le second poinçon.

Il semble donc s’agir d’un autre poinçon au type III, ainsi que l’avait deviné et écrit Pierre de Lizeray : celui ayant fourni le galvano des cylindres C+D et suivants pour le 20 c. brun. Alors que le précédent correspond aux critères des tout premiers cylindres A+B.

 (ces dernières affirmations n'engagent que moi, et restent dans l'attente d'une confirmation)

*****


1)         Les choses auraient pu être plus simples pour la valeur faciale de 35 c. puisque le musée ne possède que  deux poinçons, et que le timbre correspondant n’est connu qu’avec deux types, faciles à identifier. 

Types I et II vous croyez ?   © Musée de la Poste - Paris

         En se fiant au critère principal permettant de différencier les timbres (le premier S de POSTES) Storch et Françon les identifient comme types I et II (photos 309, 310 et 311 page 353 de leur ouvrage). 

         Ils précisent que celui au type I provient du poinçon de Lhomme (L2 de 1907) mais ils se sont un peu trop hâtés pour l'affirmer, et c’est une nouvelle erreur ! 

      Il a en réalité pour origine celui de Guillemain (G26 de 1926). Merci à Arnaud pour son coup d'œil !

      Origine qu'il partage avec le poinçon sans valeur dont nous avons parlé plus haut, et qui lui a d’ailleurs probablement donné naissance. Ce sont toujours les mêmes lettres des légendes qui permettent de l’affirmer :

Ce poinçon qui ne peut en aucun cas être à l’origine des timbres au type I, n’a curieusement pas eu de descendance, d’où l'appellation de « non émis » que nous lui attribuons. Qui sait si l'administration n'avait pas envisagé un temps des roulettes ou des entiers avec cette valeur, puis renoncé ?

L’autre poinçon qui descend quant à lui de L2, est effectivement à l’origine des timbres au type II qui datent de 1926. 

Etonnant, non ? 

C'est même incroyable, mais vrai !

*****

Reconnaissez que ces quelques images préliminaires sont alléchantes.

   Celles qui vont suivre ne remplaceront certes pas l’émotion que l’on doit ressentir en tenant ces petites merveilles sous une loupe, mais elles vont rester à notre disposition, et à tout jamais exploitables. Nous pourrons en profiter à loisir sur nos écrans d'ordinateur. Même s’il est difficile techniquement de restituer sur une photo et de façon convenable les reliefs en creux qui font le dessin de notre Semeuse, on reste admiratif devant le travail d'orfèvre réalisé à l’époque.

  Un simple coup d’œil à cette image vous présentant l’ensemble permet déjà de distinguer les différents matériaux qui les composent :

-          - En haut et à gauche, le buis imprégné d’encre semble presque noir

-          - En haut et au milieu, celui qui se démarque franchement est le seul en acier

-          - 46 sont en cuivre, avec différents tons de brun mordoré, plus ou moins brillant

-          - 3 sont plus clairs et nettement plus jaunes, ils sont en laiton

-         -  Et le dernier bicolore, est en cuivre fixé sur un support en laiton


A SUIVRE...


dimanche 4 mai 2025

C'était en 1902, et il aura donc fallu 123 ans pour l'apprendre !

 

   Si la plupart des philatélistes intéressés par cette période savent que le premier timbre au type Semeuse a été émis le 2 avril 1903, ceux qui connaissent sa vraie date de naissance sont moins nombreux. 

Nous parlons de la Semeuse lignée d'une valeur faciale de 15 centimes, représentant alors le tarif de la lettre simple pour l'intérieur, dont la toute première date d'impression connue est le 26 mars 1903, en vert.

   L'émission d'un nouveau timbre représentait à l'époque un évènement assez important, faisant couler beaucoup d'encre dans la presse, pas seulement philatélique, et notre Semeuse reçut son lot d'éloges et de critiques, plus ou moins justifiés. Sa longévité exceptionnelle démontrera que ses détracteurs avaient tort.

Il faut reconnaitre que le dessin d'Oscar Roty était fort réussi, et que sa présence sur les monnaies en circulation depuis déjà quelques années, l'avait rendue très populaire.

   La décision du choix de cette effigie pour le nouveau timbre fut prise par le ministre du commerce Georges Trouillot, par un arrêté du 16 octobre 1902. Sa gestation fut donc de 5 mois et 10 jours.

Le ministre était aussi poète !

Et c''est dans Le Figaro du 31 octobre qu'elle fait sa première apparition :


Les sources de ce quotidien étant d'une précision remarquable, on y apprend non seulement le choix de Louis Eugène Mouchon comme graveur...


...mais aussi que l'atelier devait recevoir le coin gravé par Mouchon vers la mi-décembre !

   Mouchon s'est donc mis au travail pendant 2 mois, et nous savons qu'il prit pour modèle un plâtre confectionné par son ami Roty, aujourd'hui conservé au musée de Jargeau dans le Loiret. Celui-ci portait déjà la faciale de 15 c. mais, étant donné que l'administration prévoyait l'émission d'une série de plusieurs timbres portant les différentes valeurs nécessaires à l'affranchissement, il dut réaliser un poinçon sans valeur faciale, comme c'était l'habitude en pareil cas. Ce poinçon que nous connaissons est précieusement conservé au Musée de la Poste à Paris. 

   Voici ce qu'écrivait à son sujet Pierre de Lizeray : l’unique ancêtre de toutes les Semeuses émises. C’est donc une pièce qu’on ne saurait regarder sans un certain respect.

    Monsieur de Lizeray, cet illustre philatéliste, fut longtemps passionné par les timbres d’usage courant, et les a étudiés durant de nombreuses années. Il a surtout eu l’intelligence de publier une multitude d’articles et d’ouvrages à partir des années 1950 jusqu’à son décès en 1983.

Ses recherches, son analyse particulièrement rigoureuse, ses dessins et ses découvertes ont laissé une trace indélébile dans la mémoire des collectionneurs de l’époque qui lui doivent une fière chandelle, et dont je fais partie. Sans lui, la philatélie aurait été bien triste, et il est certain qu’il fut à l’origine de très  nombreuses vocations.

Je crois pouvoir affirmer que les timbres au type Semeuse étaient ses préférés. Il a su les disséquer, les trier, nous les faire aimer, et a réussi à les hausser au même niveau - ou presque - que les timbres classiques qui monopolisaient jusqu’alors les publications dans la presse philatélique.

Afin de remonter jusqu’à leurs sources, cet explorateur a publié en 1955-56 deux ouvrages remarquables consacrés aux poinçons « Semeuses » du Musée Postal, qui restent une référence pour tous ceux qui consacrent encore aujourd’hui un peu de leur temps à cette série de timbres.

Il les analyse en partant du plus ancien qu’il baptise l’ancêtre. Chacun est décrit dans ses moindres détails, chronologiquement d’abord, puis il les numérote par ordre de valeur faciale croissante. Il en dénombre 46, mais son deuxième volume prend fin prématurément avec l’étude des 15 et 20 centimes, et avec leurs mystères. J’ignore pourquoi il n’a pu aller jusqu’au bout (en tout cas il ne l’a pas publié), mais c’est fort regrettable.

Je ne résiste pas au plaisir de vous citer un passage dans lequel transparait son émotion de se retrouver face à ces petits objets métalliques qui ont donné naissance à nos timbres préférés, certains gravés de la main même d’Eugène Mouchon :

Tous les poinçons conservés au Musée sont rassemblés dans une pièce dont l’accès est interdit au public. Il ne nous a donc pas été donné d’y pénétrer. Nous savons seulement que les outils y sont logés dans un meuble muni de tiroirs très plats sur le fond desquels ils reposent.

Il regrette de ne pas avoir obtenu l’autorisation de pouvoir les photographier, mais ses descriptions sont si précises qu’on les visualise malgré tout assez bien.

Jean Storch et Robert Françon, quelques décennies plus tard, auront le loisir de le faire afin d’illustrer leurs nombreuses études sur la Semeuse, mais les images sont hélas d’un assez petit format, et en noir & blanc.

Cet ancêtre sera par la suite reproduit dans quelques articles, puis sur le site internet du musée, où l’on peut enfin en admirer toute la finesse et la splendeur. Notre masque de Toutânkhamon à nous !

© Musée de la Poste - Paris

Epreuve tirée avec ce poinçon

   Ce qu’il n’imaginait pas, et qui ne lui a pas été dévoilé à l’époque, c’est que le musée actuel conserve en réalité non pas 46 mais 52 de ces outils. Quelle bonne nouvelle : six merveilles de plus ! 

Et que cet ancêtre lui avait caché son père, 

et son grand-père !…


   Remercions à présent comme elles le méritent Mesdames Monika Nowacka, Emma Cas et Marthe Bobik qui ont en charge ce patrimoine extraordinaire du musée de la Poste, et qui nous ont permis de le faire photographier par un professionnel, à notre intention et en exclusivité. Nous aurons donc le plaisir de vous faire découvrir et partager ce que personne auparavant n’avait eu l’occasion d’admirer.

*****

  Voici tout d'abord, un autre poinçon original, sans valeur faciale et en laiton lui aussi, dont nous savions qu'il avait existé puisqu'il fut à l'origine de quelques rares épreuves sur lesquelles la Semeuse a été qualifiée d'archaïque, mais dont les détails de gravure trop fins se sont révélés impossibles à reproduire en pratique, pour imprimer des timbres industriellement :

© Musée de la Poste - Paris

Poinçon archaïque, "père de l'ancêtre"

Epreuve tirée avec ce poinçon


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  Mais le plus extraordinaire, c'est que nous avons eu la surprise et l'immense joie d'apprendre que le musée conservait également un autre poinçon de la Semeuse lignée, encore plus précoce que les deux ci-dessus, dont personne ou presque ne soupçonnait l'existence ! 

Certes Robert Françon et Jean Storch en parlaient dans le numéro de février 1991 de La Philatélie Française, mais je ne sais pas s'ils avaient pu le voir, ce poinçon, ou bien s'ils n'en connaissaient que des épreuves. Ce qui est sûr c'est qu'ils n'avaient pas pu le photographier, sinon, ils nous l'auraient montrée cette merveille.
Ils avaient surtout appris qu'il était en bois. 

Oui, vous avez bien lu : EN BOIS ! 

( Probablement en buis )

En effet, ils avaient dans leur collection 2 épreuves découpées et collées sur un support cartonné, avec une inscription manuscrite en marge : "gravure sur bois ayant servi de modèle au premier type". Elles sont réapparues récemment dans une vente publique, et je me suis permis de les encadrer depuis :

Epreuves inversées, sans valeur faciale ni signatures - format 31 x 38 mm


On pouvait avoir la confirmation de l'existence d'un poinçon en bois dans la même vente, avec ces deux épreuves du précèdent poinçon, dit "archaïque", présentées de la même façon :

"Premier type gravé sur laiton d'après gravure sur bois"



   C'est donc un poinçon en bois qui fut gravé en premier lieu par Mouchon à la fin de 1902, avec un format plus grand, et exceptionnellement à l'endroit; ce qui explique qu'il ait pu donner ces épreuves inversées. 
Le voici révélé pour la toute première fois au public :

© Musée de la Poste - Paris

Poinçon en bois"grand-père de l'ancêtre"

( il s’agit très certainement la toute première gravure réalisée par Mouchon )


Les résidus d'encre noire, et le rendu de la photo ne mettent pas en valeur l'extrême finesse de son dessin, et l'impression saisissante de relief voulue et obtenue par l'artiste, mais impossible à reproduire sur les timbres. 
En voici donc une autre image quelque peu améliorée par les outils informatiques d'aujourd'hui :


  Ce qui me donne l'occasion de vous remontrer la magnifique épreuve non découpée qui m'a si longtemps intrigué, et dont je connais dorénavant l'origine, reconnaissons-le assez prestigieuse pour mériter elle aussi d'être encadrée :



Et pour finir, une petite chronologie de ces mois de gestation :


*****

En vous laissant respirer quelques temps pour que vous puissiez vous remettre de l'émotion sensationnelle que cette révélation a pu déclencher chez vous comme chez moi, je vous donne rendez-vous ici-même pour admirer ensemble les autres poinçons du musée, avec encore quelques jolies surprises...